La crise chamboule le secteur de l'hygiène et de la beauté
La pandémie a bousculé un marché de l'hygiène et de la beauté globalement déjà fragile. Par ailleurs, la crise a accéléré des évolutions déjà en cours, comme les achats de shampoings solides, qui ont déjà séduit un quart des Français.
En cas d’arbitrage de consommation, ils passent à la trappe… « L’année 2020 n’a pas épargné le marché de l’hygiène-beauté qui était déjà fragile avant la crise », explique Anaïs Dupuy, spécialiste beauté chez Kantar. Le 13 avril, l’institut d’études de marché consacrait un webinaire à l’évolution de l’hygiène-beauté durant la crise. La tendance forte, c’est une baisse plutôt importante. Avec 10,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le secteur, les Français ont dépensé beaucoup moins en 2020 qu’en 2019 (- 5,4%).
A la base, « l’hygiène-beauté n’a jamais pesé aussi peu dans les produits de grande consommation », analyse Anaïs Dupuy. Lorsqu’en 2016, les Français achetaient pour 100 euros de produits, ils en consacraient 10,20 à l’hygiène-beauté. En 2019, le chiffre est descendu à 9,50 euros, et en 2020, à 8,60 euros… Une tendance qui tient à un double phénomène. Au fil des années, les Français utilisent de moins en moins souvent de produits différents. Exit les crèmes différentes pour les mains, les pieds… une seule suffit pour tous les usages.
Mais un autre facteur joue en défaveur du secteur, celui de sa « dévalorisation » . Cette année, en effet, ce sont les produits d’hygiène les plus basiques – et les moins coûteux- qui ont été boostés par la crise. Par exemple, les savons ont connu des performances inédites (+ 34,2% en valeur). Et les MDD, les marques de distributeurs, ont aussi bénéficié de la crise. A rebours, le maquillage et les parfums, plus chers, ont vu leurs ventes dégringoler. Dans le même sens, les circuits sélectifs, comme les parfumeries, subissaient les effets des fermetures administratives, tandis que les supermarchés ont bénéficié de la crise.
Les circuits de solderies (Action) et des enseignes qui vendent principalement leur propre marque (Lidl) ont aussi bénéficié de la crise. Nécessité fait loi. En novembre dernier, un quart des foyers déclaraient avoir perdu des revenus durant la pandémie, et 10%, avoir du mal à payer leurs courses. Résultat, d’après Kantar, le succès de ces enseignes devrait se confirmer dans les mois qui viennent.
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D’autres tendances et habitudes des Français, déjà boostées par la crise, devraient se poursuivre, voire s’amplifier. En 2020, le e-commerce a explosé, et la tendance a aussi touché l’hygiène-beauté : 13 millions de personnes ont acheté leurs produits du quotidien (dentifrice…) sur les sites Internet liés aux distributeurs, soit 2,5 de plus que l’an dernier. Et les sites spécialisés ont également vu leur fréquentation exploser : 9 millions d’acheteurs, soit près de trois de plus, que l’an dernier, sont allés y chercher des produits de maquillage ou des soins du visage. Plusieurs types de sites sont concernés : ceux rattachés à une enseigne, à l’image de Yves Rocher, Sephora ou Aroma-Zone, ou encore des pure playeurs (Beauté prive, Amazon, Notino).
Autre constat, « la crise a joué le rôle d’accélérateur » de tendances sociétales qui existaient déjà, commente Anaïs Dupuy. C’est notamment le cas du maquillage, dont les mauvais résultats sont loin d’être exclusivement imputables au confinement. En réalité, ce marché se porte mal depuis… 2015. En toile de fond, une tendance de consommation qui privilégie le bien-être au paraître. Par exemple, 28,2% des Français estiment qu’il est important qu’une femme soit toujours maquillée, un score qui a baissé de 1,4% l’an dernier.
Les Français sont de plus en plus nombreux à se montrer attentifs aux composants des produits qu’ils choisissent de mettre sur leur peau : en 2012, ils étaient moins de 40%, contre 44,5% en 2020. Une tendance au long cours qui a été accentuée par la crise. Et aujourd’hui, 2,3 millions de foyers utilisent une application sur leur smartphone pour vérifier l’innocuité d’une crème ou d’un shampoing. Quant au bio et naturel, il représente à présent près de 10% du rayon, soit 4,5 points de plus qu’en 2016.
Autre tendance, 10,8% des Français déclarent fabriquer eux-mêmes des produits d’hygiène-beauté (en novembre 2020). Et les produits cosmétiques solides (shampoings) sont devenus un réel phénomène : un quart de Français en ont déjà acheté. Plus confidentiel pour l’instant, le vrac se diffuse aussi, avec des marques qui expérimentent et se cherchent un modèle économique. Comme So Bio, chez Système U, ou Klorane chez Monoprix.