La mobilisation des agriculteurs s'étend, accident fatal sur un barrage dans l'Ariège
Les agriculteurs continuent de multiplier les actions mardi, avec de nouveaux blocages d'autoroutes, un mouvement endeuillé par la mort d'une exploitante dans l'Ariège, renversée par une voiture qui a foncé sur un barrage de manière non intentionnelle, selon les premiers éléments de l'enquête.
Le Premier ministre Gabriel Attal a exprimé sa « peine » et assuré que la « nation est bouleversée et solidaire », sur le réseau X.
Ce matin, en Ariège, une agricultrice est morte, percutée par une voiture. Deux membres de sa famille ont été gravement blessés.
— Gabriel Attal (@GabrielAttal) January 23, 2024
Aujourd’hui, tous nos agriculteurs sont en deuil. Notre Nation est bouleversée et solidaire.
Au nom du Gouvernement, je veux dire ma peine et…
Les victimes, une agricultrice de 35 ans, son conjoint de 40 et leur fille de 14 ans, selon le préfet, ont été renversées mardi entre 05h30 et 06h00 sur un barrage routier d’agriculteurs à Pamiers. Les trois occupants de la voiture qui a foncé sur le barrage, « un couple et une de leurs amies, tous trois de nationalité étrangère » selon le parquet, de nationalité arménienne selon une précision du préfet, ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte notamment pour homicide involontaire aggravé.
« Les faits en cause ne paraissent pas revêtir un caractère intentionnel », a souligné le parquet, mettant en avant la très faible luminosité sur place « en pleine nuit », « sans éclairage public. » Le véhicule, qui s’était engagé sur la RN 20 alors que l’accès en était interdit, a percuté un mur de paille qui était « recouvert d’une grande bâche noire », derrière lequel des manifestants se restauraient. Le père accidenté est « grièvement blessé » et sa fille, dans un état « préoccupant » a été « héliportée au centre hospitalier de Toulouse », toujours selon le parquet.
« Dans le moment particulier que vit l’agriculture, ce genre de drame est difficile à vivre », a déclaré le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Arnaud Rousseau, sur RMC. « L’ampleur de ce qui est en train de se préparer ne sera pas modifiée par ce drame », a-t-il souligné ensuite, ajoutant: « les combats continuent. »
Minute de silence, en hommage à l’agricultrice décédée
Au lendemain d’une réunion apparemment infructueuse avec le gouvernement, de nouveaux blocages ont lieu. Vers 4h00, une trentaine de tracteurs ont bloqué la circulation sur l’A7 dans les deux sens, entre Lyon et Valence, à hauteur de Saint-Rambert-d’Albon, selon la préfecture de la Drôme.
Dans le Sud-Ouest, les barrages de l’A64 à hauteur de Carbonne (Haute-Garonne) et aux accès à la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne) restaient en place et des perturbations étaient signalées sur les axes A62 et A20. Deux nouveaux blocages sont apparus sur l’A64 à Pau et l’A63 à hauteur de Bayonne, selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, l’accès à l’Espagne depuis l’A64 restant cependant ouvert. A Agen, des dizaines de tracteurs bloquent l’A62. Le trafic ferroviaire, un temps perturbé dans la zone par un dépôt de pneus sur les voies, a été rétabli. Des agriculteurs se sont massés devant la préfecture, où ils ont observé une minute de silence en hommage à l’agricultrice décédée.
En Dordogne, la circulation est perturbée à plusieurs endroits, près de l’aéroport de Bergerac et sur un accès à l’A89, selon la préfecture. Des convois de tracteurs convergent aussi vers Limoges et Poitiers, où des manifestations sont attendues.
De « petites actions » ont également eu lieu dans l’Est lundi soir, par exemple au péage de Saint-Avold ou à la frontière allemande à Sarrebrucke, selon la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) Moselle, qui annonce plus d’actions mercredi. Dans la Somme et l’Oise, des actions sont prévues à partir de la mi-journée, selon des sources syndicales.
« Le drame de ce matin […] nous ramène encore plus de dignité dans notre mouvement et remobilise certainement encore plus », a déclaré mardi le président de la FDSA Oise, Luc Smessaert.
Lundi soir, le gouvernement a accueilli les syndicats majoritaires, sans annonce à la sortie. Arnaud Rousseau (FNSEA) a dit attendre du Premier ministre et de son équipe des déclarations « qui fassent bouger les lignes sensiblement », évoquant une remise immédiate sur le gazole pour les tracteurs. Gabriel Attal veut « aller vite », « dans la semaine », a affirmé dans la foulée le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau.
Premier syndicat agricole français, la FNSEA, a remporté ces dernières années de nombreux arbitrages auprès du gouvernement, comme sur les taxes sur l’eau ou les pesticides, mais les agriculteurs se plaignent de crouler sous les normes et de ne pas gagner assez bien leur vie.
Parmi les multiples revendications entendues : des simplifications administratives, pas de nouvelle interdiction de pesticides, arrêter d’augmenter le prix du gazole pour les tracteurs ou encore la pleine application de la loi censée obliger les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les produits agricoles.
Le gouvernement craint un embrasement. Des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l’Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions contre les hausses des taxes et le « Pacte vert » européen. Mardi, les ministres européens du secteur agricole se réunissent à Bruxelles.