Portrait de l'Hérault — Département Hérault

La vie hors du temps d’Anne Gautier, cheffe d'atelier de la Manufacture de Lodève

En mai 2024, Anne Gautier est devenue cheffe d'atelier de la Manufacture de Lodève où elle travaillait déjà comme licière depuis 15 ans. Une vie hors du commun et hors du temps qui se raconte avec, en toile de fond, le bruit régulier des métiers à tisser.

À la manufacture de Lodève, le bruit des métiers à tisser est une musique d’ambiance. Parmi les liciers, certains y ajoutent une autre mélodie grâce à des écouteurs dans les oreilles, pour se couper davantage du monde et se concentrer sur le chef d’œuvre qu’ils réalisent. Car ce sont bien des chefs-d’œuvre qui sont commandés à la structure par le ministère de la Culture et le Mobilier national. Des tapis qui iront sublimer des ambassades, des ministères, et même l’Élysée ! La preuve, douce et colorée, de l’excellence du savoir-faire français.

Un tapis représente entre trois et huit années de travail

À 52 ans, Anne Gautier vient de prendre la direction de l’atelier de la Manufacture de Lodève. Un chemin qui a commencé à se tracer lorsqu’elle avait 16 ans, au hasard d’une publicité radio qui ventait les mérites de la Manufacture des Gobelins, à Paris. “Je savais que je voulais faire un métier manuel en lien avec l’art, se souvient-elle. Je suis donc allé visiter les Gobelins. Les gens que j’ai rencontrés là-bas étaient tellement passionnés ! Ce sont eux qui m’ont donné envie de choisir la haute-lice plutôt que la céramique ou la sérigraphie, par exemple.” 

Elle fait donc ses études puis commence sa carrière à Paris. À 38 ans, elle décide de quitter la capitale et demande sa mutation à Lodève. Anne Gautier emporte avec elle son immuable passion pour son métier. “34 ans plus tard, mon métier continue à m’épanouir. C’est une chance de pouvoir bien faire son travail. Ici, on a le droit de défaire pour mieux refaire.” Un nœud après l’autre, un tapis représente entre trois et huit années de travail, souvent en équipe de deux ou trois liciers. 

À Lodève, ce sont en grande majorité des œuvres contemporaines qui sont reproduites. “C’est un métier ancestral et ce décalage avec les pièces contemporaines que l’on tisse me plaît énormément, confie la directrice. Ça demande beaucoup de concentration, chaque point est un questionnement. En fait, les liciers sont comme des musiciens, on joue du même instrument, mais on interprète la partition chacun à notre manière.” 

“Le travail doit être émancipateur, épanouissant et enrichissant”

L’aboutissement de son travail, l’art créé, n’est jamais vendu, il appartient à l’Etat. Les œuvres sont tout de même estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros, “c’est le prix d’une maison”, confirme la licière. “Ce qui me plaît, c’est de travailler pour le patrimoine. Puisque c’est une commande publique, on a le temps de bien faire pour arriver à l’excellence et on travaille avec des matières premières de qualité.”

Consciente d’avoir un métier à part, Anne Gautier sait que les conditions de travail tendent à se dégrader dans le reste de la société. “C’est dur d’exercer correctement son métier, il y a moins de respect de l’humain. Je me sens privilégiée car je travaille avec des gens respectueux et bienveillants. Le travail, selon moi, doit être émancipateur, épanouissant et enrichissant. On devrait tous pouvoir trouver ça dans son métier.”

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Commentaires

  1. Article vraiment intéressant. Le regard que porte d’Anne Gautier sur son aventure humaine et artistique, est nourrissant. De plus, habitant Lodève, je me sens privilégié d’être sur un territoire aussi intense.

  2. Une personne d’exception, amoureuse de son métier et de ce qui le fonde. Des valeurs et des envies. Respect et admiration

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