L’AMF de l’Hérault distribue 106 000 euros de dons des communes à 7 organismes œuvrant pour la solidarité avec l’Ukraine
Sept organismes du département ont reçu jeudi 21 juillet des mains de l'Association des maires de France de l’Hérault (AMF 34), un Chèque solidarité avec l’Ukraine afin de poursuivre leurs missions.
Association Teplo, Svetlana Bakunova, Marusa et Bogdan © Mathieu Weisbuch
La guerre en Ukraine fait rage depuis cinq mois. La solidarité avec les populations touchées s’est heureusement mise en place au lendemain de l’attaque de l’armée russe le 24 février. Une date que certains organismes bénéficiaires des Chèques solidarité, présents à la Maison des élus du Département jeudi 21 juillet, ramènent 8 ans en arrière, lors de l’annexion de la Crimée par les mêmes forces russes. C’est dire si les besoins des populations réfugiées ou obligées de rester dans leur pays bombardé avaient été envisagés depuis longtemps.
Cela ne peut plus attendre
Depuis tout juste cinq mois, l ’AMF de l’Hérault a réussi à récolter 130 000 de dons auprès des communes du département. Il ne pouvait être question d’attendre plus longtemps pour répartir l’argent aux organismes qui travaillent quotidiennement auprès des Ukrainiens touchés par la guerre. Leurs missions concernent aussi bien la livraison de produits de première nécessité ou le soutien psychologique que l’hébergement et la scolarisation des enfants des familles réfugiées.
Pour parvenir à réunir cette somme, l’AMF a été sollicitée dans un premier temps par les maires du département. L’idée était de “mettre en place une action de solidarité sur le modèle de l’aide aux populations touchées par de fortes intempéries”, a expliqué le maire de Pégairolles-de-l’Escalette et président de l’AMF 34 Frédéric Roig. Le bureau de l’AMF 34 a décidé de répartir les dons selon 3 niveaux : les associations implantées localement, les associations locales conduisant des actions “micro” et les associations qui agissent tant au niveau local qu’international.
“Il n’y a pas de petites actions”
En distribuant 106 000 euros à 7 organismes, Frédéric Roig espère mettre “un rayon de soleil dans une période noire”. Le reliquat de plus de 20 000 euros pourrait servir à la réalisation d’une action baptisée Cartable de la solidarité. Elle visera à fournir aux enfants de réfugiés ukrainiens un cartable garni du matériel nécessaire à la prochaine rentrée scolaire. Le projet est en cours d’élaboration avec le directeur de l’académie et les collectivités locales.
Toute initiative solidaire doit trouver sa place grâce à une organisation simple et claire des pouvoirs publics sur tout le territoire. “Il n’y a pas de concurrence entre départements ni entre collectivités, a déclaré le président de l’Association des maires ruraux de l’Hérault, Philippe Doutremepuich. On ne veut voir qu’une seule tête, il faut jouer la même partition. Les Ukrainien accueillis dans les communes rurales nous honorent. On reprend un peu d’honneur avec ces actions de solidarité, pas de charité. Hélas, cette solidarité, il faudra peut-être qu’elle dure. C’est une course de fond. Tout compte, il n’y a pas de petites actions.”
“Travailler avec vous”
Chacun des bénéficiaires des chèques solidarité avec l’Ukraine est porteur d’une vérité sur la guerre et ses conséquences. La présidente de l’Association Teplo qui a reçu un chèque de 3 000 euros, Svetlana Bakunova, est une ancienne journaliste russe, installée à La Salvetat-sur-Agout et engagée depuis 2014. Dès l’annexion de la Crimée, elle a entrevue ce qui arrive depuis cinq mois. Elle a commencé avec peu de moyens à préparer des infrastructures et à chercher les personnels nécessaires pour accueillir des réfugiés dans l’Hérault : psychologues, interprètes, juristes, etc. Son projet tourne autour de la gestion des familles. Mais la guerre modifie toutes les perceptions.
Comme l’explique Svetlana Bakunova au sujet des traumatismes causés sur les enfants : “les mamans ukrainiennes n’osent pas s’adresser aux psychothérapeutes d’ici. C’est comme si elles faisaient l’aveu d’un échec de leur éducation. Comme si elles se disaient qu’elles n’ont pas réussi à protéger leurs enfants”. A côté d’elle ce jour-là, Marusa et son fils Bogdan, réfugiés. “Merci d’assurer notre sécurité et de nous donner la sensation d’être heureux. Mais cela n’est pas suffisant pour nous. Nous devons nous investir et travailler avec vous” a déclaré la maman de Bogdan.
Les secours en réseau
L’esprit de solidarité qui s’éveille dans la population de l’Hérault a besoin des connexions des organismes avec les différents acteurs concernés. Le président de Plateforme humanitaire Ukraine qui a reçu un chèque de 10 000 euros, Patrick Millio, décrit la Plateforme comme “un Petit Poucet avec un immense réseau”. L’association a déjà envoyé 2 convois dont le dernier, fin avril, a été conduit à bon port avec le concours de la Croix-Rouge polonaise. Il contenait “des lits médicaux et des produits de soin et d’hygiène.” Grâce à ce chèque, un troisième convoi est en préparation.
Même constat pour le Secours populaire de l’Hérault, doté d’un chèque de 25 000 euros. En Ukraine, il a pu acheminer des biens aux personnes prisonnières du conflit grâce à un partenariat bien implanté avec Kiev qui date de la catastrophe de Tchernobyl (1986). Un convoi de 250 000 euros de médicaments vient de partir pour l’Ukraine. Mais sa connaissance du terrain s’étend aux pays limitrophes et voisins comme la Moldavie et la Roumanie. Des connexions qui permettent au Secours populaire de faire parvenir plus sûrement son aide sous forme de kits : kit alimentaire, vestimentaire, de jouets… L’effort tend à sortir les populations de l’état d’urgence pour aller vers une situation plus stable. Or, le droit malmené des réfugiés est un obstacle, selon le Secours populaire : “le statut de réfugiés dans le monde est juridiquement posé et on ne l’applique pas. C’est la vision de l’humanité qu’il y a derrière.”
Une vision parfois teintée d’amertume. L’association SOS Ukraine Montpellier qui a reçu un chèque de 10 000 euros ne mâche pas ses mots sur le conflit et sur le “lien monstrueux avec ce pays-là [la Russie]”. Pour SOS Ukraine Montpellier, “il n’y a pas de zone libre en Ukraine, presque tout le territoire est concerné.” D’où le nombre important de déplacements à l’intérieur du pays et la difficulté d’aider ses populations en mouvement.
“Quand les caméras s’éloigneront”
Les problèmes ne disparaissent pas lorsque des Ukrainiens parviennent à fuir leur pays en guerre. Même si l’hébergement des réfugiés a bénéficié d’un élan de solidarité des collectivités comme des particuliers dans l’Hérault. “Le Département a mis à disposition des logements de fonction vacants dans les collèges, a rappelé le président du Conseil départemental Kléber Mesquida. Une aide de 100 000 euros a été votée pour 5 structures à part égales : la Croix-Rouge, la Protection civile, le Secours populaire, la Banque alimentaire et Face éco, un regroupement national pour aider les collectivités. En plus, nous avons distribué des cartes prépayées par l’État pour petits achats, distribuées aux familles.”
La Protection civile, qui a aussi bénéficié d’un chèque de 30 000 euros de l’AMF 34, raconte les nuits difficiles des Ukrainiens en centre d’hébergement d’urgence à Béziers. “De 2 à 4 bénévoles travaillent de jour comme de nuit pour apporter un soutien psychologique.” Comme on pouvait s’y attendre, la nuit réveille les angoisses. Ce soutien devra durer si le conflit dure et même après. Et c’est une mission qu’il sera tout aussi difficile de maintenir “quand les caméras s’éloigneront de l’Ukraine”, rappelle la Croix-Rouge de l’Hérault, doté d’un chèque de 25 000 euros.
“Ils sortaient des bombes”
En effet, ce conflit est parti pour durer. Un pressentiment unanimement partagé par les bénéficiaires des Chèques Solidarité avec l’Ukraine. “On est parti sur une guerre d’usure, mais on ne lâchera pas” a réagit Patrick Millio de Plateforme humanitaire Ukraine. C’est pourquoi l’intégration des réfugiés ukrainiens est si importante. Une intégration sociale et économique qui doit être accompagnée. Le maire de Sète François Commeinhes a rappelé que “l’Agglopole a mis à disposition des réfugiés les transports gratuits, des colis alimentaires, et facilité l’accès au centre de formation pour apprendre le français”. Sur les 2 400 réfugiés arrivés dans l’Hérault, 1 000 se sont rendus au salon de l’emploi. “Un succès” s’est félicité la sous-préfète de l’Hérault Emmanuelle Darmon. A chaque fois c’est un petit pas vers un retour à une vie normale.
Le Lycée agricole de Gignac qui a reçu un chèque de 3 021,18 euros l’a compris. Son directeur et maire de Saint-André-de-Sangonis raconte : “J’ai organisé une soirée à laquelle j’ai convié des artistes musiciens bénévoles. Il y avait beaucoup de chaleur. Les deux familles ukrainiennes logées pas très loin de chez nous étaient présentes. Leurs enfants ont passé la soirée avec les yeux qui brillaient. Ils sortaient des bombes.”