L’éco de l’Hérault — Lattes

Lattes : Oc’Consigne, le réemploi en verre et contre tout

En 2024, face à l’urgence climatique, Oc’Consigne se positionne comme un leader de la renaissance du réemploi des bouteilles en verre en Occitanie.

Bien que le taux de recyclage atteigne 82 % en France, le réemploi ne représente qu’un modeste 2 %. Face à ce constat, la Scop héraultaise a vu une précieuse opportunité de réenchanter le processus de consommation à travers un système de consigne oublié. Et les consommateurs semblent prêts : d’après les dernières études, 92 % des Français soutiennent le retour de la consigne.

Investir dans un avenir durable 

C’est en mars 2020, une semaine avant le confinement, que le chapitre commence : “Nous avons repris une association qui était à l’abandon, cela coïncidait avec un appel à manifestations d’intérêt (AMI) de l’Ademe et de Citeo, auquel nous avons décidé de postuler en déposant un dossier pour le montage d’une usine de lavage en Occitanie”, raconte Sophie Graziani-Roth, associée d’Oc’Consigne aux côtés d’Anne-Claire Degail et Sophie Gesegnet. Un test grandeur nature pour les entrepreneuses : “Nous nous étions dits que si nous devenions lauréates, nous continuerions. Être retenu nous a permis de financer le développement de l’activité et surtout l’investissement dans l’usine.”

La société a été officiellement créée en 2021, devenant une société coopérative et participative (Scop) en juillet de la même année. Puis, après un an et demi de travaux et environ 1 million d’euros investis, l’unique usine de lavage de la région a ouvert ses portes en juin 2023 à Lattes, dans un bâtiment de 600 m². “La métropole a activement cherché un local pour nous et trouvé ce site inutilisé dont elle avait la propriété, auparavant destiné à un projet de la ZAC. Ils ont réalisé des travaux pour nous accueillir et, aujourd’hui, nous leur louons le bâtiment. C’était vraiment un coup de chance, car nous étions sur le point de recevoir les machines et nous n’avions pas de site pour les installer”, se souvient-elle.

Oc'Consigne à Lattes ©Louise Brahiti
Oc’Consigne à Lattes ©Louise Brahiti

Seconde vie 

La mission d’Oc’Consigne est claire : convaincre viticulteurs, brasseurs et producteurs de boissons sans alcool des avantages écologiques et économiques du réemploi de leurs bouteilles. Une démarche qui intervient alors que la loi Agec impose que, d’ici 2027, tous les vignerons, producteurs et metteurs en marché aient 10 % de leur production d’emballages réemployables. “Jusqu’à présent, ce n’était pas possible car il n’y avait pas assez d’opérateurs comme nous ni d’usines de lavage. Cela se met progressivement en place, mais tout le monde doit s’organiser pour rendre cela possible”.

Mais alors, comment ça marche ? Oc’Consigne dispose d’une centaine de points de collecte, dont dans “une soixantaine de magasins spécialisés comme Biocoop, la Vie Claire et d’autres”, situés dans l’ancienne région de Roussillon (Aude, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales, Sud-Aveyron et Sud-Lozère). Grâce à un matériel performant et sobre en énergie, l’usine traite 3 500 bouteilles à l’heure dans un processus minutieux en plusieurs étapes : un bain de soude pour désinfecter et décoller les étiquettes, suivi d’un contrôle qualité rigoureux. À la sortie, “moins de 10 % des bouteilles traitées sont considérées comme non conformes et dirigées vers le recyclage”, les 90% restants sont réinjectés dans le circuit du réemploi et mis à disposition. 

Et quand il s’agit de convaincre, pour la cofondatrice, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le lavage d’une bouteille consomme bien moins que le recyclage, “soit une réduction de 51 % d’eau, 79 % d’énergie et 77 % d’émissions de CO2” (rapport Ademe). Sans compter que le réemploi permet de maintenir jusqu’à 90 % des bouteilles en circulation, alors que seulement 50 à 60 % des bouteilles recyclées en verre sont retransformées en nouvelles bouteilles. “Quand on prend tout cela en compte, il devient évident qu’il faut agir !”.

Dans l’ancien Roussillon, terre de vin, le poids de cette consommation énergivore pèse d’autant plus sur les vignerons, qui représentent 66% des producteurs impliqués dans le réemploi chez Oc’Consigne : “Pour un vigneron, environ 30 % de son bilan carbone provient de sa bouteille, ce qui n’est vraiment pas négligeable. Travailler sur la bouteille et passer au réemploi, c’est une manière concrète de réduire l’impact environnemental de la filière.” Les avantages du réemploi se traduisent également par des considérations économiques : “Le prix des bouteilles neuves ou recyclées est fluctuant ; il y a quelques mois, il avait considérablement augmenté. Sans oublier qu’il y a eu une pénurie de bouteilles il y a deux ans, et les vignerons ont rencontré des difficultés pour s’en procurer”, rappelle-t-elle.

L’objectif de la Scop est de collecter 100 000 bouteilles par mois d’ici 2025 afin d’atteindre la rentabilité. Pour y parvenir, Oc’Consigne poursuit sa croissance et travaille à l’élargissement de ses partenaires en intégrant de nouveaux distributeurs. “Les magasins qui mettent l’accent sur la réduction de l’impact environnemental semblent alignés avec notre démarche et nous avons moins besoin de les convaincre, tandis que les distributeurs doivent être plus persuadés, admet-elle. Nous n’avons pas encore de grandes surfaces engagées. La grande distribution, ainsi que les cafés, hôtels et restaurants, sont des acteurs clés, mais cela nécessite de collaborer davantage avec des grossistes, ce qui représente une nouvelle façon de travailler pour nous.” 

Oc'Consigne à Lattes ©Louise Brahiti
Oc’Consigne à Lattes ©Louise Brahiti

Plaidoyer pour une révolution du réemploi

Aujourd’hui, Oc’Consigne aspire à élargir son réseau de collaboration avec divers acteurs. “L’objectif actuel est de transformer la Scop en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), déclare Sophie Graziani-Roth. Nous avons toujours affirmé que notre projet est d’intérêt général, et pour le concrétiser, il est essentiel d’impliquer tous les maillons de la filière — producteurs, distributeurs, fournisseurs, financeurs et collectivités locales. Devenir une SCIC permettra d’attirer divers acteurs dans le financement, augmentant ainsi nos capitaux propres.”

Cependant, des efforts doivent également se concentrer hors de ses murs pour établir un modèle économique viable pour le réemploi. “Nous constatons des changements progressifs grâce à notre lobbying au niveau national, notamment avec des associations comme France Consigne et le Réseau Vrac & Réemploi, reconnaît-elle. Néanmoins, de nombreux obstacles subsistent.”

En premier lieu, la cofondatrice souligne que “la pression légale pèse davantage sur les producteurs que sur la grande distribution” et “qu’il n’existe pas encore de norme sur les emballages réemployables”, alors que “nous en avons besoin”. Elle évoque par ailleurs que les éco-organismes, mandatés par l’État pour promouvoir le réemploi, font face à des règles complexes en matière de financement : “Le réemploi nécessite une approche différente, où ces éco-organismes soutiennent la filière sans imposer un modèle industriel de grande envergure dès le départ”. Pour accélérer l’essor du réemploi et solidifier la filière, Sophie Graziani-Roth plaide pour une évolution législative : “Les pouvoirs publics doivent soutenir des règles incitatives pour encourager l’intégration du réemploi. Ce retour au bon sens est essentiel ! On parle souvent de sobriété heureuse ; il est temps d’adopter une consommation différente et de privilégier des choix plus vertueux. Quand on finit son repas, on ne jette pas son assiette ; on la lave. La bouteille doit être perçue de la même manière.”

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.