Environnement — Agde / Le Cap d'Agde

Le Cap d’Agde : “Il faut écouter l’orchestre sous-marin pour mieux le protéger”

Lors de la conférence organisée par l’Aire Marine Protégée de la Côte Agathoise au Salon nautique d’automne du Cap d’Agde, Sylvain Blouet, docteur en écologie marine et directeur adjoint de cette aire protégée, a captivé l’auditoire avec une perspective innovante : l’écoute des écosystèmes marins grâce à l’acoustique sous-marine.

“Une pollution invisible mais bien réelle”

Dans le cadre d’un projet de conservation, Sylvain Blouet et l’équipe agathoise ont instauré une zone de protection intégrale au sein de l’aire marine protégée, interdisant toute activité humaine, à l’exception de la navigation, pour permettre aux écosystèmes marins de se régénérer. “Nous avons créé un cœur de conservation où les écosystèmes peuvent se développer sans pression humaine’, explique-t-il. Un dispositif qui a également pour fonction de permettre la meilleure observation des effets du bruit anthropique sur la biodiversité sous-marine, “une pollution invisible mais bien réelle”, souligne le docteur en écologie marine.  

Pour réaliser cette étude, des capteurs acoustiques ont été installés dans et hors de cette zone protégée, enregistrant en continu sur des périodes de plus d’un an. “Ces micros sous-marins nous offrent une source d’information exceptionnelle sur la présence, le comportement et la communication des espèces”, développe Sylvain Blouet. Une écoute qui révèle que “certaines fréquences sonores, notamment celles générées par le trafic maritime, perturbent la communication et la reproduction de certaines espèces marines.”

En effet, les premières conclusions de l’étude montrent des différences significatives de bruit et de biodiversité entre la zone protégée et les zones ouvertes aux activités humaines. À l’intérieur, où ces activités sont interdites, le calme favorise des interactions plus naturelles entre les espèces. “Les espèces communiquent dans un environnement sonore plus stable, ce qui leur permet de mieux se reproduire et d’interagir, constate Sylvain Blouet. À 63 Hz, le bruit de fond reste semblable partout, mais à des fréquences plus élevées, comme 1500 Hz, le passage des grands navires en dehors de la zone protégée crée des interférences qui nuisent aux communications des espèces.”

“Écouter l’orchestre sous-marin”

Contrairement aux idées reçues, le monde sous-marin n’est pas un “monde du silence”, comme l’avait surnommé le commandant Cousteau. “En réalité, il est foisonnant de sons”, précise l’expert, en évoquant les révélations offertes par les enregistrements acoustiques. Car si cette étude visait avant tout à évaluer l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes marins, elle a aussi permis de dévoiler des informations insoupçonnées.

Ils ont ainsi révélé des comportements inconnus chez certaines espèces. Le corb, par exemple, un poisson particulièrement bruyant durant sa période de reproduction, s’avère plus présent et actif dans la zone protégée, émettant jusqu’à 648 sons par nuit en moyenne : “Cette intense activité sonore est essentielle pour la reproduction de l’espèce et est favorisée par l’absence de perturbations humaines.” L’expert ajoute que le comportement du corb semble également influencé par le cycle lunaire : “Notre étude montre une activité accrue lors des nuits de pleine lune, ce qui est confirmé par nos données acoustiques.”

Autre surprise notable : le mérou, discret dans les eaux turbides de la région, a lui aussi été repéré dans la zone protégée grâce aux captations sonores. “Nous avons détecté une présence de mérous bien plus importante que ce que nous imaginions”, pointe Sylvain Blouet. Les microphones ont également capté des clics, bourdonnements et sifflements produits par les cétacés : “Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces mammifères marins utilisent cet espace pour socialiser plutôt que pour chasser, en émettant davantage de sifflements la nuit, ajoute-t-il. “Ce suivi acoustique fournit des données précieuses pour adapter les stratégies de gestion de l’espace marin et mieux protéger ces populations sensibles.”

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