Entreprises — France

Le made in France fait salon à Bordeaux

Alors que le salon du Made in France va se tenir pour la première fois en province, à Bordeaux, du 11 au 13 mars, associé avec les Assises du Produire en France qui feront venir les différents candidats à l’élection présidentielle, notre pays cherche à réindustrialiser ses territoires.

On avait tant ironisé sur Arnaud Montebourg, arborant sa marinière Armor Lux, une montre Herbelin et un robot Moulinex pour promouvoir le Made in France en 2012. Et pourtant ! Quelque dix années plus tard, tous les candidats à la présidentielle vont défiler au prochain salon du Made in France (MiF) et aux Assises du Produire en France qui se tiendront du 11 au 13 mars à Bordeaux

Il faut dire que la dernière édition du MiF, la 10e de ce salon créé en 2012 par Fabienne Delahaye, a été un succès. Il est passé de 80 exposants et 15 000 visiteurs pour sa 1re édition à 834 exposants et plus de 100 000 visiteurs en novembre dernier ! La fondatrice ne peut que se satisfaire de ce chemin accompli : « La prise de conscience s’est faite auprès des consommateurs, des médias et des politiques »

Confrontée aux effets néfastes de la désindustrialisation, cette organisatrice de salons a eu l’idée d’en créer un pour promouvoir les entreprises qui fabriquent en France mais qui n’ont souvent pas les moyens de communiquer sur ce point. Le succès autour de la précédente édition a donné des ailes au salon pour s’exporter vers la province. 

Plus de 100 entreprises attendues

Alors que Lyon était la première ville pressentie pour l’accueillir, le salon se tiendra d’abord à Bordeaux, essentiellement grâce à la rencontre de Fabienne Delahaye avec le président de la Région Alain Rousset, fervent partisan du made in France et de Dominique Mockly, PDG de l’usine Térega, gestionnaire du réseau de transport de gaz et de son stockage, dont le siège est à Pau : « Leur enthousiasme et leur soutien financier ont permis l’organisation de la manifestation », souligne-t-elle. C’est ainsi que la Nouvelle-Aquitaine, déjà présente sur le salon de Paris, a été choisie pour promouvoir le made in France. 

Cette première édition rassemblera plus de 100 entreprises, dont quasiment la moitié (48) originaires de Nouvelle-Aquitaine, et 11 girondines. « Le salon est complet », se réjouit Fabienne Delahaye. La promotion auprès des visiteurs se passe aussi très bien : l’inscription est gratuite sur Internet, ou payante à l’entrée du salon, et remboursée dès le premier achat. « Nous ne voulons pas réaliser de bénéfices sur les entrées mais amener les consommateurs à acheter des produits made in France. Car plus les entreprises exposantes vendront, plus elles pourront investir et recruter, c’est un cercle vertueux, » martèle Fabienne Delahaye. Tricots Saint-James, parapluies de Cherbourg ou Slip Français, les entreprises de textile sont bien représentées, tout comme les produits pour la maison, les accessoires, la beauté et la gastronomie. 

Les freins à la relocalisation

Fort de cette présence, les Assises du Produire en France, déjà partenaires du salon, ont décidé de s’inscrire dans l’événement bordelais en invitant les candidats de la présidentielle. « Vous voulez tous relocaliser, alors que mettez-vous mettez en place ? », s’interroge Fabienne Delahaye. « Sur des entreprises type PME, c’est envisageable », continue-t-elle, « mais pour les grandes entreprises c’est plus compliqué quand on a déjà délocalisé et que les produits intermédiaires qui constituent une chaîne de valeurs sont répartis dans le monde entier. Cela demande des moyens considérables et des aides stratégiques importantes du gouvernement. » 

Les retours des entreprises concernant les freins auxquelles elles sont confrontées sont les normes qui entravent les investissements, les coûts du travail, en particulier sur le travail qualifié, et le besoin d’aides à l’export. « Les entreprises ont aussi des problèmes d’apprentissage, de formation et de savoir-faire pour recruter les bons profils », ajoute Fabienne Delahaye. 

Le déclic

Avec la crise sanitaire, la fermeture inattendue des frontières et les fortes demandes en produits de désinfection, les pays ont été contraints à repenser leurs forces de production sur leur propre territoire. Cette crise a mis en exergue en particulier la forte dépendance dans l’approvisionnement de certains biens médicaux : gel hydroalcoolique, masques, gants, mais aussi médicaments, et la capacité de la France à mobiliser d’urgence son outil industriel. « La prise de conscience est antérieure à la crise, mais elle l’a très largement accélérée », confirme Fabienne Delahaye. 

Pour parvenir à relocaliser, les acteurs du secteur s’accordent sur certaines préconisations telles que l’évolution du code des marchés publics, l’inclusion dans les cahiers de charges des grands donneurs d’ordre publics comme privés de critères favorisant l’essor des productions de proximité, ainsi que des moyens d’accélérer les investissements, tant en recherche et développement que dans des outils de production plus modernes.

L’industrie française reprend des couleurs : le nombre d’ouvertures d’usines est de nouveau positif. Pourtant on partait de loin… La part du made in France a baissé de 2 points entre 2000 et 2015. C’est en particulier la crise de 2008 qui a entraîné une explosion des fermetures d’usines en 2009, et plusieurs années d’hémorragie industrielle avec la perte de 400 usines sur cette période (données du cabinet Trendeo). Mais de 2016 à 2021, le pays enregistre au contraire un gain de plus de 120 sites. Outre le coup de frein de l’année 2020, il enregistre un bond conséquent en 2021 et un bilan que l’on n’avait pas vu depuis dix ans, confirmant la lente reprise de la réindustrialisation. 

53 nouvelles implantations industrielles

L’industrie tricolore retrouve ses couleurs avec 53 nouvelles implantations industrielles : des unités de production essentiellement, mais aussi des plateformes logistiques et des centres de R&D. Des implantations auxquelles il faut ajouter 31 extensions de capacités de production, ainsi que 25 investissements significatifs de modernisation des outils de production. Parmi les tendances notables figurent l’émergence d’acteurs issus des start-up, et l’essor des produits de recyclage et d’économie circulaire. La transition environnementale de l’industrie est à l’œuvre. 

Le plan France Relance, qui a distribué 2,9 milliards d’euros de subventions dans l’industrie, a contribué à l’investissement des entreprises. Celui-ci reste très dynamique et a rebondi de 12 % en 2021, dépassant ainsi allègrement son niveau d’avant-crise. Dans ce contexte favorable, de nouvelles ouvertures de sites sont prévues pour 2022. Cacolac se diversifie : outre sa boisson chocolatée, l’entreprise se lance dans le conditionnement en cannettes de vins et boissons. Pour accélérer l’embouteillage, elle construit un bâtiment de 2 000 m2 sur son site de Léognan, opérationnel à la fin de l’année, pour accueillir 10 à 15 emplois. 

Positionnement premium à la française

Le plan de relance favorisant la relocalisation ne doit toutefois pas masquer les efforts de nombreuses entreprises pour maintenir leur activité en France. Parmi celles-ci, Lectra, ETI fleuron de l’industrie 4.0 et acteur mondial majeur sur les marchés de la mode, de l’automobile et de l’ameublement. L’entreprise conçoit des solutions d’intelligence artificielle pour les marques, les fabricants et les distributeurs, et son pôle principal de recherche et développement, ainsi que son usine de production sont situées à Cestas (Gironde). C’est l’usine de Cestas qui fournit les pièces détachées à 34 filiales dans le monde afin de réapprovisionner les clients. Ses équipes R&D comprennent 490 collaborateurs, et l’investissement dédié représente 12 % de son chiffre d’affaires de 115,3 millions en 2021 (qui a plus que doublé). 

La tendance “Cocorico” est bien là. Phénomène post-crise ou véritable mouvement de fond, elle s’affirme et reste à suivre.

Fabienne Delahaye
Fabienne Delahaye
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