L’Éco de l’Hérault : du labo à la peau, ou les secrets de l’eau thermale avec la directrice Émilie Réboulet
Si la belle histoire des Thermes s’écrit près de la plage de Balaruc-les-Bains, celle de ses produits s’invente à Gigean, à 20 km de là.
En 2009, les Thermes de Balaruc se sont engagés dans une mission : offrir aux consommateurs une gamme de produits cosmétiques à base d’eau thermale, destinée à prolonger les bienfaits de la cure thermale. En quinze ans, sous la direction éclairée d’Émilie Réboulet, le laboratoire dermatologique est devenu un véritable bastion de l’innovation dans le domaine de la cosmétique naturelle.
L’histoire du laboratoire a débuté avec votre arrivée et votre force de conviction…
Émilie Réboulet : Quand je suis arrivée ici on m’a prise pour une extraterrestre, car il n’y avait pas encore de produits cosmétiques (rires). J’ai réussi à convaincre la direction d’étudier cette application potentielle, et j’ai eu de la chance car ils y croyaient. Ils ne l’avaient jamais fait donc il y avait une certaine appréhension, mais on s’est finalement jeté ensemble dans l’inconnu.
Quels ont été les principaux obstacles à la mise en place de cette nouvelle activité ?
É.R : Au début, il n’y avait rien du tout, dans le sens où il a fallu construire l’atelier cosmétique, acheter les machines et définir les formules. Malgré tout, quand on regarde, c’est allé très vite car je suis arrivée le 1er décembre 2009, et que nous avons sorti les premiers produits le 9 juillet 2010. Je pense que mon expérience a permis qu’on soit proactifs car, avant de prendre la tête du laboratoire, je suis passée par le groupe Chanel, et par une PME dans laquelle j’étais responsable de la partie Recherche & Développement et du contrôle qualité. Je suis arrivée avec toutes les étapes, de la formulation à l’achat en passant par la production en tête. Cette expérience m’a permis de comprendre nos besoins et de savoir comment développer rapidement la marque. Je savais partir de 0.
Quelle a été la stratégie de développement formulée ?
É.R : Pour le lancement de la marque, il a fallu déterminer les premiers besoins. On ne pouvait pas développer 30 ou 50 produits de suite donc nous avons décidé d’axer les premières phases de développement sur les besoins en soins des curistes de Balaruc-les-Bains. Nous étions conscients qu’il s’agissait de notre première clientèle. Dans un premier temps, nous avons donc développé une dizaine de produits ciblés (crèmes visage, main et pied, crème hydratante corps…) sous le nom ‘Thermalive’ afin de leur donner l’opportunité de rapporter les bienfaits de l’eau thermale à la maison. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la gamme ‘Effet cure’.
Des forages ont prouvé que les bienfaits des eaux de Balaruc étaient déjà ressentis à l’époque des Romains. Qu’est-ce qui demeure malgré les millénaires et de quel œil voyez-vous de telles découvertes ?
É.R : Le laboratoire extérieur qui a fait la première étude de notre eau thermale sur la peau en 2012 nous a dit que les qualités de notre eau étaient énormes. Nous nous basons sur cette étude dans la poursuite de notre travail de recherche avec le Musée d’Histoire Naturelle de Paris, ainsi que dans notre partenariat avec le CNRS, qui vient de se lancer. Cette partie recherche fondamentale se fait dans la partie laboratoire située aux Thermes. Notre mission est de regarder si les résultats peuvent avoir un impact dans nos produits cosmétiques. Nous avons déjà de très bons résultats dont on ne peut pas encore parler, il faudra revenir nous voir (rires). Avoir de telles données, c’est beau, ça me donne la chair de poule parce que c’est plus qu’un métier, c’est une affaire de passion. Apprendre ce genre de choses, ça nous donne envie de nous impliquer davantage. On se dit que ce qu’on découvre sur l’eau thermale il y a des milliers d’années, ou ce qu’on découvre dans l’avancement des recherches fondamentales, ce sont les preuves qu’on avait raison de croire dans ce projet.
Avec les années, la marque a changé, les gammes ont évolué, et la direction des Thermes a été renouvelée. Quels sont les grands marqueurs de ces évolutions ?
É.R : En janvier 2019, la marque a évolué avec le lancement de ‘Balaruc-les-Bains’. L’arrivée de Paul-François Houvion en août 2021 s’est aussi accompagnée d’une plus grande quête de naturalité, et nous sommes passés à ‘Balaruc-les-Bains, Eau thermale’. Puis en 2022, nous avons lancé les premiers produits de ‘Rek Up’, une gamme dédiée à la récupération sportive. Aujourd’hui, nous comptons une trentaine de produits dans notre gamme ‘Balaruc-les-Bains, Eau thermale’ et une douzaine dans la gamme ‘Rek Up!’.
Comment s’est traduite cette quête de “naturalité” ?
É.R : Nous ne faisons pas de compromis sur la naturalité. Avec ‘Balaruc-les-Bains, Eau thermale’, on ne fera que des produits avec plus de 95 % d’origine naturelle. Chaque eau thermale a une composition qui ne bouge pas, mais qui lui est propre, et chez nous l’eau est isotonique. C’est une caractéristique rare qui permet à l’eau de transporter les bienfaits des soins qu’on va appliquer sur la peau, en d’autres mots de faciliter la pénétration des actifs dans l’épiderme. En guise de matière première, il y aura donc toujours notre eau thermale, puis des actifs objectivés, issus le plus possible de la région Occitanie. Nous avons par exemple du miel de Clermont-l’Hérault, du sel de Camargue, de l’extrait de ciste qui provient de la garrigue montpelliéraine. Au fur et à mesure, on essaie d’aller chercher le maximum de matières premières le plus près de chez nous.
Cette volonté peut s’accompagner de difficultés supplémentaires. Quelles sont-elles ?
É.R : Nous sommes une petite équipe et comme il y a vraiment eu un travail de refonte à faire, ça a exigé beaucoup de notre part. Mais la plus grande difficulté réside spécifiquement dans la nature de notre eau thermale, qui est l’une des plus minéralisées jamais identifiées. Résultat, au niveau de la formulation purement R&D, on est content quand on a une formule qui est stable. Il n’y a pas de mystères : plus on veut des produits naturels, plus la chimie est instable ! Comme notre eau est riche en électrolytes, elle a tendance à déstabiliser ce qui lui est ajouté donc le développement peut prendre du temps. C’est difficile de faire des produits avec autant de naturalité en ayant des formules qui sont sympas, agréables et efficaces. Maintenant que nous avons nos méthodes, nos équipes, et un axe de recherche très actif, nous allons pouvoir mettre en vente entre 3 à 5 nouveaux produits par an. Après, comme toute marque cosmétique, nous avons certains produits qui ont la même base, mais nous essayons un maximum de développer des nouvelles textures ou des nouvelles galéniques (gel, émulsion, poudre).
Quelles sont les nouveautés de la saison 2024, sortie il y a quelques jours ?
É.R : Pour la nouvelle saison, nous avons sorti le gel d’eau thermale pour prolonger les effets de la cure à la maison. Dans ce gel, qui a des propriétés décontractantes et qui adoucit la peau, il y a uniquement 5 matières premières à savoir l’eau thermale, un gélifiant, un humectant, un conservateur pour protéger à la fois la formule et le consommateur, et un ajusteur de pH. On arrive donc à 99 % d’origine naturelle, c’est toute la beauté de notre eau thermale au niveau de son efficacité. Nous avons aussi le Fondamentale 95, de l’eau thermale couplée à de l’acide hyaluronique pour un effet anti-âge, et notre brume d’eau thermale en aérosol, pour un côté rafraîchissant et fixateur de maquillage. On pourrait aussi ajouter le roll-on qui n’est pas le résultat d’une nouvelle formule, mais une nouveauté commerciale. L’idée est de faciliter l’application de nos gammes. Et nous ne sommes pas à l’abri d’en sortir davantage. Dans notre entreprise, nous ne sommes pas une famille par le sang mais par le sens, donc il y a un principe d’écoute en continu, que ce soit de nos clients, de nos curistes, de nos partenaires, de nos collègues de travail… C’est un travail collaboratif, la seule chose qui sépare une idée farfelue d’une création, c’est notre réaction.