Les bambins en crèche désormais 'gardés' par des personnes non qualifiées, quels risques encourus ?
Face à la pénurie de main-d'œuvre, l'Etat a décidé qu'il serait dorénavant possible d'embaucher des personnes non qualifiées et de les faire "former" sur le tas par un tuteur. Une décision qui ne manque pas d'inquiéter les parents…
La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a restitué début juillet une étude menée auprès de 8 000 crèches, indiquant que 48,6 % d’entre elles étaient en manque d’effectifs. Que faut-il penser de l’arrêté publié au Journal Officiel début août, qui permet aux crèches de recruter des personnes non titulaires des qualifications habituellement requises dans ce type d’établissement, pour pallier le manque de professionnels formés à l’accueil de la petite enfance ? Pour le savoir, il est utile de connaître les différents types de formations qui menaient jusqu’à présent au travail en crèche, et surtout leur contenu…
Le contenu des formations habituelles
Jusqu’à présent, il existait plusieurs diplômes permettant de travailler dans le secteur de la petite enfance.
Tout d’abord, le CAP Accompagnant Éducatif Petite Enfance (AEPE), qui se concentre sur l’éveil et le développement de l’enfant de moins de 6 ans, pour permettre aux personnels de connaître les différentes étapes du développement de l’enfant et les meilleures méthodes pour l’aider à s’éveiller et grandir harmonieusement… Cette formation dure deux ans.
Vient ensuite le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture (DEAP), qui enseigne les méthodes pour mettre en place des activités d’éveil et des soins favorisant le développement et le bien-être de l’enfant. Cette formation dure dix mois et ajoute 6 stages de quatre semaines aux modules d’enseignement.
Le DEP (Diplôme d’État de Puériculture), pour sa part, mène au métier de puériculteur/puéricultrice, c’est-à-dire d’infirmier ou d’infirmière spécialisé(e) dans la petite enfance. Le puériculteur ou la puéricultrice accompagne et conseille les familles. Un rôle important pour les jeunes parents, amenés à faire face à des problématiques qui les inquiètent. Il faut quatre années de formation pour pouvoir exercer ce métier à responsabilité.
Le risque à recruter des personnes non qualifiées
L’arrêté publié au Journal officiel, applicable au 31 août 2022, veut améliorer la situation en permettant aux crèches de recruter du personnel non qualifié pour combler, dans l’urgence, le manque de personnel criant au sein des crèches collectives et des jardins d’enfants. Néanmoins, est-il responsable de permettre “des dérogations aux conditions de diplôme ou d’expérience fixées (qui) peuvent être accordées en faveur d’autres personnes, en considération de leur formation, leurs expériences professionnelles passées, notamment auprès d’enfants, leur motivation à participer au développement de l’enfant au sein d’une équipe de professionnels de la petite enfance et de leur capacité à s’adapter à un nouvel environnement professionnel (article 2)” ? La grande motivation d’une personne peut-elle compenser son manque de qualifications professionnelles ? On peut s’interroger à ce sujet…
Certes, les personnels qui auront été recrutés de cette façon feront l’objet “d’un accompagnement dans l’emploi, appelé parcours d’intégration, pendant leurs premières 120 heures d’exercice professionnel”, comme le stipule l’article 3. Mais de nombreux professionnels qualifiés de la petite enfance objectent que, les crèches étant déjà en manque de personnel, ces recrutements permettront tout juste d’occuper des postes vacants, mais les professionnels déjà en place ne bénéficieront pas de temps supplémentaire pour former les nouveaux embauchés, non diplômés… Et ce n’est pas parce que l’on est formé à un métier que l’on a la pédagogie nécessaire pour former à son tour d’autres personnes. Voilà qui donne à réfléchir. Ces personnes apprendront donc sur le tas… au risque que les tout-petits ‘essuient les plâtres’. Or on sait à quel point les soins et l’attention apportés aux enfants avant trois ans sont indispensables à leur épanouissement futur !
On ne peut qu’espéré que le nombre de places de formation aux métiers de la petite enfance sera accru, et surtout que les salaires des professionnels de la petite enfance seront revalorisés pour attirer des jeunes vers ces formations, et mettre fin à ces difficultés de recrutement au sein des crèches. Sinon, l’avenir d’une génération d’enfants pourrait bien être mis entre parenthèses…