[VIDEO] Montpellier : Les femmes et les enfants d’abord, oui mais que restera-t-il de l’espèce animale ?
L’Homme est à la fois responsable et victime de sa propre extinction. Les animaux, eux, accusent le coup des dommages collatéraux. A l’occasion d’une exposition photos qui leur est consacrée au domaine départemental Pierresvives de Montpellier, Alain Ernoult, photographe de renommée mondiale, partage sa réflexion et son engagement autour d’un effacement qu’il constate depuis des années.
Instantanée de la biodiversité actuelle
“ A l’âge de 17 ans, donc en 1972, j’ai parcouru toute l’Afrique en stop et j’avais déjà remarqué ce qu’il se passait : le non-respect des animaux, le braconnage”, raconte Alain Ernoult.
“Une fois j’étais en Haute-Volta – actuel Burkina Faso-, dans un véhicule conduit par deux chasseurs. Quand ils m’ont annoncé qu’ils partaient tuer des éléphants, je leur ai demandé de me déposer. Il se trouve qu’on était en plein désert et que je n’ai croisé personne pendant huit jours. J’ai très vite appris la vie”, résume le photographe, qui aura découvert la protection animale à ses propres dépens. “Il faut savoir qu’on tue 30 000 éléphants chaque année, sur 350 000 restant en Afrique”, ajoute t-il.
Le choix de la biodiversité et de l’animal comme sujet central marque d’ailleurs un tournant dans la carrière d’Alain Ernoult.“J’ai fait beaucoup de choses au cours de ma carrière : j’ai été grand reporter sur de nombreux conflits, photographe de la Patrouille de France pendant 30 ans. Je me suis toujours orienté vers de l’extrême et aujourd’hui j’ai décidé de montrer ce que je voyais, ce qu’il se passe vraiment pour les animaux”. Avec une disparition de 70% des espèces vertébrées depuis 50 ans, le combat contre l’extinction animale semble finalement tout aussi extrême.
La fin, de toute beauté
Preuve d’un engagement à la croisée des disciplines, Alain Ernoult se considère comme un “artiste environnementaliste”.
Pour autant, le reporter ne veut pas se dresser en “donneur de leçons” sur la disparition du règne animal. “Je préfère que les personnes fassent ce travail elles-mêmes, par rapport aux photos, à travers la beauté et l’émotion. Je pense que le chemin est beaucoup plus fort ainsi, et que chacun doit faire ce chemin”, confie t-il.
L’idée du photographe, plus largement, est de dépeindre la réalité positivement. “Mon regard à moi, c’est la beauté du monde. Dans tout ce que j’ai photographié, y compris les guerres, je n’ai jamais montré ni la mort ni la misère. Dans ce que j’ai fait, j’ai toujours cherché ce qu’il y avait de plus beau. Parce que je pense que photographier des gens morts c’est une chose, mais en montrant des choses positives, on avance davantage”.
De la Patrouille de France aux ours polaires
Témoigner de la biodiversité actuelle implique aussi d’aller à la rencontre de l’animal, ce qui a fait vivre des scènes parfois surprenantes à Alain Ernoult… Quant à savoir ce qu’il y a de plus effrayant entre un vol avec la Patrouille de France et la rencontre d’un ours polaire, l’instinct semble en tout cas qualité indispensable.
“Lors d’un vol avec la Patrouille de France, on doit être complètement dans le self-control, sinon on ne fait pas de photos. Bon, c’est vrai que c’est impressionnant de voir les avions à 1,50 mètres les uns des autres en bougeant dans tous les sens, en se prenant 7G voire plus !” révèle le photographe, mais c’est avant tout un travail de confiance les uns avec les autres. Si je ne fais pas confiance aux pilotes, je ne fais pas de photos. Donc je dois lâcher prise”, résume-t-il.
Et avec les animaux ? “C’est un peu pareil, rapporte Alain Ernoult, je n’ai pas peur. Je sens l’intuition de faire la photo ou pas. Si en mon fort intérieur je pense ‘ne fais pas la photo, n’avance pas’, je n’y vais pas”.
Un tableau à revoir pour les acteurs
Dans la démarche de progression chère à “l’artiste environnementaliste”, quels sont les points de blocage dans la préservation de l’espèce animale ?
Pour Alain Ernoult, cela ne fait aucun doute : “Cela est lié à des enjeux économiques forts. C’est l’Homme qui détruit les espèces, notamment par l’agriculture intensive, les pesticides, la démographie. On est passé de 3 milliards d’individus dans les années 40 à 7,5 milliards aujourd’hui. Cela va à une vitesse folle et il y a de moins en moins de place pour les animaux sur la planète. Il y a aussi la pollution qui génère le dérèglement climatique et dérègle l’écosystème de ces animaux.Tout s’enchaîne à une vitesse extrêmement importante”, alerte t-il.
Les extinctions d’espèces ne sont pas nouvelles mais c’est bien la vitesse à laquelle elles se produisent qui est inédite : “Parce qu’avant cette sixième extinction, le phénomène se produisait sur plusieurs siècles. Maintenant l’intervalle est de 50 ans. C’est une catastrophe. Il y a des espèces qui disparaissent avant même qu’on les découvre”, déplore Alain Ernoult.
La sixième extinction, une exposition éphémère qui est à retrouver du 6 octobre 2023 au 27 janvier 2024 au domaine départemental de Pierresvives à Montpellier. Entrée libre sur inscription.