Aude

Leucate : des vendanges calamiteuses car la sécheresse « tue la vigne »

Au milieu des souches anémiques de sa vigne, Nicolas Castan, vigneron depuis trois générations à Leucate, songe à arrêter son métier après une nouvelle récolte affectée par la sécheresse. La pire « perte du siècle ».

Les feuilles cramoisies, rougies par le soleil et le manque d’eau sont accrochées aux souches anémiées de la vigne, et le tableau désespérant conforte Nicolas Castan, vigneron à Leucate, dans son idée d’« arrêter » le métier à l’heure de nouvelles vendanges catastrophiques. « Jusque-là, je ne comprends pas que des agriculteurs se suicident, maintenant si », lâche ce propriétaire d’une centaine d’hectares, 42 ans, la gorge serrée.

« 3 000 kilos par hectare »

Installé depuis 2005, il a vu ses rendements chuter au fil des ans : « 3 000 kilos par hectare »« 9 000 avant ». L’an dernier déjà, les 135 vignerons adhérents de la cave coopérative de Leucate pensaient « avoir touché le fond » avec « une récolte de 50% » par rapport à la moyenne, selon Lilian Copovi, président de la cave locale. Cette année, les premières récoltes déjà maigres, vidées par les tracteurs qui s’enchaînent devant les grandes cuves de la cave, annoncent une perte de 70%.

Dans cette zone du littoral, « la vigne meurt », résume Frédéric Rouanet, président du syndicat des vignerons du département, qui parle pour cette année de « perte du siècle ».

Marchant sur la terre craquelée entre les souches chétives, Nicolas Castan s’inquiète du paysage devenu « désertique ». Ici, « la réverbération du soleil sur les cailloux l’été donne des températures proches des 45 degrés » tandis que seulement « 200 millimètres d’eau sont tombés l’an dernier. Au Sahara, c’est 250 ! », s’alarme le vigneron.

Arracher et vendre

Dans une situation « psychologiquement et financièrement compliquée », le vigneron compte se reconvertir après avoir arraché et vendu, « si possible », une majeure partie des terres héritées de son grand-père, ne gardant « qu’une dizaine d’hectares », dit-il les yeux humides et la voix tremblante.

A quelques kilomètres de là, sur fond de cyprès morts et près d’un figuier déplume, Alain Gleyzes, président de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Fitou, est assis au volant de sa machine : il tente de vendre une de ses vignettes. Mais certains raisins, devenus secs, respectent toujours à leur pédoncule : par manque d’eau, « ils sont tellement petits et légers » qu’ils n’ont pas le poids nécessaire pour tomber face aux vibrations de la machine.

Sur ses 65 ha, 35 sont devenus « économiquement inexploitables », dit celui, qui, en 43 ans de métier n’a « jamais vu » une telle sécheresse. « On arrive à la limite de ce que peut supporter le végétal ». Face au désastre, « tout le monde parle » de nouvelles cultures, comme « l’aloe vera ou la pistache », peu consommatrices d’eau, mais un minimum est toujours nécessaire, insiste M. Gleyzes.

Changement climatique accéléré

Dans ce coin est de l’Aude, « on observe un changement climatique très important », « de long cours », mais en accélération « ces cinq dernières années », explique Laurie Schneider, cheffe du service eau et changement climatique à la chambre d ‘Agriculture de l’Aude.

Cette année encore, les pluies printanières n’ont pas permis « de rehausser le niveau d’humidité des sols », ni « des nappes phréatiques pour trouver une situation normale », détaille-t-elle.

Dans les Pyrénées-Orientales, département chroniquement le plus sec de France ces dernières années, les viticulteurs sont logés à la même enseigne, face à une pénurie d’eau « de plus en plus sévère », témoigne Patrick Mauran, président de la cave coopérative de Terrassous, au sud de Perpignan, qui enregistre une perte de rendement de 50%.

Une machine à vendanger dans un vignoble à Leucate, le 23 septembre 2024 © Matthieu Rondel / AFP.
Une machine à vendanger dans un vignoble à Leucate, le 23 septembre 2024 © Matthieu Rondel / AFP.

Le 16 septembre, les viticulteurs locaux ont fait partie de leur désespoir au préfet. Même les plantes « résilientes comme les vignes ou les oliviers ont du mal à pousser chez nous », constate M. Mauran. Pour beaucoup de vignerons, l’arrachage est devenu la seule issue possible.

Mi-septembre, la France a soumis à la Commission européenne un dispositif doté d’une enveloppe prévisionnelle de 120 millions d’euros, prévoyant une aide à l’arrachage définitive pouvant atteindre 4 000 euros par hectare et qui permettrait de couvrir 30 000 hectares. Mais le délai nécessaire pour l’approbation du plan « n’est pas bon du tout », se lamente Nicolas Castan, qui ajoute, amer : « La viticulture chez nous va disparaître, alors que c’était la principale économie de notre région. »

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