LGV à Poussan : la SNCF n’a pas réussi à contenir la colère des habitants
Dans une ambiance tendue, près de 200 personnes ont assisté à une réunion publique jeudi 7 novembre au soir à Poussan, organisée par la SNCF pour présenter la ligne LGV entre Montpellier et Perpignan.
La salle du foyer des campagnes de Poussan est comble et les injonctions fusent. “Arrêtez avec votre LGV”, “C’est du foutage de gueule”, “C’est un projet du siècle passé”, lancent à tour de rôle les près de 200 habitants des villes et villages de l’étang de Thau, venus à une réunion publique organisée par la SNCF. Le but de l’entreprise ferroviaire : présenter le viaduc de 1,4 km de longueur et 30 mètres de hauteur qui va passer au-dessus de Poussan et sur lequel roulera la nouvelle ligne entre Montpellier et Perpignan. Un projet de 150 kilomètres qui coûtera environ 6 milliards d’euros qui permettra d’ajouter 3 millions de voyageurs ferroviaires annuels supplémentaires et de diminuer le temps de trajet entre Montpellier et Perpignan de 39 minutes.
“Vous ne croyez pas qu’il y aurait d’autres choses à faire avec cet argent”, s’insurge une dame dans l’assemblée, micro à la main. “Les habitants vont se retrouver avec ce viaduc qui va être laid et qui fera du bruit. Ils n’ont rien demandé”, renchérit, acerbe, un autre participant.
En face, Stéphane Lubrano, directeur de la mission Ligne Nouvelle Montpellier – Perpignan chez SNCF Réseau, a du mal à convaincre. “Nous installerons des protections acoustiques pour traiter les nuisances sonores et vibratoires tout au long du viaduc”, assure le responsable dont la réponse est à peine écoutée.
Des échanges rudes qui ont duré toute la soirée. “Les craintes sont légitimes, on est là pour les écouter. Mais le projet a été déclaré d’utilité publique en 2023 donc le tracé est aujourd’hui acté. Il nous reste des degrés de liberté sur ce viaduc pour l’adapter au territoire aux besoins et aux demandes des populations”, a réagi à la fin de la réunion publique M. Lubrano. Des concertations doivent se tenir ces prochains mois pour un démarrage des travaux avant fin 2029 et une mise en service de la ligne en 2034.
Des concertations avortées
Les habitants ont été invités à donner des idées sur la réalisation du viaduc qui traversera leur village. Mais tous ont quitté la salle avant même que commencent les concertations. Les tableaux destinés à inscrire les propositions sur le style architectural, les matériaux à utiliser ou la couleur du viaduc sont devenus un mur de contestations, parfois ironiques : “No pasaran”, “Des TER, pas de viaduc”, “Des sous pour l’hôpital”, “Moi je le veux rose avec des points roses”. Dans une urne en plastique, seules cinq personnes ont glissé un formulaire d’inscription aux ateliers citoyens qui se dérouleront entre janvier et mai 2025.
“Nous avons besoin de transports quotidiens, qui aujourd’hui sont défaillants avec des retards et un temps de trajet qui s’allonge. A la place, on fait gagner du temps aux riches”, regrette Isabelle, Sétoise agacée, qui travaille sur un terrain collectif à Poussan.
“Ce projet ne répond pas à la demande croissante de mobilité sur l’axe ferroviaire littoral de l’Occitanie et qui ne tient pas compte du changement climatique qui entraînera dans moins de 30 ans la disparition de la ligne entre Sète et Agde”, a argumenté Florence Sanchez, la maire de Poussan, lors de son discours d’ouverture.
Impact écologique minimisé ?
Car l’une des préoccupations principales est l’impact écologique négatif pour les habitants de l’étang de Thau et la région Occitanie. “Des milliers d’hectares de terres agricoles seront saccagés”, s’inquiète Félix Caron, président de l’association ALT, Alerte LGV Thau.
Pourtant, la SNCF assure que cette nouvelle ligne affectera positivement l’environnement, enlevant 20 000 poids lourds par an de l’autoroute A9 et en diminuant de 160 000 tonnes les émissions de CO2 par an.
Félix Caron répond qu’il n’est pas contre une ligne de train mais il demande la réouverture du débat sur son tracé. “Il est possible d’en faire une plus écologique et moins chère”, assure-t-il.
Un projet coûteux
En ces temps de réductions budgétaires où le gouvernement tente de faire des économies, Félix Caron pointe du doigt un coût de 6 milliards d’euros qui est beaucoup trop élevé. “Cela représente la moitié du budget du ministère de la justice, alors que l’Etat et nos concitoyens se serrent la ceinture”, prend pour exemple le jeune président de l’association ALT.
Il appelle alors les élus locaux du bassin de Thau à se mobiliser d’une seule voix pour se faire entendre par Matignon, par le ministère des transports ou de l’économie, pour que le dossier de la ligne LGV soit rouvert.