Environnement

Littoral : la disparition des flamants roses, un scénario "trop alarmiste"

L’avenir n’est pas si noir pour le flamant rose. Selon l'ornithologue Dominique Clément, coordinateur de l’association Aude Nature, l’échassier pourrait s’adapter à la disparition des zones humides annoncée sans pour autant disparaître.

L’emblématique flamant rose va-t-il disparaître du littoral ? La question se pose, surtout depuis la publication d’une vaste étude française publiée le 17 mai dernier dans Conservation Biology et largement reprise par la presse annonçant la fin des vols du grand échassier sur les marais salants du golf du Lion d’ici 2100.

Cette étude, à laquelle a participé le muséum d’Histoire naturelle, montre que plus d’un tiers des zones humides du bassin méditerranéen sont menacées par les risques de submersion marine causés par le réchauffement climatique. Le Parc naturel régional de Camargue, qui abrite la plus grande zone humide française, et celui de la Narbonnaise font partie du lot. Une menace inquiétante pour les oiseaux côtiers comme l’emblématique flamant rose qui trouve en ces lieux un éco-système propice à son développement. La montée des eaux pourrait ainsi sonner le glas de l’élégant échassier.

“Je ne vois pas pourquoi ils disparaîtraient”

Un scénario “trop alarmiste”, selon Dominique Clément, ornithologue et coordinateur de l’association Aude Nature, qui ne prend pas en compte la capacité d’adaptation des espèces et la configuration de l’espace, et qui mériterait donc d’être nuancé. “Pour l’instant , il y a encore des possibilités. Je ne vois pas pourquoi ils disparaîtraient. Même s’il y a une montée des eaux, il y a des lagunes qui vont se créer ailleurs, de façon progressive”, dit-il au bord des étangs pris entre Narbonne, Gruissan et Sigean, dans lesquels entre 400 et 500 phoenicopterus roseus se baladent en ce mois de juin.

Dominique Clément, coordinateur Aude Nature © Cyril Durand.
Dominique Clément, coordinateur Aude Nature © Cyril Durand.

Il est vrai que le flamant rose a besoin de l’eau saumâtre et peu profonde des lagunes pour se reproduire et se nourrir, principalement de larves aquatiques et particulièrement d’artemia salina, son plat favori, un petit crustacé de quelques millimètres qui donne à son plumage sa couleur rosée. La montée des eaux marquerait la disparition de leur habitat.

“Dans 50 ou 60 ans, l’eau devrait arriver jusqu’aux portes de Narbonne. On risque donc, ici, d’être sous l’eau, poursuit l’ornithologue. Si ça ressemble à la mer, effectivement le flamant rose ne pourra pas y vivre mais il y a peut-être des lagunes qui vont se recréer plus loin. J’ai l’impression que c’est la géographie du terrain. Dire que le flamant rose va disparaître, ça me paraît trop affirmatif. Il va peut-être y avoir une nouvelle répartition”, estime-t-il.

Environ “150 000 individus” en France

Migrateurs de passage, hivernants ou estivants, voire nicheurs occasionnels, les flamants roses seraient environ 150 000 répartis le long du golfe du Lion. Les individus matures sexuellement ne nichent qu’à un seul endroit en France : les salins d’Aigues-Mortes. Ils sont “environ 20 000 couples” à le faire en ce moment. Les autres se baladent sur le pourtour méditerranéen de l’Espagne à l’Algérie, de l’Italie à la Turquie, pouvant parcourir des centaines de milliers de kilomètres au cours de leurs vies. D’autres, plus casaniers, préfèrent rester dans les lagunes du littoral gardois, héraultais ou audois. “Il n’y a pas de règle, ils ont tous leurs caractères” bien que grégaires.

Le plus vieux flamant rose recensé a “47 ans” affirme Dominique Clément. Cela induit que les oisillons (un seul par couple) venant au monde en 2024 verront les projections climatiques se réaliser de leur vivant et la montée des eaux s’emparer de leurs lieux d’habitations. Des solutions existent cependant pour contrer les conséquences du réchauffement climatique, ou tout du moins s’y adapter, selon Fabien Verniest, l’un des chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle à l’origine de l’étude parue en mai dernier.

Trois grandes catégories de mesures d’adaptation

Il avance trois grandes catégories de mesures d’adaptation à la hausse du niveau marin. La première grande catégorie relève de l’ingénierie (construction de digues, d’épis, ou encore les apports de sable) mais ces mesures sont souvent coûteuses et inefficaces à long terme. La deuxième grande catégorie est celle des solutions fondées sur la nature, dont fait partie la restauration d’écosystèmes. “Ces techniques peuvent être une bonne issue pour lutter contre la submersion marine dans certains contextes, et favoriser la biodiversité tout en limitant le changement climatique grâce à la capacité de stockage du carbone des zones humides”, dit-il.

Flamants roses dans l'étang de Bages © Idriss Bigou-Gilles / Aude Tourisme
Flamants roses dans l’étang de Bages © Idriss Bigou-Gilles / Aude Tourisme

Enfin, la troisième stratégie est celle du repli. “On va considérer qu’on ne peut pas ou qu’il ne faut pas aller à l’encontre de la submersion marine, mais qu’on va envisager un recul du trait de côte. Cela implique d’anticiper un décalage, un glissement dans l’espace de la zone humide, en lui laissant plus de place qu’elle n’en occupe actuellement en empêchant des processus d’extension urbaine ou agricole. Ainsi, sur le long terme, lorsque la zone humide initiale sera submergée, elle pourra retrouver un espace équivalent plus à l’intérieur des terres”, explique le chercheur en biologie de la conservation.

Une argumentation qui rejoint celle de Dominique Clément mais qui ne demeure pas moins une projection. De plus, la disparition des zones humides, si elle ne menace pas directement l’avenir des flamants roses, aura des conséquences multiples et néfastes sur la biodiversité, la rétention des eaux en période d’inondation ou encore la préservation de la ressource en eau en période de sécheresse, comme l’indique l’Office français de la biodiversité. De toute évidence, les flamants roses ne seront pas les seuls à y laisser des plumes dans cette histoire.

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