Lunel, exposition : Pierre Bendine-Boucar s'approprie l'univers de Fantômas
Jusqu'au 18 mars 2023, l'artiste plasticien Pierre Bendine-Boucar revisite le "mythe" de Fantômas à l'espace Feuillade, à Lunel, à travers l'exposition "Double F". Entretien…
Photo : Pierre Bendine-Boucar © Virginie Moreau.
Organisée dans le cadre de la célébration du 150e anniversaire de la naissance du réalisateur lunellois Louis Feuillade, “cette exposition assez surprenante livre une interprétation très contemporaine du personnage et de l’univers de Fantômas”, juge l’adjointe à la Culture de la ville de Lunel, Corinne Poleri-Grau.
L’exposition Double F à Lunel
Alors que ses œuvres étaient alimentées depuis une quinzaine d’années par le motif de Fantômas, Pierre Bendine-Boucar a eu l’occasion d’échanger sur ce sujet avec l’adjointe à la Culture de Lunel, Corinne Poleri-Grau. “Elle a trouvé que ce thème conviendrait parfaitement dans le cadre de la célébration du 150e anniversaire de la naissance de Louis Feuillade, qui avait lui-même réalisé plusieurs épisodes de Fantômas”, relate l’artiste.
Photo : masques par Pierre Bendine-Boucar dans le cadre de l’exposition “Double F” à Lunel © Virginie Moreau.
Mais son interprétation du Fantômas de Feuillade n’est “ni littérale ni directe”. “L’exposition Double F est comme un épisode fictionnel que j’ai créé. Je me suis mis à la place de Feuillade tout en conservant ma pratique contemporaine”. Comme s’il allait tourner un nouvel épisode de cette série, il a conçu des costumes (des cagoules en tissu, déclinées en de nombreux exemplaires sur les murs), un décor (un grand tableau représentant de la végétation) et des accessoires (des pistolets en carton), présentés dans la première salle de l’Espace Feuillade. “Cette salle est l’antichambre des deux autres ; elle me permet de construire mes cabinets graphiques, présentés dans les deux salles suivantes”, commente Pierre Bendine-Boucar.
Pistolets en carton et sculptures en résine par Pierre Bendine-Boucar © Virginie Moreau.
L’initiale F parsème des tableaux tout au long de l’exposition. La deuxième et la troisième salles montrent “comment les gens s’approprient l’idée de masque. Pour certains, le masque rappelle le carnaval, la comédie, pour d’autres il suggère des idées politiques, le mal, voire le sado-masochisme”, s’amuse le peintre-plasticien. Il y présente des transferts de photographies de personnes, dont lui-même, portant ses masques-cagoules. “Je me suis grimé, mis en scène costumé. Les photos témoignent de ces performances. Chaque masque doit être performé, même si c’est seulement dans mon atelier. Je prête des masques que les gens s’approprient”, commente Pierre Bendine-Boucar. Les visiteurs peuvent également découvrir ses sculptures de personnages fantomatiques en résine noire rappelant le côté sombre du criminel.
Dans la troisième salle, une vidéo de 26 minutes montre en gros plans la fabrication d’une cagoule avec pour ambiance musicale un sample du groupe Can. L’artiste, qui se sent proche du cinéma de David Lynch, y joue sur les émotions générées par les épisodes de Feuillade pour en révéler le côté inquiétant, la peur qui peut naître.
Il analyse : “Dans cette exposition, je n’ai pas voulu faire un travail documentaire autour de Feuillade mais retranscrire l’esprit de ses épisodes en 2023 par le biais d’un travail de peinture contemporaine”.
Le petit plus
Pour profiter au mieux de cette exposition, on apprécie de se replonger, avant la visite, dans un épisode de cette série cinématographique culte. Les puristes choisiront l’une des versions signées par le réalisateur Louis Feuillade à partir de 1913. Les autres préféreront celles d’André Hunebelle des années 60 où Jean Marais, interprétant un Fantômas au visage caché par un masque bleuâtre terrifiant, se révélait redoutable de cruauté. On sait rarement que le criminel, qui fit les beaux jours du grand écran, est né dans l’imagination de deux romanciers, Pierre Souvestre et Marcel Allain, en 1911. C’était alors un dandy élancé, masqué ou coiffé d’un chapeau haut-de-forme.
Fantômas, un motif récurrent depuis quinze ans
Fasciné depuis une quinzaine d’années par le personnage de Fantômas, l’artiste nîmois Pierre Bendine-Boucar trouve les racines de cette attirance dans “une frustration de l’enfance”. Il explique : “Etant enfant, dans les années 1960, je n’étais autorisé à voir que le début des films d’André Hunebelle avec Jean Marais avant d’aller me coucher. Je ne voyais donc jamais la fin et restais sur ma faim”.
Un déclic s’est produit ensuite dans son imaginaire il y a quinze ans. “Je me trouvais en résidence au château d’Espeyran à Saint-Gilles. Les lieux m’ont donné envie de parler de ce personnage. J’ai alors effectué des recherches picturales autour de Fantômas et imaginé qu’il avait vécu dans ce château”, détaille Pierre Bendine-Boucar.
L’artiste voit alors s’installer Fantômas dans ses créations. “Auparavant, mes préoccupations picturales tournaient autour de motifs floraux, de nuages, de ronds, du paysage… Fantômas a intégré ma pratique picturale, devenant un motif comme un autre, une de mes chroniques chromatiques. Dès lors, j’ai mis mon dispositif au service de ce personnage”, relate Pierre Bendine-Boucar, qui ajoute : “Les dessins, sculptures et vidéos ont ensuite enrichi mes moyens d’expression”.
Deux ans après son fameux déclic, l’artiste a présenté au centre d’art contemporain d’Istres une exposition monographique sur Fantômas. “Dans ce lieu vertical, j’ai monté une exposition allant de la naissance à la disparition du célèbre criminel. J’ai poursuivi par un hommage à Fantômas autour de plus de 400 ex-votos présentés à la Chapelle du Quartier Haut, à Sète”, continue le plasticien. Il indique avoir lu les romans de Souvestre et Allain et avoir “picoré beaucoup chez Hunebelle et un peu sur Feuillade pour chercher des images”.
Vue de la première salle de l’exposition “Double F” de Pierre Bendine-Boucar © Virginie Moreau.
Projets d’expositions
Pour la suite, estimant que l’exposition Double F synthétise ses recherches autour de Fantômas, Pierre Bendine-Boucar souhaiterait la faire tourner dans divers lieux. Il a également pour ambition de publier un livre regroupant les œuvres qu’il a créées à l’occasion d’une dizaine d’expositions autour de Fantômas. Après ces années consacrées au personnage mythique, il dit avoir “entrouvert le tiroir des fleurs”. Autrement dit, les motifs floraux pourraient se faire plus présents dans ses œuvres à l’avenir.
Pierre Bendine-Boucar participera en mars prochain à l’exposition collective célébrant les sept ans de la Galerie Samira-Cambie, à Montpellier. En novembre 2023, il exposera un polyptyque de 9 mètres reprenant les paysages varois à Six-Fours les Plages, suite à une résidence qu’il y avait faite durant l’été 2022.
Commissaire d’expositions pour l’agence A+ Architecture, il y présentera en avril un “duo-mix” entre une artiste féminine et un artiste masculin.