Métropole de Montpellier, Julie Frêche : “nous défendons une mobilité décarbonée, inclusive et solidaire”
Depuis l’arrivée de Michaël Delafosse à la mairie de Montpellier et à la présidence de la Métropole, Julie Frêche, vice-présidente chargée des transports et des mobilités actives à la Métropole de Montpellier, porte à ses côtés des mesures ambitieuses en matière de mobilités.
©Louise Brahiti
Gratuité des transports, multiplication des itinéraires cyclables sécurisés, nouvelles solutions de transport, ras-le-bol des automobilistes, elle répond aux questions de la rédaction.
Aujourd’hui, le territoire de la métropole est sujet à de nombreux changements en matière de mobilités. Quelle est votre stratégie ?
Julie Frêche : “Nous pensons que nous ne pouvons pas mener les projets sans avoir une approche globale. La Stratégie Mobilités 2025 de la Métropole de Montpellier est ambitieuse et vise à répondre à de multiples problématiques. La priorité du président de la Métropole et la mienne est de procéder à un rééquilibrage de la ville. Pendant près de trente ans, Montpellier s’est développée vers la mer et nous avons assisté à l’apparition de nouveaux quartiers à l’Est (Antigone, Richter, Consuls de mer, ZAC Port Marianne, Zac République, Zac Cambacérès…). Aujourd’hui, Montpellier ne peut plus s’étendre ; son développement doit se faire par le biais d’un autre projet politique, celui du rééquilibrage. Dans la métropole de Montpellier, il y a de l’hyper-centralité, des quartiers ‘politique de la ville’, des zones périurbaines, des communes périphériques, des secteurs ruraux… Forcément, en fonction du territoire sur lequel on est, on n’accède pas à la même mobilité, à la même alternative.
Il faut multiplier les options afin qu’elles correspondent aux différents secteurs habités, à tous les usages, à tous les âges, à toutes les conditions physiques et tous les budgets… Il faut s’adapter à différents types de publics. Une personne qui a besoin de sa voiture pour exercer son activité professionnelle – je pense par exemple aux livreurs et aux taxis – doit aussi pouvoir circuler. Il y a vraiment une pluralité de situations. Mettre en place la Stratégie Mobilité 2025, c’est prendre le risque de bouleverser les habitudes, mais il est nécessaire d’être dans l’action et nous réalisons ce que nous avons annoncé. Investir dans les mobilités, c’est investir dans le service public, améliorer le quotidien des habitants, participer à l’embellissement de la ville, apporter une réponse concrète au réchauffement climatique. Avec notre stratégie, nous défendons une mobilité décarbonée, inclusive et solidaire qui s’adresse à tous les publics et à tous les quartiers.”
La gratuité des transports est le fer de lance de cette politique…
Julie Frêche : “Nous essayons d’être cohérents. Le président de la Métropole défend une logique simple : l’imposition des habitants de la métropole doit servir leur quotidien. Pourtant, ils ont souvent le sentiment de se retrouver seuls face aux enjeux climatiques ou aux factures d’énergie. Nous avons pour devoir de mettre en place des politiques publiques de qualité qui répondent aux réalités du quotidien, comme la gratuité des transports en commun, l’aide à l’achat de 500 euros d’un VAE ou au covoiturage (gratuité pour le passager, rémunérateur pour le conducteur avec l’application Klaxit), pour rendre leur efficacité et leur légitimité à l’action publique et à l’impôt. Les tarifications sociales ne sont pas satisfaisantes en matière de mobilités. Nous avons identifié qu’il y avait 40% de non-recours au droit, nous défendons donc le caractère universel de ces mesures. Et puis, nous sommes les premiers à défendre les publics les plus fragiles et les plus défavorisés mais nous refusons également d’oublier les classes moyennes. Résultat, fin 2023, nous serons la seule métropole en France et en Europe à faire la gratuité intégrale sur l’ensemble du transport public. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus globale qui nécessite un investissement massif en faveur des mobilités douces, actives et décarbonées. Les mobilités représentent le premier poste d’investissement de la Métropole et correspondent à une enveloppe de 1,5 milliard d’euros sur le Plan Pluriannuel d’Investissement 2021-2026.”
Une partie de cette enveloppe est consacrée à la création de la ligne 5 de tramway…
Julie Frêche : “Il s’agit de notre réponse la plus évidente à la problématique du rééquilibrage. La ligne 5 épouse notre projet urbain en dotant les quartiers, et donc leurs habitants, de la même desserte en termes de transports publics. Les zones concernées sont les grandes oubliées du tramway. Lors du dernier mandat, il y a eu une interruption dans la régularité de livraison des lignes de tramway. On a livré la ligne 1 en 2000, la 2 en 2006, la 3 et la 4 en 2012. Depuis, plus rien. Aujourd’hui, c’est à nous de relancer les projets laissés dans les cartons et de donner ses dernières branches à notre réseau en étoile.
Une fois terminée, la ligne 5 sera un lien entre 2 grandes pépites de la ville : l’ouest de Montpellier, qui englobe beaucoup d’anciens quartiers (Clemenceau, Lepic, Estanove, Cité Gély, Ovalie, Bagatelle), et le “Montpellier universitaire”, avec la desserte de l’Université Paul-Valéry, du campus Triolet, du CNRS, de l’INRA, du pôle chimie Balard, du Cirad international et d’Agropolis, soit tous les grands centres de recherche qui ont aidé la ville à se positionner sur le podium de Shanghai (Montpellier ayant été classée 3e Université mondiale dans le domaine de l’écologie).”
Comment comptez-vous faciliter l’accès aux automobilistes qui vivent en dehors du territoire de la métropole ?
Julie Frêche : “La principale lacune de notre réseau de transport est que son organisation ne prend pas en compte les zones d’activités économiques qui se sont développées en périphérie de la centralité. Ce n’est pas une erreur du passé mais le résultat d’un développement économique rapide et d’une explosion de la démographie. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation aberrante où le Millénaire, la plus grande zone d’emploi de la métropole, n’est pas desservi. C’est pour cette raison que nous renforçons le réseau de transport, avec le prolongement de la ligne 1, l’ajout de la ligne 5 et l’arrivée des bustram. Pour réduire les points de congestion routière, nous allons accompagner le développement de l’intermodalité.
Notre travail porte notamment sur les P+Tram. Certains d’entre eux ne jouent plus leur rôle parce qu’ils sont situés après les points de congestion. À titre d’exemple, les automobilistes bloqués pendant de longues minutes dans les embouteillages du rond-point de Prés d’Arènes n’ont aucune envie, une fois que la circulation reprend, de s’arrêter au P+Tram Garcia Lorca, et nous le comprenons. C’est pour cette raison que nous avons décidé de mettre le paquet d’un point de vue financier pour réaliser 2 parkings relais en amont des congestions lors de la mise en place de la ligne 5 de tramway. Le premier au niveau du rond-point Maurice Gennevaux, qui accueillera très prochainement le contournement ouest, et le second à hauteur de celui de Girac (Clapiers). En 2025, il sera beaucoup plus intéressant de garer sa voiture dans ces parkings relais sécurisés et poursuivre sa route vers la centralité en intermodalité. Mais le problème principal réside dans l’inéquation entre le territoire administratif de la métropole de Montpellier (480 000 habitants) et son aire urbaine beaucoup plus large (près de 800 000 habitants), qui intègre l’ensemble des déplacements domicile-travail allant de Frontignan, Sète, Clermont-l’Hérault, Gignac, Ganges, Saint-Mathieu-de-Tréviers, La Grande-Motte. Il faut travailler les coopérations entre l’ensemble de ces territoires : Métropole, communauté de communes, communautés d’agglomération et Région Occitanie pour apporter des solutions de transport efficaces et cadencées à tous ces habitants qui vivent hors métropole mais y travaillent. »
Parmi ces modes, il y a le futur réseau bustram…
Julie Frêche : “Oui, c’est une nouvelle solution dans le paysage des transports montpelliérains. Les 5 lignes de bustram que nous allons livrer avant la fin du mandat vont nous permettre de desservir tous les pôles d’emploi (Millénaire, Eurêka, Sablassou, le Salaison, Euromédecine, le Frigoulet, Sanofi…). Elles vont également nous aider à fluidifier le trafic entre les différentes communes de la métropole puisque 9 villes seront directement reliées à Montpellier en bustram : Cournonsec, Cournonterral, Pignan, Lavérune, Grabels, Castelnau-le-Lez, Le Crès, Vendargues et Castries. Les habitants qui ne disposent pas d’alternatives gratuites et pratiques pour rejoindre Montpellier pourront bénéficier de ces aménagements dès leur livraison et l’application de la gratuité intégrale sur l’ensemble du réseau de transport. Les futurs usagers de la ligne de bustram 1 pourront par exemple aller de Castries à la place de l’Europe en 37 minutes. Aujourd’hui, ce trajet prend plus d’une heure et quart en transport en commun. Il y a un bénéfice dans le quotidien des usagers et un vrai impact sur l’environnement puisque ce linéaire est en site propre à 83 %.”
La multiplication des travaux est souvent critiquée. Pouvez-vous expliquer ce qui motive le cumul de ces actions ?
Julie Frêche : “Le défi du XXIe siècle est d’apporter une réponse au réchauffement climatique. Si nous voulons répondre à l’aléa climatique et aux différentes crises énergétiques, il faut s’attaquer au premier générateur de pollution de l’air, c’est-à-dire à la manière dont on se déplace… Il y a deux ans, lorsque l’on avait atteint 46 degrés sur la place de la Comédie, l’information avait créé une onde de choc. Malheureusement, le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indique que la ville vivra entre 20 et 50 journées aussi chaudes avant 2050. C’est pour cela que nous allons vite dans nos projets et que nous les multiplions : nous répondons à une urgence. C’est aussi notre rôle d’assumer que nous vivons une période compliquée de travaux.”
Vous alertez également sur l’urgence d’agir pour la santé…
Julie Frêche : “Quand je m’entretiens avec le directeur du service respiratoire du CHU de Montpellier, il me parle des dégâts de la pollution de l’air sur l’hyper-réactivité bronchique des enfants, les maladies asthmatiques, les insuffisances respiratoires… Si on se réfère aux statistiques nationales, dans la métropole de Montpellier, de l’ordre de 300 personnes meurent prématurément chaque année à cause de la pollution de l’air. Quel responsable politique peut connaître ce chiffre sans prendre des mesures adaptées ? Cette situation alarmante est l’une des raisons pour lesquelles nous avons été de bons élèves lorsque l’Etat a imposé la création de la Zone à Faible Émission (ZFE). Le dispositif n’est pas parfait, nous en avons conscience. Il provoque un torrent d’insultes parce que son application est compliquée. Notre mission est de faciliter sa compréhension et de rappeler qu’il répond à une urgence sanitaire. Il n’est pas normal que des gens meurent simplement parce qu’ils respirent l’air de Montpellier…”
Tous ces dispositifs sont complétés par le plan Vélo de la Métropole…
Julie Frêche : “Les objectifs du plan vélo sont multiples : sécuriser le chemin de l’écolier en permettant aux enfants de rejoindre leur établissement scolaire en vélo, assurer la desserte des zones d’emplois pour en faire un moyen de transport du quotidien et enfin favoriser le vélo pour les loisirs en sécurisant les accès des médiathèques, des musées, des parcs et des équipements sportifs. Pour avoir un réseau optimal, il est indispensable de construire les projets avec le prisme de l’intermodalité. Cette réflexion est la base de la Stratégie Mobilités 2025 de Montpellier. Alors quand nous avons présenté le dossier Réseau Express Vélo, nous l’avons intégré à la globalité.
Aujourd’hui, certaines personnes disent que la gratuité des transports publics va avoir pour conséquence de vider les pistes cyclables, mais ce n’est vraiment pas le sujet. Il n’y a pas de conflits entre les modes de déplacements doux et collectifs. L’objectif poursuivi avec l’ensemble de ces mesures est de permettre aux gens de quitter leur voiture pour des raisons pratiques, écologiques et économiques. Le taux de pauvreté de la métropole est de 22 %, celui de Montpellier atteint les 27 % ; il est de notre devoir d’offrir des alternatives avec des mobilités gratuites et décarbonées. Il faut sortir des discours moralisateurs et aider concrètement les gens.
C’est pour cette raison que la Métropole de Montpellier a voté un plan vélo extrêmement ambitieux et concret, à l’unanimité de tous les conseillers communautaires et des 31 maires. Nous avons investi 150 millions d’euros pour les mobilités actives, ce qui représente 40 € par an et par habitant sur la durée du mandat. En moyenne, les autres intercommunalités y consacrent 13,40 €. Certes, ces investissements viennent combler les retards que nous avons par rapport à des villes comme Strasbourg ou Grenoble, mais ils sont conséquents… Par exemple, sur l’aide à l’achat, nous proposons l’enveloppe la plus importante de France, soit 500 € pour l’achat d’un vélo à assistance électrique (VAE) chez un vélociste du territoire métropolitain. Ce coup de pouce a créé un cercle vertueux puisqu’il a favorisé la pratique et généré un chiffre d’affaires de près de 60 millions d’euros dans les enseignes du territoire. Prochainement, les usagers vont aussi pouvoir découvrir le résultat de nos investissements pour combattre le vol de vélo avec des box sécurisés.”
Quand les Métropolitains découvriront-ils les premiers box à vélo sécurisés ?
Julie Frêche : “Nous avons essuyé des retards, comme les autres métropoles. Notre chance est que nous avons pu compter sur l’entreprise locale qui gère tout le mobilier urbain de la métropole pour prendre le relais et concevoir des box sur mesure. Nous allons commencer à les déployer d’ici à la fin de l’année. L’arrivée de ces box est une réponse à l’un des grands freins de la pratique : le manque de stationnement sécurisé. De nos jours, on recense 400 000 vélos volés chaque année et 14 % des pratiquants indiquent avoir arrêté après un vol. Nous voulons retirer ce stress du quotidien des cyclistes et rassurer les personnes qui n’osent pas s’y mettre de peur de perdre leur investissement.”
Comment allez-vous choisir les zones d’implantation des box ?
Julie Frêche : “Notre logique est double : résidentielle et publique. D’abord, pour faciliter la pratique des personnes qui ne disposent pas de lieu de stockage, nous allons installer des box sécurisés individuels, accessibles via l’application M’Ticket, sur des places de stationnement. Concrètement, une place de stationnement classique pourra accueillir 4 emplacements pour les vélos. Sur l’aspect public, nous allons implanter des box pouvant recevoir jusqu’à 40 cycles. Ces modèles seront installés sur des points d’intermodalité et des zones à forts enjeux tels que le PEM de Baillargues, la gare Sud de France et la gare Saint-Roch. Dans quelques jours, les Métropolitains vont pouvoir apercevoir les premiers modèles, facilement repérables”.
Qu’en est-il du design de la ligne 5 du tramway ?
Julie Frêche : “Il est vrai que l’attente se prolonge. Nous avions annoncé des dates mais nous avons préféré revoir certains détails afin que l’événement soit à la hauteur de la candidature de la ville de Montpellier pour devenir Capitale européenne de la Culture. Personnellement, je trouve l’intention esthétique choisie superbe. Je pense que le choix qui a été fait ne décevra personne.”