Métropole de Montpellier : la Zone à Faible Emission (ZFE) , “c’est faire semblant d’être écolo”
Depuis le 1er janvier 2024, les voitures Crit’Air 4 sont exclues d’une partie de la métropole de Montpellier. Une interdiction au nom de l’écologie qui, selon certains, mènerait à une exclusion sociale
Pour Pierre Chasseray, délégué général et porte-parole de l’association “40 millions d’automobilistes”, la ZFE est surtout vectrice d’inégalités, “une mesure stupide, mise en place par des gens stupides”.
La ZFE en pratique
40 millions d’automobilistes est la seule association reconnue d’intérêt général pour la défense des droits des automobilistes en France. Ses combats : agir sur la sécurité routière, contrer les baisses des niveaux de carburants, militer contre les ZFE, les zones à faibles émissions…
Créés en 2019, ces zones ont pour but de limiter ou d’interdire la circulation de véhicules considérés comme polluants. Ils sont classés en 5 catégories en fonction de leur niveau de pollution et de leur année d’immatriculation. Des vignettes dites Crit’Air 1 à 5 sont ainsi attribuées selon ces critères, avec une exclusion qui se veut progressive en débutant par les plus polluants. En France, 35 agglomérations sont concernées. Sur la métropole de Montpellier, la ZFE est en place dans 11 communes depuis juillet 2022.
Zone à faible émission ou à forte exclusion ?
Une bonne nouvelle pour l’écologie locale ? Selon les contestataires de la ZFE, qui traduisent parfois l’acronyme en “Zone à Forte Exclusion”, la mesure serait discriminatoire plus qu’écologique.
“On ne peut pas voir la mobilité que par le prisme de l’écologie, ça n’a pas de sens, lance Pierre Chasseray. Si on part du principe que tout pollue, on interdit tout, on marche et puis c’est tout. Le problème sur la métropole de Montpellier, c’est quand on a quelqu’un qui habite à Gignac ou à Saint-Guilhem-le-Désert. Comment fait-il pour se rendre à Montpellier sans prendre sa voiture ? Autre exemple, j’ai rencontré des gens qui habitent Villeveyrac, notamment une dame conductrice de tram, un transport dit ‘propre’. A l’heure où elle se rend au travail, il n’y a pas de transports en communs. Elle y va comment ?”.
“La ZFE est une mesure stupide, mise en place par des gens stupides”
Malgré un étalement du calendrier de mise en place, qui doit permettre à chacun de s’adapter, Pierre Chasseray juge la mesure décorrélée de la réalité : “La ZFE est une mesure stupide, mise en place par des gens stupides, qui baignent dans une forme d’égoïsme qui fait qu’ils ne comprennent pas les autres.”
Quid des aides financières proposées pour le remplacement de son véhicule pour pallier cette exclusion ? “Ces aides n’ont pas de sens, ajoute-t-il. Quand vous mettez en place des aides pour remplacer sa voiture par une électrique, il faut s’intéresser à ce qu’est une voiture électrique. Le véhicule électrique, c’est la voiture que les gens qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule ne peuvent pas se payer. On a mis une aide en place pour l’achat de véhicules destinés à des gens aisés. Celui qui est dans la classe moyenne, comme d’habitude, il voit passer le train et ne peut rien se payer”.
Le GPL et l’éthanol comme solutions alternatives
Plus que l’opposition aux ZFE, le porte-parole de 40 millions d’automobilistes propose des solutions alternatives pour concilier écologie et inclusion sociale : “Dans un premier temps, je voudrais mettre de côté l’écologie parce moi je ne fais pas crever les gens sous prétexte qu’il faut 4 grammes de CO2 en moins dans la ville. Qu’est-ce qu’on pourrait faire ? On pourrait mettre en place une aide gouvernementale pour préserver des véhicules. Encore une fois, je n’ai jamais compris ce qu’il y avait d’écologique à se débarrasser d’un véhicule qui fonctionne toujours bien. On a des systèmes aujourd’hui qui permettent de convertir son véhicule essence ou diesel au GPL et donc de bénéficier d’une voiture Crit’Air 1. Donc de pouvoir continuer à circuler ! Il y en a pour 3 000 euros environ, c’est une solution qui a un coût, mais qui permet quand même de faire des économies.”
Il poursuit : “Deuxième solution, utiliser l’éthanol qui permet de faire des économies sur les motorisations essence. Ça représente 1 000 à 1 500 euros. On appelle le gouvernement à faire basculer les véhicules qui passent à l’éthanol en Crit’Air 1. Écologiquement ça aurait du sens puisque le bilan carbone de l’éthanol est meilleur. Mais surtout, on ne peut pas mettre en place d’interdictions comme ça, de but en blanc. Il faut mettre en place des délais qui sont acceptables, avec toute une série de dérogations potentielles.
On ne peut pas imaginer que quelqu’un qui emmène son enfant à l’hôpital ne puisse pas le faire parce qu’il n’y a ZFE, ça n’a pas de sens (ndlr : actuellement, un certain nombre de dérogations sont en place pour les ZFE). Il faut une mise en place beaucoup plus progressive pour permettre aux gens de basculer vers des solution GPL et éthanol. Faisons déjà cela, ensuite, dans un monde idéal, on pourra mettre en place un bonus écologique pour l’achat de véhicule électrique que personne ne peut s’acheter”.
“Tout le monde se cache”
Jugées plus écologiques et surtout plus économiques, pourquoi ces solutions ne sont-elles pas privilégiées par les collectivités ? Pour Pierre Chasseray, “le problème de ces ZFE, c’est que personne ne veut en porter la responsabilité. L’Etat dit : ‘C’est pas nous, ce sont les villes qui vont le mettre en place’. Les villes disent : ‘C’est pas nous, c’est l’Etat qui a poussé cela dans sa loi d’orientation des mobilités’. Tout le monde se cache et au final que se passe-t-il ? Rien.”
Localement, il porte le même regard. “Les mesures qui sont prises, comme celles du maire de Montpellier, c’est faire semblant d’être écolo. Qu’est-ce qu’il attend pour mettre en place les verbalisations ? Il ose pas le faire ? Évidemment, il ne peut pas le faire. Comment voulez-vous verbaliser ceux qui vont bosser ou qui emmènent leur enfant à l’école ? C’est complètement con. Donc il fait des mesures de façade, des mesures politiques. De l’autre côté, l’Etat incite les villes à plus ou moins de mise en place, selon le sens du vent. Ils ne sont pas très bien fixés là-dessus. Christophe Béchu, je ne sais même pas s’il est au courant qu’il est ministre de l’Ecologie”.
Pierre Chastenay conclut : “Si Michaël Delafosse veut faire quelque chose d’intelligent, aller au bout de la ZFE, qu’il voit avec la Métropole pour mettre en place des aides à la conversion éthanol ou GPL. Et là on aura gagné, ce sera intelligent”.