Société

Métropole de Montpellier : le béton coule sur les racines du chêne Anathémis, classé « arbre remarquable »

La Métropole de Montpellier est-elle experte pour construire un caisson en béton sans respecter un périmètre de sécurité fixé par la Cour d'appel ? Dans son arrêté du 16 décembre 2021 : est interdit « tout passage d’engins de chantier dans un rayon de 12,12 m autour du tronc du chêne ».

C’est l’histoire d’un petit chemin de terre rue de Salaison à Castelnau-le-Lez, d’une maison, de son chêne bicentenaire, de son propriétaire Christian Bedos qui souffre de handicap, et de son combat pour faire face à toute la complexité de l’urbanisation à la passerelle qui bouleverse tout l’équilibre d’une vie et d’un quartier. 

Un promoteur, la société Les Nouveaux Constructeurs, vend sur plan des logements au fond d’une ancienne carrière. Mais voilà, sur le trajet de ses engins de chantier et de ses camions : Anathémis, classé « arbre remarquable ». De plus, le chêne bicentenaire abrite une espèce protégée et les travaux mettent en danger faune et flore. 

La Cour d’appel de Montpellier interdit en 2021 au promoteur immobilier d’utiliser la rue de Salaison. Par d’autres voies, le « Clos des Oliviers » prend forme. Arrive ce jour où, il est temps de raccorder une résidence de 32 logements, aux réseaux d’eau et d’assainissement de la métropole. L’accès au lotissement, c’est toujours ce petit chemin de terre. Et les questions se posent à nouveau. Faut-il passer sous les racines du chêne ? Faut-il utiliser un autre point de connexion ? Ou faut-il mettre un caisson de béton de 25 m de long et d’une centaine de tonnes, sur une moitié de la rue, et passer par-dessus les racines ? Réduisant ainsi, la circulation à une seule voie par alternance, pour une quarantaine de véhicules au quotidien qu’utiliseront les futurs résidents.

« Michaël Delafosse veut passer en force »

Maître Tamaris Fürstenhein, qui défend M. Bedos et l’association Non Au Béton, décrit une situation ubuesque. « Il aurait fallu que la métropole demande une étude d’impact. Connaissant la sensibilité des enjeux de l’arbre, qu’elle se fasse accompagner au moins par un expert forestier ou par un expert en biodiversité. Là, ils ont cru avoir une bonne idée en disant : « Ah, OK, on est au courant que l’arbre est un peu sensible, on ne va pas passer les réseaux en souterrain, on va faire un caisson de 100 tonnes sur les racines. » Ils ont eu cette idée à un coin de table en buvant un café ? Ils se sont dit qu’ils avaient trouvé un bon plan ? Ils le font ! Mais il n’y a aucun scientifique ou expert en biodiversité, ou en environnement qui s’est prononcé sur ce sujet. Et il y a quand même un permis. » 

C’est ce permis-là que M. Bedos et l’association Non Au Béton attaquent en référé. « Michaël Delafosse veut passer en force », lance Alain Berthet, porte-parole de Non Au Béton. Il dénonce une accélération des travaux, et prévient : « la métropole veut éviter le référé du 26 juillet. »

Une salve de référés

Pour bien comprendre, considérant qu’il s’agissait d’une violation manifeste de deux précédents jugements, celui du 16 décembre 2021 et celui du 4 janvier 2022 qui stipule que « les seuls  véhicules pouvant échapper à la qualification d’engins de chantier sont les automobiles, et  plus précisément les véhicules de tourisme destinés exclusivement au transport de  personnes. » M. Bedos et Non Au Béton ont d’abord déposé une requête en référé-suspension contre le permis de construire délivré à la Métropole.

Un référé-suspension est une procédure d’urgence qui permet de demander au juge d’empêcher l’exécution immédiate d’une décision administrative qui semble illégale.  

Mais l’audience étant fixée le 26 juillet prochain, le sentiment des requérants a été que la métropole a accéléré son chantier avec la volonté d’achever le dallage de béton avant cette date. Les requérants choisissent, alors, d’introduire un référé-liberté, aux conditions encore plus exigeantes.

Un référé-liberté s’utilise en cas d’urgence, si une décision administrative porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La défense de l’environnement en fait partie.

Dans l’espèce, la requête en référé-liberté visait à suspendre les travaux pour atteinte grave et manifestement illégale au droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Elle a été rejetée le vendredi 7 juillet, par le tribunal administratif. L’argument entre autres, du juge, a été que « la circonstance que cet arbre remarquable serait l’habitacle du Grand Capricorne ne saurait suffire à caractère d’une atteinte grave au droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, dès lors que l’incidence de sa destruction éventuelle sur l’équilibre et la conservation de l’espèce ne résulte pas de l’instruction ». Ce que l’avocate traduit ainsi : « si l’espèce protégée présente dans ce chêne venait à mourir, leur disparition ne mettrait pas en péril la survie de toute l’espèce en France. » Le juge a aussi noté que les travaux de la métropole étaient « d’une moindre ampleur que ceux des immeubles des lotissements, » et que « les engins de travaux de la métropole n’étaient pas comparables à ceux utilisés pour les lotissements. » Aussi pour le juge, les travaux n’affectent pas les racines, et le caisson n’aura pas d’incidence sur la survie de l’arbre. Ce qui laisse à penser que la métropole n’opère ses travaux qu’avec des voitures de ce tourisme pour rester respectueuse de la décision de justice du 4 janvier 2022. Mais ce n’est pas ce que les riverains auraient constaté, photo à l’appui.

Travaux rue de salaison © DR
Travaux rue de salaison © DR

Reste la requête en référé-suspension, qui sera plaidée le 26 juillet, avec la pose du caisson de béton qui semble imminente. Pour Alain Berthet la situation est plutôt grave : « c’est quand même le summum, on bafoue les rapports de l’ONF et des experts forestiers, on bafoue la décision de la Cour d’appel de Montpellier. Tout ça pour quoi ? Pour éviter notre référé du 26 juillet. » En toute logique, pour le porte-parole de Non Au Béton : « le permis délivré pour ce caisson est illégal, et doit être cassé. »

Christian Bedos ne croit plus à une voie alternative dont avait parlé Michaël Delafosse qui était venu échanger avec lui rue de Salaison à Castelnau-le-Lez. L’élu connait donc ce terrain, son côté exigu, des branches qui couvrent le chemin avec une hauteur maximum de 2,5 mètres. Un détail qui n’a pas échappé à l’avocate : « les camions du SDIS font 3,5 m de hauteur, ils feront comment en cas d’urgence ? » C’est sans compter que peut-être les camions de déménagement auront déjà tout arraché.

« Ce qui est compliqué, c’est que pour être recevable à cette audience-là, il faut justifier d’une situation d’urgence, » explique l’avocate de M. Bedos. Et elle donne les précisions suivantes : « si le caisson de 100 tonnes est construit, la Métropole ne manquera pas de dire, il est construit, donc il n’y a plus d’urgence, et nous, on ne sera même plus recevable pour faire valoir tous nos arguments d’urbanisme et d’environnement. » 

Pour Maître Tamaris Fürstenhein : « ce qui aurait été tout à fait raisonnable de la part de la métropole, face à un référé-suspension qui a été introduit contre ce permis, c’était de suspendre le chantier en disant, j’attends au moins que le juge puisse se prononcer. Or là, c’est tout l’inverse, ils accélèrent, ils accélèrent, ils accélèrent, pour pouvoir échapper à cette audience du 26 juillet. » Ainsi ce référé deviendra obsolète, si le caisson est achevé. Ce sera au juge d’apprécier l’état d’achèvement des travaux.

« Il faut suspendre ! »

En droit de l’environnement, « il faut suspendre ! » explique Maître Tamaris Fürstenhein, tout en précisant, « en droit administratif, et c’est bien regrettable, quand on fait un référé-suspension, cela n’oblige pas à suspendre les travaux. En urbanisme, on ne suspend pas parce que l’on se dit : « bon ! c’est aux risques et périls du constructeur. Il construit, et s’il se fait annuler son permis, eh bien, il faudra démolir. » Mais cette logique, elle ne peut pas être applicable en droit de l’environnement parce qu’en droit de l’environnement, quand on porte une atteinte, elle est irréversible. Et ça, tous les rapports scientifiques du dossier le disent. Donc, on ne peut pas être dans une démarche écologiste, comme le prétend le président de la Métropole, et en même temps dire : « eh bien moi, je fonce dans le tas, je fais quand même des travaux qui abîment définitivement les racines de l’arbre, et puis on verra bien ce que le juge dira. »

Alain Berthet ajoute : « il [Michaël Delafosse] sait pertinemment qu’il enfreint les lois. Il a connaissance des rapports qui ont été émis, il a connaissance de la décision de la Cour d’appel de Montpellier, et il sait très bien que son permis de construire a de sérieux vices qui risquent d’être retenus lors de l’audience du 26 juillet, et donc voir son permis annulé. Malgré cela, il fonce, il continue. […] Si ce caisson est construit sur les racines du chêne de Castelnau, ce sera le marqueur de l’engagement écologiste de Delafosse. On n’a pas un écologiste en face de nous. Parce qu’un écologiste ne peut pas rester insensible au rapport de l’ONF, il ne peut pas rester insensible aux experts forestiers, il ne peut pas rester insensible à la décision de la Cour d’appel de Montpellier. Ce n’est pas possible. » 

Le préfet et le Grand Capricorne

Christian Bedos s’interroge : « on a fait une injonction au préfet. Pour l’instant, ça ne bouge pas. On n’a même pas eu de réponse. » En effet, c’est une infraction pénale que de porter atteinte à l’habitat d’une espèce protégée. Et le chêne vert abrite une espèce protégée, le Grand Capricorne Cerambyx Cerdo. 

Datée du 30 juin, la demande de suspension urgente du chantier a reçu accusé de réception de la préfecture de l’Hérault, le 4 juillet 2023. Pour l’heure, aucune nouvelle. Pourtant, rappelons le encore ici, la Cour d’appel de Montpellier dans sa décision du 16 décembre 2021 interdisait le passage d’engins de chantier sur les racines du chêne pour cette même raison de protection d’une espèce protégée.

La mise en danger de « l’arbre remarquable », et la situation de handicap de Chistian Bedos ne semblent pas être entendues ni émouvoir les pouvoirs publics. Plus dérangeant encore, pour les défenseurs du « Chêne vert et du Handicap », c’est qu’il existe une volonté d’imposer subrepticement un faux débat. « Opposer les citoyens entre eux : acquéreurs des logements du Clos des Oliviers et riverains. » Mercredi 12 juillet, durant la conférence de presse de la rue de Salaison, ils étaient nombreux avec Maître Tamaris Fürstenhein à penser que c’était une façon d’invisibiliser la responsabilité de la métropole de Montpellier et de la mairie de Castelnau-le-Lez. Pour eux, c’est certain, il existe des voies d’évitement possibles pour les réseaux. Prochain rendez-vous le 26 juillet.

Rue de Salaison caisson en béton en construction ©jpvallespir
Rue de Salaison caisson en béton en construction ©jpvallespir

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