Montagnac, viticulture : les secrets de la réussite de Domaines Paul Mas
En vingt-deux ans, Jean-Claude Mas a créé un empire viticole en Languedoc, passant de 8 à près de 1 000 hectares, à travers Domaines Paul Mas, inspirée du prénom de son père.
La rédaction a interviewé Jean-Claude Mas le 12 janvier à « Côté Mas », le restaurant du domaine où tout est né. Zoom sur une saga héraultaise.
Une nouvelle unité d’embouteillage
Pour accompagner la hausse de la production, qui atteint désormais 25 millions de cols par an, Domaines Paul Mas va investir 10 millions d’euros dans un nouveau site d’embouteillage, dans l’Hérault ou l’Aude, avec 15 créations d’emplois à la clé. Le choix du site est imminent. « Nous devons maintenir 70 % de conditionnement avec nos propres chaînes », explique Jean-Claude Mas, dont l’empire de terroirs languedociens est passé de 8 à près de 1 000 hectares en vingt ans. Le développement du groupe, à la fois sur les rouges, les rosés, les vins effervescents ou les vins doux naturels, fait que « nous nous éloignons de ce ratio. Je souhaite créer un tissu d’unités autonomes de production pour rester le plus proche possible de la vigne », explique-t-il.
Montée en gamme
Domaines Paul Mas, basée à Montagnac, employant 200 salariés, affiche une stratégie de montée en gamme. À la fois viticulteur et négociant, Jean-Claude souhaite devenir « un faiseur de grands vins », avec des bouteilles d’un prix « supérieur à 20 euros, un chai dédié et une forte notion de millésime », confie-t-il.
L’homme d’affaires peut s’appuyer sur un parcours atypique. Avant de revenir au bercail pour créer Domaines Paul Mas, Jean-Claude Mas a voyagé. Beaucoup. Après des études de commerce et de marketing, il a parcouru le monde, dans des secteurs autres que la viticulture, entre ses 18 et ses 35 ans. Il en garde, toujours aujourd’hui, un sens de l’anticipation, de la communication et de l’innovation. Par exemple, la traction à cheval, testée depuis deux ans à Montagnac, ou des travaux de R&D sur des cépages résistants au réchauffement climatique, menés à travers la chaire AgroSys de SupAgro Montpellier, que la société a rejointe. Le viticulteur plaide notamment pour une utilisation plus systématique des cépages Muscaris et Souvignier gris. « Il faut qu’ils entrent davantage et plus vite dans les cahiers des charges des appellations », analyse-t-il.
Virage du bio
Sur le salon Millésime Bio à Montpellier (30 janvier – 1er février), Domaines Paul Mas a présenté, entre autres, Cuvée Secrète (IGP Pays d’Oc) ou Domaine Silène de Peyrals (AOP Languedoc Grés de Montpellier). Dans cette démarche de conversion bio, Domaines Paul Mas vient d’acquérir 25 hectares de vignes cultivées en bio depuis 2007, situées à Gaja-de-Villedieu dans l’Aude, venant en complément du domaine Teramas Astruc à Limoux.
Performances à l’international
Créé en 2000 par Jean-Claude Mas, Domaines Paul Mas représente aujourd’hui 16 propriétés qui s’étendent sur 940 hectares, dont 40 % certifiés en bio ou en conversion, la totalité étant a minima en agriculture raisonnée. Les propriétés sont réparties sur les principaux crus du Languedoc : Pézenas, Grés de Montpellier, Terrasses du Larzac, Limoux, Boutenac et Roussillon. Le chiffre d’affaires, de 68 millions d’euros, est réalisé à 90 % à l’export, dans plus de 80 pays.
La clé de la réussite à l’international ? « Des gammes bio, une diversité de terroirs, une innovation sur le packaging et le marketing, avec par exemple la marque ‘Arrogant Frog’ (grenouille arrogante) qui a glané plusieurs prix à l’international, et un rapport qualité/prix en phase avec la concurrence des vins du Nouveau Monde », détaille l’expert. Il voit la réouverture du marché chinois comme une « très bonne nouvelle » pour 2023. Les principaux marchés sont la Grande-Bretagne, le Benelux, le Japon, le Canada, les Etats-Unis, l’Australie, l’Allemagne, l’Italie, la Scandinavie et la Chine.
Difficultés RH, nouveau directeur commercial
En matière de ressources humaines, le dirigeant s’inquiète d’une évolution des mentalités, entre « démotivation, peur de l’avenir et perte de productivité ». Il observe des difficultés de recrutement sur différents postes : « tractoristes, chefs de culture, cavistes, assistant commercial… Du coup, on se tourne vers des profils seniors », sourit-il.
Pierre Espérandieu vient d’être nommé directeur commercial et marketing des Domaines Paul Mas. « C’est une création de poste, confie Jean-Claude Mas. L’objectif est de nous renforcer dans la GMS et sur le réseau traditionnel, et d’ouvrir de nouveaux marchés, comme la vente en ligne ou de nouvelles chaînes comme Grand Frais. »
Inquiétude autour du devenir de la marque Sud de France
C’est le débat qui anime la filière viticole d’Occitanie. En août dernier, le préfet de la région Occitanie a demandé aux professionnels viticoles de renoncer à la marque Sud de France sur leurs étiquettes, pour cause de non-conformité avec la réglementation. « Les services des fraudes viennent de me faire signer un avertissement stipulant que je n’utiliserai plus cette marque, s’agace Jean-Claude Mas. L’enlever serait un coup dur, car elle permet à nos vins d’être identifiés à l’export. Je le réalise d’autant plus que j’évoque le sujet avec des clients viticulteurs. Un lobbying est mené au niveau de l’interprofession. » Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, bataille pour le maintien de cette marque ombrelle régionale, créée en 2006 par Georges Frêche. « Nous avons fait comprendre au ministre de l’Agriculture qu’arrêter une marque qui fonctionne et qui affiche une balance commerciale positive ne s’impose pas forcément », déclarait-elle à la presse en décembre.
Toutes les vies de Jean-Claude Mas sur Youtube
« Faire vivre la vigne », « Nouvelles aventures », « L’âme des terroirs », « Le génie des lieux », « Envies et convictions »… À travers 9 épisodes d’environ dix minutes chacun, Jean-Claude Mas se raconte auprès du journaliste spécialisé Thierry Desseauve. Sa passion des terroirs languedociens, son goût pour la création de vins « gourmands, amples, expressifs et qui peuvent vieillir », ses coups de génie marketing, son double métier (vigneron et négociant), sa trajectoire professionnelle… Une série enivrante à découvrir à cette adresse Internet.