Montbazin : la restauration du moulin de Juffet est terminée

La Fondation du Patrimoine a soutenu le projet dans le cadre de la Mission Patrimoine portée par Stéphane Bern, à hauteur de 189.000€, et en faisant appel au mécénat populaire. « Le projet date de 2007. Le propriétaire s’est débrouillé un peu tout seul au départ, puis sur les conseils de la Fondation du patrimoine, il est venu chercher une association du village pour parrainer son projet. Notre association, le Forum de Montbazin, est présente depuis 1993. On s’occupe essentiellement du patrimoine et du développement touristique, ce projet cadrait totalement avec notre mission. Nous avons passé un bail emphytéotique et nous avons commencé à investiguer et faire du lobbying. Nous avons fait connaître, fait découvrir le projet pour trouver des pistes de financement », raconte Philippe Gaffiero le président de l’association Forum de Montbazin.

M et Mme Benau sont propriétaires du moulin depuis 53 ans : « nous l’avons acheté en 1969. À l’époque, c’était simplement le bâti. Il y avait deux moulins sur le domaine : un moulin à eau sur la Vène à côté et le moulin à vent. Le moulin à eau a été détruit pendant la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les Allemands, qui y avaient stocké des munitions, l’ont fait exploser en partant. Cela a détruit la gentilhommière qui était entre les deux. Seul le moulin à vent a tenu le coup, il est assez costaud. Ils ont reconstruit ces bâtiments (à côté du moulin) avec les dommages de guerre, un peu trop proche du moulin. Nous avons dû faire des ailes plus courtes et nous adapter ». M Benau est ravi : « aujourd’hui, cette inauguration me fait un plaisir immense, cela fait 15 ans que je suis sur ce projet. Une grande joie. »

Dans l’idée de restaurer le moulin, le propriétaire a sollicité l’association Forum de Montbazin. Cette association vise depuis 1993 à la mise en valeur du patrimoine historique du village. Elle a donc accepté de soutenir le propriétaire dans son projet de réhabilitation en assurant la maîtrise d’ouvrage. Le projet a une vocation à la fois patrimoniale, valoriser un bâtiment appartenant au patrimoine local et dont le bâti présente des caractéristiques architecturales et industrielles remarquables, mais aussi une vocation touristique et pédagogique. Le moulin constituera une étape de découverte sur le parcours du circuit touristique local.

Ce moulin a vocation à fabriquer à nouveau de la farine et développer une filière autour de lui : « nous allons nous insérer dans le circuit vertueux de la valorisation de céréales anciennes. Pour fabriquer la farine, la meule et le buttoir sont électriques pour attendre un certain niveau de fabrication. Le système peut également fonctionner automatiquement jusqu’au remplissage de tous les sacs. Un certain nombre d’agriculteurs sont associés à ce projet. C’est un collectif qui va se mettre en place, ainsi que plusieurs initiatives de four, dont une à Gigean », explique Philippe Gaffiero.

Philippe Valdeyron, responsable local de la Française des jeux, explique le rôle de la FDJ : « au travers de la Fondation du Patrimoine et de la Mission Bern, nous avons, sur les 4 dernières années, collecté plus de 100 millions d’euros au travers des jeux de Mission Patrimoine, au profit de la Fondation du Patrimoine. Sur la rénovation du moulin de Juffet, nous avons porté un soutien de 189 000€. C’est un projet de maillage qui a été sélectionné en 2019. Un projet de maillage est un projet par département, puis nous avons les sites emblématiques qui concernent les projets par région. Cela est fait à travers nos jeux : chaque année, nous avons une édition de jeux de loto et jeux de grattage, et nous reversons une partie à la fondation du patrimoine. La Fondation du Patrimoine a ensuite reversé ces 189 000€ à l’association pour la rénovation du Moulin. Depuis 2018, 645 projets ont été sélectionnés au niveau national, 156 sites ont déjà été restaurés et 207 sont en cours de restauration. Cette année, le site emblématique 2022 sera la maison de l’intendance du Jardin des plantes de Montpellier, site qui sera mis en lumière lors des journées européennes du patrimoine les 17 et 18 septembre prochains. Sur département de l’Hérault, c’est un total de 545 points de vente grâce à qui cela est possible, majoritairement des buralistes et marchands de presses et c’est aussi grâce à nos joueurs qui participent par leurs jeux pour que l’on puisse financer la Fondation du Patrimoine. »

Nathalie Jeangirard, chargée de mission à la Fondation du Patrimoine, a suivi administrativement « le dossier. C’était un projet très difficile à porter, car il n’y avait pas de financement. L’association était très motivée pour la restauration de ce bien privé, mais il n’y avait pas de soutien financier au niveau collectif ou public. Nous y avons cru, car on nous a bien expliqué, bien argumenté le projet et les destinations du site, ce que cela allait devenir (production de farine avec céréales anciennes). Nous avons d’abord ouvert une collecte de dons pour voir si certains donateurs étaient sensibles au projet. La collecte a commencé à bien fonctionner et nous avons enfin présenté ce projet au concours Mission Patrimoine et au loto du Patrimoine de la Française des jeux. Et nous voilà aujourd’hui à cette inauguration. C’est un bonheur d’être là, le propriétaire et l’association sont ravis, et ils ont des projets pour la suite. »

Le moulin avait fait l’objet d’une consolidation et d’un couvrement en béton qui, à défaut d’être assorti aux parements, a assuré une certaine protection. Son état de conservation permettait d’envisager après restauration du bâti, la reconstitution du toit et de l’ensemble des mécanismes éoliens. Les travaux ont eu lieu en trois tranches. La première avait pour objectif la remise en état du bâti et la préparation à la pose de la charpente et du mécanisme. La deuxième tranche s’est centrée sur la fabrication et la mise en place de la charpente tournante et de la partie “aile et rouet” du mécanisme. Puis la dernière phase a été dédiée à la fabrication et la mise en place de la partie “lanterne” du mécanisme et de la partie mouture, réalisation des abords.

Le délégué régional technique de la Fondation du Patrimoine, par ailleurs délégué régional pour le patrimoine naturel et la biodiversité, Bruno Cosme, détaille son rôle : « ce projet, je le suis depuis 3 ans. Quand je suis arrivé, il y avait un cône tronqué. Aujourd’hui, cela fait plaisir, car cela permet, dans un rapport au temps, de se rendre compte de ce qui a existé, ce qui a fonctionné. Ce n’est pas qu’un projet : c’est aussi retisser des liens avec une population, à travers toute cette écriture, avec les murs en pierres sèches, les moulins. La Fondation intervient sur ces questions-là. C’est le deuxième moulin que je suis. Ici, l’objectif est aussi de permettre aux agriculteurs d’écouler leur production dans le cadre d’un circuit court. Le meunier a d’ailleurs déjà commencé à travailler : il va utiliser une quarantaine d’espèces de céréales différentes. Nous avons quelque chose de très important du point de vue ethnologique et scientifique. Mon critère, c’est le lien qui s’établit, le rapport au temps, le lien entre les populations et ce qu’elles ont autour d’elles, dont elles n’ont pas toujours conscience. » Bruno Cosme a travaillé longtemps au ministère de la Culture, aux bâtiments de France, il considère que « c’est une mission de passion. C’est le message de continuer à transmettre qui est important. Le territoire de l’Agglomération de Sète est assez dynamique au niveau patrimonial. J’y ai lancé notamment la rénovation de la chapelle des Pénitents à Mèze, au titre de la Mission Bern, en train de se terminer. »

Connu sous le nom de Jeffet jusqu’au XVIIIe siècle, le moulin à vent semble avoir été construit par les évêques de Maguelone pour moudre le blé produit localement. Des écrits de 1629 attestent du fonctionnement du moulin à cette époque. D’autres traces sporadiques montrent que l’activité du moulin a été régulière et soutenue au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, et occupait une place importante dans la vie sociale des villages de Montbazin et Gigean.

Dans un document écrit par Mr André Cablat (Le Peyrade), un petit paragraphe décrit le moulin de Juffet : “Au rez-de-chaussée, le logement du meunier. Pour accéder au 1er, il fallait emprunter une échelle extérieure. Le premier étage constituait la pièce où se pratiquait le blutage et la réception de la farine. Au deuxième étage était logé l’appareillage sous un toit conique en bois. La construction primitive du XVe siècle, qui appartenait à l’évêque de Maguelone, a été plusieurs fois remaniée, ce dont témoignent diverses reprises de maçonnerie.”

Il est probable que la révolution industrielle ait contribué à son abandon progressif vers 1850. Des cartes établies dans la première moitié du XIXe siècle prouvent l’existence sur le site de Juffet de deux moulins, un à eau sur le cours de la Vène en contrebas, l’autre à vent.