Aude

Montolieu : la Coopérative-Musée Cérès-Franco, « un musée d’une généreuse humanité »

L’art c’est une vocation depuis votre plus jeune âge ?  Oui, depuis tout jeune.…

L’art c’est une vocation depuis votre plus jeune âge ? 

Oui, depuis tout jeune. J’étais passionné par l’Egypte et puis, finalement, j’ai compris que j’étais simplement fasciné par la faculté qu’a l’humain à vouloir témoigner de milliers de visions différentes, et a ainsi agir par sa production sur l’environnement qui l’entoure. C’est pour transmettre à travers le temps le patrimoine que j’ai voulu devenir conservateur. 

Qu’apprend-on à l’Institut national du Patrimoine ? 

A devenir conservateur du patrimoine, c’est à dire à travailler dans une chaîne patrimoniale qui nécessite des corps de métiers très divers. Les conservateurs ont vocation à prendre la direction d’établissements patrimoniaux et à réaliser des travaux scientifiques, mais en réalité, il prend les décisions qui permettent aux institutions patrimoniales de se situer en tant que ressources pour les publics, les chercheurs, l’innovation… Attention, conservateur est très loin d’être artiste, je ne sais faire que des bonhommes bâtons !

Maximilien Fortier, un nouveau directeur enthousiaste © DR.
Maximilien Fortier, un nouveau directeur enthousiaste © DR.

Que retenez-vous de votre expérience de directeur du Musée de l’Echevinage ? 

J’étais à Saintes directeur des patrimoines, c’est à dire responsable du patrimoine de Saintes (musées de l’Echevinage, Dupuy-Mestreau, archéologique, amphithéâtre gallo-romain, service Ville d’Art et d’Histoire, seize monuments historiques). Je retiens que le musée est un lieu profondément humain, autant par les visiteurs qui viennent se ressourcer dans ces lieux que par les équipes qui en font la vie au quotidien. Le fait de prendre en charge une équipe avec des métiers assez divers m’a fait comprendre que si je m’étais engagé dans ce métier, c’était bien l’humain qui m’intéressait et qu’auparavant, pour éviter de le confronter trop directement, je préférais me réfugier derrière des objets ou des livres. Ce côté humain et je m’en suis rendu compte, est en fait ma raison d’être dans ce métier. C’est ce que je voudrais faire perdurer à la Coopérative-Musée Cérès-Franco.  

« Rapporter une collection dans un milieu rural »

Connaissiez-vous le musée Cérès Franco ? 

Oui, j’ai pu le visiter lors de l’exposition Féminins Pluriels en 2022, juste avant sa fermeture. C’est également un musée très réputé chez les spécialistes, notamment d’art moderne, ou alors les amateurs d’art brut ou singulier. 

Quelles raisons vous ont poussé à vous porter candidat ? 

Le musée, encore peu référencé au niveau du grand public, est d’une généreuse humanité : elle parle de sujets universels et profondément personnels, qui ne nécessitent pas un apprentissage de l’image pour en comprendre le sens. C’est donc la philosophie de la collection, mais aussi son grand intérêt culturel et scientifique qui m’ont poussé à m’y proposer : la collection vient avec des archives presque complètes, chose très rare dans un musée en France. L’importance des travaux actuellement menés va dans le sens d’une volonté qui m’est chère : celle de rapporter une collection de prime qualité dans un milieu rural. J’ai grandi dans un village d’une centaine d’habitants en Picardie, et j’ai pu bénéficier, à proximité, du musée Matisse du Cateau-Cambrésis (Nord). Ce fut l’un des déclics pour ma passion pour l’art et le patrimoine, et je crois que cela peut se produire à nouveau pour une autre génération à Montolieu. 

Deux ans de travaux : n’est-ce pas un peu frustrant quand on arrive avec l’enthousiasme du nouveau venu ? 

Pas du tout ! Le musée est un lieu très vivant, et les institutions ne communiquent en général que d’une toute petite partie de ce qu’elles réalisent. Un musée fermé est peut-être justement la phase du musée où il est le plus actif : il faut penser à la préservation des œuvres dans des endroits différents, préparer la réouverture et les conditions de conservation futures, les expositions à venir, préparer les visites, toucher d’autres manières le tout public et les scolaires, aller à la rencontre de personnes n’ayant autrement pas accès à la culture, rappeler aux chercheurs que nous restons à leur disposition. C’est un travail d’équipe de longue haleine, intense et passionnant. 

« Un musée qui parle à tous et à toutes »

Quelle sera la vocation du futur musée ?

Le musée permettra de retracer l’histoire de la collection de Cérès-Franco, mais également et surtout d’expliquer la trajectoire de la galeriste brésilienne dans les chemins de l’histoire de l’art du XXème siècle. Elle fut avec obstination à contre-courant de beaucoup de choses établies à son époque : elle hébergeait exilés politiques et artistes parfois désargentés dans lesquels elle croyait profondément, proposait un pont entre tous les continents par ses voyages et présentation d’expositions itinérantes, accordait peu d’importance à l’art conceptuel et sélectionnait avec choix ses goûts en termes d’abstraction.

La Coopérative-Musée rouvrira ses portes dans quelques mois © Mairie de Montolieu.
La Coopérative-Musée rouvrira ses portes dans quelques mois © Mairie de Montolieu.

Qu’y trouvera-t-on ?
Au total, la collection regroupe près de 73 nationalités d’artistes, dont un tiers sont des femmes (contre quelques pourcentages seulement dans les musées français actuels.) L’objectif du musée sera de présenter ce parcours particulier et de le recontextualiser, de montrer la galaxie d’artistes qui furent partie prenante de ces aventures très variées, et de faire perdurer l’esprit d’ouverture de Cérès.  Cela passera principalement par des expositions temporaires, actuellement en cours de conception. 

On parle de musée inclusif.

Il est, en effet, souhaité de proposer également un musée inclusif, c’est à dire qui parle à toutes et tous. La collection de Cérès s’est constituée sur la confiance et l’originalité, sur le subjectif et la non-linéarité de parcours de vie parfois très singuliers : c’est en respectant cet esprit libre que la Coopérative-Musée Cérès Franco devra évoluer au fil des besoins de son public. Le musée inclusif est ainsi à mon sens d’abord un musée d’ouverture, qui ne laisse personne sur le côté des sentiers de la culture. Des pistes sont en cours d’études pour imaginer un musée responsable socialement et écologiquement.  

« Montolieu, un lieux profondément culturel »

L’appellation de la collection au titre des musées de France, gros défi ? 

C’est sans doute le plus gros, car les critères requis pour cette appellation impliquent pour nous le fait de rédiger un Projet Scientifique et Culturel solide, de se doter d’un service des publics, et d’apporter une contribution significative à la recherche au niveau national. Le futur bâtiment répondra aux normes muséales en vigueur, et sa programmation culturelle permettra de valoriser par toutes manières la collection et les expositions qui prendront place. Quant à la qualité de la collection, elle est indéniable et déjà très reconnue.

Avez-vous pris la mesure de ce qu’est Montolieu ? 

C’est un lieu magnifique et profondément culturel. Y placer la Coopérative-Musée Cérès-Franco est dans la droite lignée de la vocation de Montolieu, qui est un endroit où le patrimoine est vivant, un lieu de ressourcement artistique et littéraire. Des liens pourront être trouvés avec d’autres lieux dans l’Aude et l’Occitanie, et même au niveau national. L’ambition est forte pour ce paisible village, et le symbole est surtout très beau.

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Commentaires

  1. Bel article, très complet que j’aimerais partager pour lancer la nouvelle équipe du musée qui fait peau neuve pour un bel avenir… Merci. GM

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