Montpellier, bâtonnier Nicolas Bedel de Buzareingues : l’avocat dans la ville
La rédaction a rencontré Me Nicolas Bedel de Buzareingues, bâtonnier du barreau de Montpellier, en marge d’un colloque sur le droit au logement organisé à la Maison des Avocats vendredi 15 octobre. Interview à mi-mandat…
Comment avez-vous vécu votre première année en tant que bâtonnier ?
Nicolas Bedel de Buzareingues : « Cette année a été passionnante. La fonction de bâtonnier est une charge chronophage – ce n’est pas une surprise pour moi – mais très enrichissante et passionnante. J’aime mes confrères. Ma porte leur est ouverte et ils ont tous mon numéro de téléphone.
J’ai réalisé quasiment l’intégralité de mon programme en dix points que j’avais présenté lors de l’élection. Plus précisément huit items sur les dix ont été concrétisés. Je ne voulais pas attendre la deadline des deux ans de mandat pour commencer à agir ! »
Parmi ces 8 points, pouvez-vous en citer quelques-uns ?
Nicolas Bedel de Buzareingues : « Améliorer les relations entre les avocats et les magistrats a été mon premier chantier. J’ai établi des liens de confiance et de loyauté avec les chefs de juridiction. La présidente du tribunal judiciaire, Mme Lelong, et son greffe travaillent en pleine intelligence avec nous. Nous ne sommes plus face à face mais travaillons côte à côte. Il reste juste quelques poches de résistance isolées. Très récemment, une formation transversale réunissant des magistrats, des greffiers et des avocats s’est déroulée à la Maison des Avocats.
Concrètement, la communication du barreau a évolué : nous utilisons pleinement les réseaux sociaux et menons une politique d’ouverture de l’avocat dans la cité en multipliant les événements.
Cela prend par exemple la forme de conférences-débats mensuels au Gazette Café. La première portait sur la liberté d’expression. La prochaine, organisée le 27 octobre, sera intitulée Le tatouage et les modifications corporelles saisis par le droit. La suivante, en novembre, fera intervenir Jacques Martin et ses Brèves de prêtoire. En 2022, il y aura une conférence-débat par mois au Gazette Café. Nous faisons œuvre de pédagogie envers le public pour qu’il crée un lien avec les avocats.
Cela prend aussi la forme de partenariats avec des acteurs économiques (comme le 14 octobre dernier avec la CPME), avec des associations, l’université, la mairie et la Métropole.
Ces partenariats permettent à ces associations avec lesquelles nous travaillons d’atteindre leurs objectifs tout en rénovant l’image de l’avocat. Il s’agit à chaque fois de rapports gagnant-gagnant.
Par exemple, en quelques mois, nous avons recensé les besoins des adhérents de la CPME, bâti une liste d’items, fabriqué une plateforme et bâti une convention pour que chaque adhérent puisse, quand il rencontre un problème, choisir en ligne un avocat dont la spécialité est recensée parmi les 24 items. Dans le cadre de la convention entre le barreau de Montpellier et la CPME, la première consultation d’une demi-heure est gratuite, puis l’avocat établit un devis si l’affaire le nécessite.
Plus largement, je souhaite développer les liens du barreau avec les PME, les TPE (les entrepreneurs aussi ont des soucis), les associations, les particuliers, les étudiants…
La communication se situe à 2 niveaux. Tout d’abord il y a la communication du bâtonnier vers les avocats : je les informe de mes actions au travers du bulletin, qui a été rénové. Le barreau et ses associations travaillent de concert. L’idée est de fédérer les énergies.
Et il y a la communication des avocats et du barreau vers la ville, via les conférences-débats au Gazette Café, notamment. »
La Maison des Avocats a pris un nouvel essor…
Nicolas Bedel de Buzareingues : « La Maison des Avocats a été inaugurée par le bâtonnier Christol, qui avait dit aux avocats dans son discours inaugural : « c’est votre maison ». J’accueille des avocats ici et je leur dis la même chose.
Mais au-delà des seuls avocats, j’ai voulu que la Maison des Avocats soit ouverte à la ville et au public. Elle tourne actuellement à plein régime ; il est rare qu’il se passe un jour sans qu’il ne s’y déroule un événement. En novembre elle accueillera une exposition photo de François Barrère sur le procès d’assises.
La Maison des avocats est souvent perçue comme l’avant-goût du tribunal par les citoyens. Pour changer cette image, il est nécessaire qu’y soient organisés des événements sur des thèmes qui peuvent intéresser le public. Nous avons aussi monté le projet Paroles de bâtonniers, qui consiste en des interviews vidéo de 8 épisodes. Deux ou trois sont déjà en ligne sur la page Youtube du barreau. Les bâtonniers y livrent des anecdotes, ce qui contribue à rendre l’avocat plus humain De même, les conférences-débats au Gazette Café renforcent la proximité des avocats avec le public. Je me souviens que le bâtonnier Lætitia Jambon avait initié les Cafés Avocats… »
Le barreau est engagé pour l’indépendance des avocats à travers le monde…
Nicolas Bedel de Buzareingues : « Nous avons tissé des liens encore plus forts avec le barreau de Beyrouth, avec lequel nous sommes jumelés. Le bâtonnier de Beyrouth est venu à la séance solennelle prononcer un discours mémorable. J’ai convaincu d’autres bâtonniers de nous suivre dans cette aventure. Nous voulons aider ce barreau à rester indépendant et à faire la vérité sur l’explosion du 4 août. Dans une quinzaine de jours, nous irons remettre un prix au barreau de Beyrouth, qui a créé une cellule où est traité bénévolement le cas de chaque victime de l’explosion. Ses membres mènent une enquête au péril de leur vie, car ils font l’objet de menaces. J’ai rencontre le futur vice-bâtonnier de Paris, et les bâtonniers de Marseille, Toulouse, Lyon, Seine Saint Denis, Nice, et de plusieurs autres gros barreaux. Notre voix porte… »
Quels sont vos projets ?
Nicolas Bedel de Buzareingues : « Je vais vous donner un scoop : le site Internet du barreau de Montpellier est en passe d’être entièrement refait. Cette refonte totale est un gros chantier alors qu’au départ, elle semblait simple à effectuer. Le nouveau site est collaboratif, coconstruit par une vingtaine d’avocats. Il sera évolutif, même après ce mandat. Pour refaire le site, chacun a formulé ses besoins, qui se recoupaient.
Nous avons aussi dans l’idée de faire des podcasts et, pourquoi pas, de lancer une radio avocats si suffisamment d’avocats veulent participer au projet. On y interviewerait des experts, on y informerait le public des actions et du rôle des avocats, tout avocat qui le souhaite pourrait évoquer un point précis sur des points d’actualité et des thématiques qui intéressent le public, comme le secret professionnel par exemple…
Globalement, il me tient à cœur de continuer l’effort de transparence, absolument nécessaire, envers les confrères, et de continuer à moderniser notre barreau et ses structures.
Autre nouveauté : pour montrer que, contrairement à l’image -d’Epinal, les avocats ne sont pas que des défenseurs de violeurs récidivistes, dans les prochains mois, la permanence pénale va devenir également une permanence des victimes. Rôle qui, auparavant, était confié aux associations… Une réunion est prévue au tribunal avec des association de terrain pour travailler ensemble
Le barreau de Montpellier participe à la journée de lutte contre les violences faites aux femmes (le 25 novembre) et je pense faire un événement d’une semaine sur ce sujet important.
Je souhaite porter les associations dans leurs événements, les aider à avoir de la communication, qu’ils sachent que le bâtonnier et l’Ordre sont derrière eux…
Autre événement, dans le cadre des nouveaux liens que nous avons établis avec la Ville de Montpellier, un Hackaton sera organisé à l’hôtel de ville le 26 novembre. Le principe est simple : chaque avocat qui le souhaite amène un projet, il est aidé sur place par des techniciens et des spécialistes, et il développe son projet d’application ou d’innovation juridique, technologique ou sociale en 24 heures. Les participants feront un pitch à 17 h, et à 19h il sera procédé à la remise des prix, suivie d’un cocktail.
Le barreau de Montpellier possède en son sein des avocats innovants. De la même façon, les membres du conseil de l’Ordre sont très efficaces et volontaires; il y a une majorité de jeunes. Ce sont des forces vives, une chance pour le barreau… Au sein du Conseil de l’ordre, nous bénéficions de l’expertise précieuse de membres très compétents. Par exemple, Me Rabhi et Me Dehant font un travail formidable dans les permanences. Tout comme le binôme des Avocats Conseils d’Entreprises Sophie Nayrolles et Nicolas Unal, experts du monde de l’entreprise et de l’innovation. Tous ont de nombreuses expertises ; je pourrais tous les citer ».
Un dernier mot en direction des avocats ?
Nicolas Bedel de Buzareingues : « Je suis disponible pour eux et le resterai. Mon objectif est que les avocats se sentent écoutés… »