Santé — Montpellier

Montpellier, cancer du sein : “Avec cette technique, les patientes n’ont pas de cicatrice visible” 

En 2018, le CHU de Montpellier était le premier à proposer, dans le cadre d’une étude, une chirurgie du sein sans cicatrice apparente en prévention du cancer. Aujourd’hui, cette innovation est proposée aux patientes qui doivent subir une ablation du sein et une étude sur son versant curatif est lancée. Le Dr Gauthier Rathat, responsable du service de chirurgie gynécologique et mammaire à l’origine du procédé, fait le point. 

Dans le cas d’une ablation préventive, comment se déroule la prise en charge des patientes ?

Il ne faut pas que les patientes prennent une décision précipitée sur un effet d’annonce avec un regret après. C’est un parcours qui nécessite un cheminement intellectuel. La patiente qui a un cancer du sein, il faut avancer, ce sont des délais courts. Une chirurgie préventive, on va voir deux fois les patientes, elles rencontrent la psychologue, il y a une réunion pour valider cette décision, etc. 

C’est une décision lourde, le principe de précaution est poussé…

Toutes les femmes qui sont porteuses d’un gène ne prennent pas la décision d’une mastectomie préventive. On peut se dire que si elles ne le font pas, c’est parce que nous, en tant que chirurgiens, nous ne sommes pas capable de leur apporter un résultat assez qualitatif. Si on avait la possibilité d’avoir un sein qui a la même sensibilité, la même forme, le même volume et la même apparence que son sein d’origine, je ne vois pas ce qui les empêcherait de passer le cap d’une chirurgie préventive. Donc, plus nous apporterons un résultat qualitatif, plus les patientes iront vers cette possibilité de se protéger.

Quelle est la différence de traitement entre les opérations préventives et curatives ?

En préventif, par définition, les patients n’ont pas de cancer mais on sait qu’elles sont porteuses d’un gène qui les expose à un très fort risque de cancer du sein. Et donc, elles s’engagent dans cette voie de chirurgie préventive. C’est une démarche de leur part car elles ont deux options : soit un dépistage spécial adapté à leur risque – qui est très élevé -, soit une chirurgie préventive. dont le principe est de retirer toute la glande. On conserve la peau et le mamelon et on fait une reconstruction en même temps.

© Dr. Gauthier Rathat.
© Dr. Gauthier Rathat.

Comment faîtes-vous pour ne pas faire de cicatrice apparente ?

Le seul moyen de ne pas mettre de cicatrice sur le sein, c’est d’utiliser l’endoscopie [une petite caméra et deux petits instruments]. Tout l’avantage de cette technique, c’est que l’on décale la cicatrice hors du sein. Et donc, face à leur miroir, les patientes n’ont pas de cicatrice visible.

 Vous utilisez quelles matières quand vous reconstruisez le sein ?

On utilise des prothèses en silicone, les mêmes qu’en reconstruction classique, qu’en chirurgie plastique. […] C’est la technique la plus simple pour reconstruire un sein avec un bon résultat. Il y en a plein d’autres qui existent mais ça va dépendre des souhaits des patientes et de leurs morphologies. On s’adapte à chaque fois. La mastectomie endoscopique dont on parle, c’est pas fait pour toutes les patientes.

© Dr. Gauthier Rathat.
© Dr. Gauthier Rathat.

Qu’elles sont celles qui ne peuvent pas y recourir ?

Une patiente qui va avoir des seins très larges avec un souhait de diminution de volume dans le même temps, on ne pourra pas lui proposer cette technique-là parce que, de toute façon, si on veut réduire le volume du sein, il faudra faire une cicatrice sur le sein.

A cause de l’extension de la peau ?

Exactement, pour redraper la peau. Donc ça n’a pas l’intérêt de le faire par endoscopie. Cette technique s’adresse aux patientes avec des bonnets A, B et C, pas au-delà.

Comment s’est déroulée la mise en place de cette innovation ?

Dans un premier temps, nous sommes allés dans un laboratoire d’anatomie et nous avons travaillé sur une pièce anatomique pour vérifier que c’était techniquement réalisable.J’ai ensuite évoqué cette possibilité avec une patiente que je suis depuis longtemps et qui a été partante pour réaliser cette intervention par cette voie innovante. Le résultat a été excellent. La patiente, je la suis toujours, elle est toujours contente de son résultat. Et puis, grâce au soutien de la Montpellier Reine, nous avons mis en œuvre une étude qui s’appelle MRIMOP dans le cadre de la chirurgie préventive qui nous a permis de consolider l’idée qu’on était dans une voie intéressante comme proposition d’offre de soins aux patientes.

Cette technique a-t-elle fait des émules depuis ?

Depuis, il y a d’autres pays qui s’y sont mis. On a rencontré des chirurgiens d’autres pays et ça commence à diffuser. Il y a des chirurgiens d’autres villes et bientôt d’autres pays qui vont venir se former. Il y a déjà quatre chirurgiens qui sont venus depuis septembre et on en attend encore six d’ici la fin de l’année. On sent que c’est quelque chose qui est en train de prendre un essor en Europe. Ça fait longtemps qu’en Asie il y a des équipes qui travaillent là-dessus.

Vous êtes le seul en France à faire cela ?

Non, je ne suis pas le seul, mais on a été la première équipe.

Qu’est-ce que cela apporte en plus dans la prise en charge des femmes atteintes d’un cancer du sein par rapport aux techniques “conventionnelles” ?

En fait, ce qu’il faut réaliser, c’est que le cancer du sein, c’est un cancer très fréquent pour la femme. C’est 60 000 nouveaux cas par an. L’âge moyen au diagnostic, c’est 64 ans, à peu près l’âge de la retraite. Mais parmi ces patientes-là, il y a autour de 5 % des femmes qui ont moins de 40 ans, soit 3 000 nouveaux cas par an. Donc, ça touche aussi les femmes jeunes… Les thérapeutiques ont tellement évolué que le pronostic est devenu très bon. Et donc, de plus en plus, on se concentre sur l’après. Comment faire en sorte que les traitements qu’on va mettre en œuvre impactent le moins possible sur la vie des femmes ? Et cette technique, c’est une des réponses possibles, proposer une chirurgie qui soit le moins délétère possible, avec moins de cicatrices visibles.

Propos recueillis par Cyril Durand

© Dr. Gauthier Rathat.
© Dr. Gauthier Rathat.
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