Montpellier : comment livrer les marchandises et les colis en ville sans polluer ?
Le 9 décembre 2022, à l’Hôtel de Ville de Montpellier, avait lieu le Forum "La logistique urbaine décarbonée dans la ville durable : vers un nouvel art de vivre". Etat des lieux et solutions…
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Avec des métropoles de plus en plus peuplées et l’explosion du e-commerce, “l’enjeu du transport des marchandises sur le dernier kilomètre, dont les colis pour les particuliers, devient centrale, et doit être anticipé”, a déclaré Jean-Louis Chauzy, président du Ceser Occitanie et d’Eurosud Team, à l’occasion du Forum.
Verdissement des flottes
“La logistique urbaine représente à 85 % des flux BtoB (entreprises). Les colis liés au e-commerce augmentent certes, mais ne représentent que 15 % des flux”, met en perspective Christelle Savignat, directrice de programme Logistique urbaine du Groupe La Poste. “La moitié des marchandises qui circulent dans les villes sont des comptes propres (artisans, commerçants…), qui circulent souvent avec des véhicules diesel. La mise en place de la ZFE (zone à faible émission) les contraint à convertir leur modèle. L’une des pistes est de confier leurs marchandises à des professionnels.”
Deux leviers sont actionnés par le Groupe La Poste. Tout d’abord, le verdissement des flottes : “Nous nous engageons à livrer les 22 métropoles françaises, dont Montpellier, à 100 % faible émission en 2025, via des véhicules électriques ou biogaz et une flotte de vélos cargos, en s’appuyant sur des cycles logisticiens locaux.” Autre priorité, le resserrement logistique, en déployant des mètres carrés “qui ne sont plus rejetés en dehors des villes, mais qui s’intègrent en entrée de ville, sous la forme de plateforme de massification où sont groupées et dégroupées les marchandises”. Ce programme nécessite “de collaborer avec les collectivités pour que la logistique urbaine soit intégrée dans les projets d’aménagement et les plans de mobilité, avec des schémas de livraison et des aires de stationnement”.
Le MIN, site stratégique
Pour relever le défi de la décarbonation de la logistique urbaine, la Métropole de Montpellier (3M) s’engage sur plusieurs fronts. “50 % de la pollution en ville vient des poids-lourds, qui ne représentent que 5 % du trafic. C’est un enjeu de santé publique”, souligne Julie Frêche, vice-présidente de Montpellier Métropole déléguée au transport et aux mobilités actives (photo © Hubert Vialatte).
Le projet Carreta (“petite charrette”, en occitan), véhicule automatisé dédié à la logistique urbaine, est par exemple en cours d’expérimentation, dans le cadre du développement de la filière véhicule autonome en France. C’est le seul projet sélectionné au niveau national sur la thématique de la logistique urbaine, avec un financement dans le cadre du programme des investissements d’avenir (PIA) confié à l’Ademe. “Carreta suit le postier dans ses déplacements. L’idée est qu’il devienne autonome à terme”, précise Frédéric Delaval, président d’Urby et directeur du programme stratégique de logistique urbaine du Groupe La Poste.
Des ETI innovantes, comme Actia Group à Toulouse, mettent au point “des systèmes connectés, d’autoapprentissage (les chauffeurs évaluent leur impact environnemental)”, explique Jean-Louis Pech, son président. Le groupe a développé une ligne de produits sur les micromobilités : vélos, tricycles cargos, nouveaux quadricycles… avec “électronique embarquée, électrification, sécurisation, cybersécurité, gestion de flotte…”
Autres annonces de Julie Frêche, “un embranchement ferroviaire du marché d’intérêt national (Min), intégré dans son programme de modernisation. La situation du Min est stratégique pour la logistique alimentaire et les petits colis, avec une emprise ferroviaire et à 10 minutes en vélo du centre-ville” ; un quai mutualisé de déchargement sur ce même Min, ou encore la création, à terme, d’un “grand hôtel logistique de 60 000 à 80 000 m2“.
Avec la CCI de l’Hérault, des opportunités de logistique urbaine sont identifiées, comme le parking du Polygone (pour la livraison des commerces, dans un espace logistique de proximité), ou l’actuelle Poste Rondelet.
Des bâtiments sous-exploités
Selon Élodie Nourrigat, architecte et professeur à l’Ensam, “de nombreux bâtiments sont sous-exploités. Avec la zéro artificialisation nette, la consommation de foncier va devenir de plus en plus complexe. Pourquoi ne pas réinvestir des bâtiments, avec une notion d’usage temporaire ? Par exemple, des bâtiments pourraient accueillir de la logistique urbaine trois mois dans l’année, avant d’être restitués pour un autre usage”.
Des étudiants de l’Ensam travaillent sur l’utilisation des centres des ronds-points les plus importants, “espaces inutilisés à ce jour”. Autres idées, des individus pourraient devenir des vecteurs de livraison en s’appuyant sur les mouvements pendulaires dans les pôles d’échanges multimodaux, ou le tram-fret (tramway transportant des marchandises, par exemple la nuit).
Un champ d’innovations
Si le champ des innovations est immense, la Métropole de Montpellier peine curieusement à recruter… un chargé de mission logistique urbaine ! “Nous avons lancé deux appels à recrutements, et on ne trouve personne”, s’étonne Julie Frêche. Elle concède la complexité de la tâche : “La logistique urbaine touche à l’immobilier logistique, la lutte contre la pollution, la mutation des commerces… Vous auriez pu, d’ailleurs, pour votre forum, inviter d’autres vice-présidents que moi, et ils auraient été tout autant légitimes !”
Pour mieux structurer une filière encore naissante, André Deljarry, président de la CCI 34, interpelle le sénateur PS Hussein Bourgi, présent sur le Forum, lui suggérant de “légiférer rapidement, comme cela a été fait pour les panneaux solaires et l’éolien. Car les choses vont très vite”.
Michaël Delafosse, président de Montpellier Méditerranée Métropole, évoque un “défi colossal”, et estime que des solutions locales existent, “à travers les permis de construire, le plan local d’urbanisme intercommunal, les schémas directeurs…”.
“Pour réussir ce défi, il faut innover, mais il faut aussi rationaliser, optimiser, et que des géants comme La Poste se rapprochent de petits acteurs locaux, qui apportent la connaissance du territoire et la qualité de service, insiste Michel Colombié, vice-président d’Eurosud Team et président de l’ORT (Observatoire régional des transports) Occitanie. C’est une condition obligatoire pour l’acceptabilité de la logistique urbaine, qui devient un élément nouveau dans les villes.”