Montpellier, Crise des ATSEM : “Depuis la rentrée, nos enfants sont accueillis dans des conditions dégradées”
À Montpellier, la crise des ATSEM (Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles) est à un niveau alarmant qui ne date pas d’hier.
En 2021, les ATSEM, enseignants et parents d’élèves s’étaient mobilisés pour protester contre la nouvelle organisation dans les écoles, en particulier l’attribution aux agents de la gestion des Temps d’Accueil et d’Animation après la classe (TAAC), poussant certains à travailler de 7h45 à 18h. Trois ans plus tard, la fatigue demeure et les recrutements tardent, une situation aggravée par la pénurie d’effectifs dans la Petite Enfance.
Dans certaines écoles, la situation inquiète et les questions persistent, si bien que les parents d’élèves s’organisent pour mieux comprendre les méandres administratifs et se réunissent pour donner du poids à leurs revendications auprès des élus. Alors qu’ils viennent de rédiger une lettre ouverte et espèrent échanger avec la mairie, plus particulièrement Fanny Dombre-Coste, adjointe chargée du dossier, c’est le conseiller Christian Assaf qui s’est déplacé à l’école Charlie Chaplin ce vendredi 22 mars.
Interview d’Émilie Pannetier, parent élue à l’école Charlie Chaplin à Montpellier
En quoi le rôle des ATSEM est-il clé selon vous ?
Emilie Pannetier : Lorsque les enfants entrent à l’école maternelle, ils sortent souvent du cadre familial et ont besoin d’un environnement sécurisant avec une présence rassurante. C’est là que les ATSEM interviennent. Alors que les enseignants se concentrent sur le projet pédagogique et l’autorité, les ATSEM offrent un renfort et un soutien en préparant les ateliers, en gérant les repas à la cantine, en surveillant les temps de sieste, en accompagnant les enfants aux toilettes, en les aidant à se rhabiller…
Pourquoi ressentez-vous le besoin d’interpeller la Mairie sur la situation actuelle ?
E.P : Depuis le début de l’année, et surtout depuis septembre, il est demandé aux maîtresses et aux ATSEM de travailler dans des conditions difficiles en raison d’une pénurie d’effectif, ce qui affecte leur capacité à accueillir les enfants correctement. Nos enfants sont accueillis dans des conditions dégradées, on a des enfants qui pleurent. C’est quelque chose d’assez classique dans les 2 ou 3 premiers mois d’écoles, mais là, on est au mois de mars. Pleurer tous les matins quand tu vas à l’école, ce n’est plus normal. Et nous, les parents, nous sommes désemparés.
Est-ce une situation unique à Montpellier ? À l’école Charlie Chaplin ?
E.P : D’abord, je tiens à souligner qu’à Montpellier, la mairie de Michael Delafosse s’est engagée à fournir au moins une ATSEM par classe. Ce qui n’est pas toujours le cas au niveau national et nous savons que nous avons de la chance d’avoir des personnes pour tenir ce rôle très pondérant. Mais le problème survient quand il y a une perte de repère. Pour les enfants, en particulier pour ceux qui ne sont pas encore tout à fait autonomes, l’ATSEM rassure, mais à Montpellier, les agents sont constamment remplacés ou envoyés dans d’autres établissements. Le gestionnaire qui se charge de les répartir sur Montpellier repose sur un “pool de remplaçants” en raison d’un manque de titulaires et il répond en direct aux besoins spécifiques des établissements. Sans doute que quand il commence à y avoir trop de problèmes dans une école, il tente de combler les absences. Ce qui n’est pas toujours compréhensible, c’est que certains ATSEM sont pris dans les classes de petits pour être envoyés dans les classes de plus grands. Les plus jeunes devraient être priorisés.
Une situation qui, dans votre école, est rendue encore plus difficile suite à une absence…
E.P : La classe 4 est la plus impactée au sein de l’école, car la maîtresse initiale est partie en congé maternité. En novembre dernier, une enseignante remplaçante a été affectée à la classe, mais elle s’est retrouvée désemparée et démunie, car l’ATSEM attitrée à cette classe était souvent absente car mise ailleurs. Normalement, il est recommandé d’avoir une ATSEM fixe pour les tout-petits afin de maintenir une stabilité nécessaire et là, ce n’était pas le cas. Normalement, il devrait y avoir une ATSEM titulaire, mais celle qui était à ce poste est “en reclassement ”, car elle ne peut plus travailler avec les tout-petits, et personne d’autre ne peut être nommé à son poste. Le souci, c’est que ça fait déjà deux ans, et qu’un reclassement peut durer cinq ans. Résultat, cet hiver, la maîtresse remplaçante s’est retrouvée seule pour gérer 25 enfants. Maintenant, cette remplaçante est également absente pour cause de congé maladie, laissant la classe 4 sans enseignante et sans ATSEM.
Quelles sont les méthodes employées ou proposées pour combler les dysfonctionnements ?
E.P : Toute l’école tente de pallier les absences en déplaçant des ATSEM de différentes classes pour aider dans la classe concernée. Cela signifie que les autres classes fonctionnent sans leurs ATSEM à ce moment-là, ce qui crée une rotation constante pour les enfants de cette classe. Dans un tel contexte, il est difficile de créer un lien de confiance et de sécurité pour ces enfants, surtout après une période de perturbation post-Covid. De nombreux enfants peuvent régresser en termes d’autonomie et de comportement, ce qui pose des défis supplémentaires. Les difficultés rencontrées ont régulièrement été signalées, mais les réponses reçues ont souvent mis l’accent sur la nécessité de “se serrer les coudes au sein de l’équipe”.
Comment expliquez-vous la dégradation de la situation ?
E.P : Les conseils d’école, censés fournir des réponses, ont parfois été dépourvus de représentants de la mairie ou d’élus, ce qui a compliqué la communication. Concernant les ATSEM, il semble y avoir un manque de personnel dû à des congés maladie et des reclassements, ce qui a conduit à un recours fréquent aux remplaçants. Les conditions de travail difficiles et le vieillissement du personnel ont également contribué à cette situation. Ce que nous disent les parents des autres écoles et les syndicats, c’est que les ATSEM sont plutôt vieillissantes, qu’elles commencent à fatiguer. Elles sont en classe, elles mangent sur le pouce parce qu’elles aident les enfants à la cantine, elles gèrent le périscolaire avec les animateurs. Il faut prendre conscience que c’est un métier très physique, épuisant, surtout depuis qu’ils leur ont rallongé leurs heures de travail avec les TAAC. Il n’y a pas d’autre solution que de recruter, mais pour ça, il faut que le métier soit attractif et aujourd’hui, il ne l’est pas. On nous parle de l’école pour tous, de l’école inclusive, c’est beau mais compliqué dans ces conditions. Il faut des moyens si on veut que tous les enfants grandissent en se sentant en sécurité, épanouis.
Quelle forme prend votre mobilisation ?
E.P : Nous, en tant que parents délégués, on a déjà essayé de comprendre comment ça fonctionnait parce que c’est assez opaque. La première étape était d’aller glaner des informations, de découvrir ce qui est légal, quelle est la réglementation en vigueur sur le sujet, quelles sont les spécificités de Montpellier… Notre dernière actualité est l’organisation d’un point avec des parents d’autres écoles, initié par l’école La Fontaine, de manière à rassembler nos informations et nous organiser. Après cela, nous demanderons à être reçus à la mairie.