Société — Montpellier

Montpellier et Béziers : Dans les commissariats, le parcours des femmes victimes de violences facilité

Désormais, lorsqu’une femme porte plainte pour violences conjugales, non seulement les policiers sont spécifiquement formés mais la prise en charge est également très complète. Une psychologue, une juriste et une assistante sociale travaillent avec les brigadiers du groupe de protection de la famille pour accompagner la victime dans ce parcours souvent difficile.

244 301 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire, en grande majorité des femmes, ont été enregistrées par les services de police ou de gendarmerie en France en 2022. Soit une hausse de 15% par rapport à 2021, selon le ministère de l’Intérieur. Dans 89% des affaires, les auteurs sont des hommes. Dans les deux tiers des cas (66%), les violences sont physiques et dans 30% il s’agit de violences verbales ou psychologiques. Mais l’étude souligne également que si les violences sexuelles conjugales sont “les moins fréquemment enregistrées” (4% des cas), elles constituent celles qui augmentent le plus en 2022 avec une hausse de 21%. 

Des chiffres alarmants mais bien en-deçà de la réalité puisque l’on sait que seulement une victime de violences conjugales sur quatre signale les faits qu’elle a subis, selon l’enquête de victimation Genese 2021.

Un pôle psycho-social au commissariat de Montpellier

Parmi les freins au signalement, les victimes invoquent souvent la peur d’être jugée ou de ne pas être crue par les policiers. Afin d’inciter les femmes à parler, la Police nationale a mis en place des formations obligatoires pour tous les policiers dont certaines dédiées aux “primo intervenants”, ces policiers généralistes de première ligne qui reçoivent le tout-venant des dépôts de plainte. Dans les cas de violences conjugales, c’est ensuite le groupe de protection de la famille qui prend en charge les investigations. A Montpellier, ce groupe est divisé en deux : une brigade spécialisée dans les violences intra-familiales (VIF) et une spécifique pour les mineurs, dotée chacune de huit policiers. “Nous nous occupons de faire les enquêtes de voisinage et selon les cas, les constatations au domicile, les perquisitions, les auditions ou garde à vue des mis en cause, de prendre en compte les comptes-rendus du médecin légiste, explique Christelle Cabanne, brigadier chef de police à la brigade des VIF. Nous faisons ensuite un compte-rendu au procureur qui décide de la suite.” La policière suit une cinquantaine de dossiers en même temps, pour des faits pouvant aller du geste brusque à la tentative de meurtre.

Pour venir en complément des policiers et apporter à la victime un accompagnement le plus complet possible, un pôle psycho-social a été mis en place au commissariat de Montpellier. Composés d’une assistante sociale du département, d’une psychologue et d’une juriste de l’association France Victimes, il permet une prise en charge pluridisciplinaire dans le long parcours qui suit le dépôt de plainte. “Mon travail est de recevoir la victime après le dépôt de plainte et de lui expliquer tout ce qui va ou peut se passer, précise Isabelle Rouquairol, juriste auprès de France Victimes 34. J’informe donc sur ce que va faire le procureur, comment ça se passe au tribunal, sur l’aide juridictionnelle. Je peux parfois donner quelques informations sur le droit de la famille, sur le divorce par exemple, même si je suis spécialisée en droit pénal. Mon rôle est de les informer et de les accompagner dans leurs démarches, mais pas pour leur dire quoi faire ou faire à leur place, c’est important.”

Des assistantes sociales à Sète et Béziers 

L’engrenage judiciaire qui se met en place après un dépôt de plainte est souvent très difficile à assumer pour les victimes de violence conjugale, qui sont privées depuis parfois des années de leur autonomie et de leur faculté à penser par et pour elles-mêmes. C’est ce que l’on appelle le phénomène d’emprise. “L’un des principes de l’emprise, c’est la culpabilité, explique la psychologue du commissariat de Montpellier Guilaine Sevajol. Il arrive donc que les victimes veulent tout arrêter, retirer leur plainte, en disant qu’elles veulent protéger le père de leurs enfants ou qu’il risque de se venger et que les violences vont empirer.” Le travail de la psychologue est donc d’accompagner les victimes dans ce processus difficile mais indispensable à la reconstruction. Elle reçoit parfois les enfants, “ça leur permet de parler un peu mais j’essaie en général de les orienter directement vers une prise en charge extérieure pour un suivi”.

A Sète et Béziers, s’il n’y a pas de pôle psycho-social à proprement parler, des assistantes sociales du Département sont basées dans les commissariats. “Notre rôle est d’aider les victimes de violences à conscientiser ce qu’elles subissent et à lever les freins qui les empêchent de mettre fin à la situation”, expliquent Sophie Cauquil, en poste à Béziers, et Claudia Beldame à Sète. Concrètement, cela peut être le logement, l’emploi ou encore des sujets administratifs. “Nous travaillons avec des partenaires et des associations qui ont des permanences sur le territoire et nous savons lesquels activer pour que ça s’adapte à chaque victime selon sa situation. Le but est que la violence cesse et, surtout, qu’elle ne revienne pas.” Les victimes ont le choix de rencontrer ou non l’assistante sociale du commissariat, “donc celles qui viennent nous voir sont des combattantes. Elles ont des compétences mais elles ne le savent plus. Notre rôle est de les guider car ce sont elles qui ont les clés.”

“Cette complémentarité avec les pôles psycho-sociaux est éminemment importante”, conclut Marjorie Ghizoli

Selon les professionnelles du commissariat de Montpellier, la nature et le nombre des violences intrafamiliales ont évolué ces dernières années. “Il y a beaucoup plus de violences, notamment psychologiques, et ça s’est intensifié après le confinement”, disent-elles. Les nouvelles technologies n’y sont pas pour rien car “avec les réseaux sociaux, les violences démarrent plus jeunes et quel que soit l’âge, il est plus facile pour un agresseur de harceler.” Heureusement, la technologie permet aussi des dispositifs comme les Bracelet Anti Rapprochement (BAR) et les Téléphones de Grand Danger (TGD) qui ont déjà évité nombre de drames. “Le TGD appelle les secours et géolocalise la victime, explique Christelle Cabanne. Dernièrement, cela a permis à une femme qui se faisait enlever par son ex d’être secourue à temps.” Sur le département, 48 BAR et 84 TGD sont actuellement en circulation (29 à Béziers et 55 à Montpellier).


“Pour nous, policiers, cette complémentarité avec les pôles psycho-sociaux est éminemment importante, conclut Marjorie Ghizoli, directrice départementale de la sécurité publique de l’Hérault. Nous en avons besoin et les victimes en ont besoin. Ces intervenants sont des appuis incontournables pour les femmes qui entrent dans le commissariat.” La cheffe des policiers de l’Hérault souligne également que les outils numériques se développent pour améliorer le lien police/victime, avec notamment le site “Ma sécurité” et son chat disponible 24h sur 24. Car “les atteintes aux personnes et les violences intrafamiliales sont les plaintes les plus importantes pour la police. Rien ne doit être laissé au hasard. Une plainte pour insulte le lundi peut se transformer en violences physique le mardi et en tentative de meurtre le mercredi.”

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