Expositions — Montpellier

Montpellier, expo : les avocats, "derniers remparts de la démocratie", se dévoilent à l'Espace Bagouet

La profession d'avocat est relativement méconnue du grand public. C'est pour cette raison que le barreau de Montpellier propose l'exposition "L'avocat dans la cité", jusqu'au 22 janvier 2023.

Reportage photo : © Virginie Moreau.

Vingt ans après l’exposition organisée par le bâtonnier Jacques Martin au Pavillon Populaire, le bâtonnier Nicolas Bedel de Buzareingues a voulu rééditer cette mise sous les projecteurs de la profession d’avocat, afin que le public se familiarise avec ses rouages. Photographies, caricatures, coupures de journaux d’époque et panneaux pédagogiques composent en grande partie cette présentation…

L’indépendance des avocats, une nécessité démocratique

Lors du vernissage de l’exposition, évoquant la partie de l’exposition consacrée au procès des caricatures de Charlie Hebdo, le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, a remercié le barreau de ne pas s’être auto-censuré. Il a aussi dit apprécier que les avocats fassent preuve de pédagogie envers le public au travers de cette présentation simple et claire du métier d’avocat.

personnalites
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Ci-dessus, le bâtonnier Nicolas Bedel de Buzareingues, Michaël Delafosse et le futur bâtonnier Maxime Rosier.

“En cette période où l’on cherche de par le monde à museler la parole des avocats, les avocats sont les derniers remparts de la démocratie”, a commenté le bâtonnier Bedel de Buzareingues. “L’indépendance est symbolisée par la robe de l’avocat, notre rempart. Elle est fondamentale. Napoléon en 1804 écrivait qu’il fallait couper la langue aux avocats qui s’en servaient contre le gouvernement. Il l’a écrit, d’autres l’ont pensé. Ce n’est pas la peine de remonter les siècles pour se souvenir que notre indépendance, qui gêne, est une menace permanente pour nos gouvernants et pour ceux qui font les lois.

Le bâtonnier Maxime Rosier © Virginie Moreau
Le bâtonnier Maxime Rosier © Virginie Moreau

Ci-dessus, le futur bâtonnier Maxime Rosier devant une représentation de la robe de l’avocat par le peintre Guillaume Lanoux.

Il y a à peine quelques mois, nous avons dû reprendre le combat et nous mobiliser car un projet de loi prévoyait de légaliser les écoutes des appels téléphoniques des avocats dans l’exercice de leurs fonctions. Il a fallu se battre pour qu’il soit amendé. Il s’agit d’un combat de tous les jours. La liberté d’expression totale consacrée par les cours européennes, cette indépendance de l’avocat, c’est la garantie de vos libertés fondamentales, la garantie d’une vraie justice. Quand nous défendons bec et ongles notre indépendance chaque fois qu’elle est attaquée, c’est vos libertés que nous défendons. Comme l’avait compris Louis XIV, qui a rétabli l’avocat dans sa fonction et dans son indépendance, il n’y a pas de justice sans avocats indépendants.

Le procureur Molins, grand magistrat s’il en est, procureur général près la Cour de cassation, est venu l’année dernière à la prestation de serment des avocats de Montpellier. Devant ces 80 jeunes avocats, il leur a dit : ‘Il n’y a pas d’avocats sans indépendance”. Donc soyons vigilants. Et vous, citoyens, soyez vigilants, parce que le baromètre de la liberté d’expression, c’est l’indépendance des avocats”.

La robe d’avocat, un symbole

Place ensuite à la visite de l’exposition L’avocat dans la citéLes visiteurs découvrent plusieurs déclinaisons de la robe d’avocat, et apprennent qu’elle est dérivée de la soutane de l’Ancien Régime et qu’elle disposait au début de 33 boutons pour signifier l’âge auquel décéda le Christ. La robe de l’Ancien Régime (à droite sur la photo) a laissé la place à la robe actuelle (au centre). L’Artisan Costumier en livre une version “camouflage” très surprenante, datant de 2013 (à gauche sur la photo).

Des robes d'avocat © Virginie Moreau
Des robes d’avocat © Virginie Moreau

Des photographies témoignages d’une profession

Le photographe François Barrère,L’Œil du Palais”, a immortalisé des avocats du barreau de Montpellier dans l’exercice de leur fonction, à la barre, attendant le verdict, entre confrères… Ses clichés en noir et blanc où l’humain transparaît sous la robe figurent sur un pan de mur entier. On y reconnaît le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, les bâtonniers Jacques Martin et Gérard Christol, des avocats (Me Florine Datessen, Me Jean-Marc Darrigade, Me Cyril Malgras), la vice-bâtonnière Iris Christol, des moments clés comme la présentation de l’arme d’un crime, ainsi que des suspects innocentés ou relâchés, qui font toute la grandeur et le sens de ce beau métier…

© François Barrère
© François Barrère

La difficile intégration des femmes dans la profession

Un peu d’histoire maintenant… La difficile intégration des femmes dans la profession fait l’objet d’un grand panneau en triptyque, complété par des caricatures et articles de presse. On ignore souvent que les premières avocates ont eu besoin de l’accord écrit de leur époux pour exercer leur profession.

Les arguments misogynes des opposants à la féminisation de la profession étaient, pêle-mêle, les difficultés prétendues qu’auraient les femmes à convaincre autrement qu’avec leurs atouts physiques, ou encore la désertion du foyer familial… Face à de tels arguments, les femmes ont préféré les détourner dans des caricatures elles aussi outrancières, ripostant à leur manière aux critiques.

iris christol
iris christol

Iris Christol, future vice-bâtonnière du barreau de Montpellier à compter de janvier 2023 (photo ci-dessus), rappelle que de nos jours, la profession d’avocat s’est largement féminisée, et que de tels débats sur la place de l’avocate n’ont plus cours.

L’avocat et le barreau de Montpellier en temps de guerre

Douze avocats inscrits au barreau de Montpellier périrent durant la Première Guerre mondiale, nous apprend un panneau. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs avocats montpelliérains, comme Chardonneau ou Zuccarelli, furent incarcérés pour avoir défendu des résistants. Et, paradoxalement, à la Libération, le cabinet du même Chardonneau fit l’objet d’un attentat à la bombe pour avoir défendu des collaborateurs.

On retient surtout de cette Seconde Guerre mondiale la bravoure du barreau de Montpellier, qui accepta d’inscrire en son sein des avocats juifs, alors même que d’autres barreaux refusaient leur inscription… Un registre du Conseil de l’Ordre des Avocats de Montpellier, exposé en vitrine, en témoigne.

actes
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L’intérêt pour la chose publique

On apprend en visitant l’exposition que de nombreux avocats se sont engagés au service des citoyens en participant à la vie démocratique, aux niveaux local et national. Entre 1880 et 1914, l’Assemblée nationale comportait entre 25 et 40 % d’avocats, et il y avait 35 % de ministres avocats sous la IIIe République (la République des Avocats). Le barreau de Montpellier a également connu des avocats investis en politique.

Les grands procès

L’exposition retrace quelques-uns des grands procès qui sont restés dans l’histoire. Dont celui de Patrick Henry, meurtrier du petit Philippe Bertrand, âgé de seulement 7 ans. Une vidéo rejoue la fameuse plaidoirie de Robert Badinter en 1977 contre la peine de mort, relayée par des articles de presse de l’époque. Elle remémore également le procès de Bobigny, où Gisèle Halimi plaida, en 1972, en faveur du droit à disposer de son corps et d’avorter.

Les grands procès © Virginie Moreau
Les grands procès © Virginie Moreau

L’art passe parfois devant le tribunal, et mérite d’être défendu… Les procès de Charles Baudelaire, auteur du recueil poétique Les Fleurs du Mal, en 1857, pour atteinte à la morale publique et aux bonnes mœurs, et du chanteur Orelsan en 2016 pour incitation à la violence envers les femmes questionnent les limites de la liberté d’expression…

Quand l’art se saisit de l’avocat

Au fil des siècles, la figure de l’avocat s’est inscrite dans les croquis d’audience, les portraits d’avocats célèbres ainsi qu’au cinéma. L’exposition en montre de nombreux exemples. Depuis Accusé levez-vous en passant par L’Affaire Dreyfus, Préméditation d’après un roman de Frédéric Dard, Pourquoi viens-tu si tard avec Michèle Morgan ou Abus de confiance avec Danielle Darrieux…

cinema
cinema

Une exposition fort instructive…

Informations pratiques

L’exposition “L’avocat dans la cité” est visible jusqu’au 22 janvier 2023.
Espace Bagouet – esplanade Charles-de-Gaulle – Montpellier.
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h, fermé les lundis, et les 25 décembre et 1er janvier.

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