Montpellier, football : "On a souffert mais le dénouement est bon", souffle Laurent Nicollin
Une saison en demi-teinte après une année noire, les Orange et bleus en ont vu de toutes les couleurs ces derniers mois. Deux entraîneurs remerciés, des semaines en zone rouge… Puis le retour du coach Der Zakarian en février dernier et le MHSC qui relève la tête pour terminer à la 12e place du classement. Ouf ! Interview en toute détente avec son président, Laurent Nicollin.
Vous revenez de loin. Quel bilan faites-vous de la saison ?
Quel bilan ? On fait une saison de plus en Ligue 1. Et malgré une saison compliquée, une année 2022 compliquée, on a su relever la tête et se maintenir. Enfin, on n’a jamais été en position de relégable toute la saison, on a jamais eu le “couperet 2” mais bon, on a souffert et le dénouement est bon.
Vous avez été une des équipes les plus performantes de la deuxième partie de saison. A quoi ça tient, Ça, c’est le retour de Der Zakarian au poste d’entraîneur qui a fait la différence ?
J’en sais rien. Au football, malheureusement, il n’y a pas de vérité, sinon, tout le monde appliquerait la méthode et tout le monde serait premier. Après, il y a eu le retour du coach, le non recrutement qui a été fait par la cellule en janvier avec l’arrivée de Lecomte, Kouyaté et Sylla, puis la sauce a pris. Et puis je pense que l’ on avait quand même un groupe de qualité dès le départ et le coach a su tirer le maximum de chacun pour avoir de meilleurs résultats.
Vous avez dit : “J’ai commis des erreurs.” Le reconnaître, c’est déjà avancer. Quelles ont été ces erreurs?
Comme j’ai déjà dit, si tu changes trois fois d’entraîneur dans l’année, c’est qu’il y a des choses qui n’ont pas été faites correctement, c’est que quelque part j’ai pas dû être bien bon. Le tout est de savoir les corriger et avoir des résultats qui permettent au club de rester en Ligue 1.
Et dans les moments critiques comme ceux que vous avez traversés, comment faites vous pour prendre une décision ? Vous vous appuyez sur une équipe restreinte d’hommes de confiance?
Oui, mais parfois, quand tu es patron, tu es livré à toi-même. Il y a quelques personnes avec qui j’échange, notamment Philippe Peybernès, mon DGS au club, et, pour le côté sportif, Michel Mézy et Bruno Carotti, mais après le choix me revient. Tu te retrouves parfois seul face à toi même et c’est à toi de prendre les décisions en fonction de ce que tu ressens, de ce que tu sens, que tu sais et ce à quoi tu aspires. J’ai rien inventé, mais à un moment donné, tu dois prendre des décisions.
Vous dites souvent que Montpellier est un club atypique. En quoi c’est un club à part ? Qu’est ce qui fait sa particularité?
Déjà, c’est un club qui a été créé par le même groupe, entre guillemets, par Louis Nicollin en 1974. Je pense qu’actuellement, c’est l’un des rares clubs à appartenir à 100 %, enfin à 99 %, à une même famille. On n’a pas de fonds qataris, saoudiens, américains, anglais ou indiens. Puis on est un club jeune qui fonctionne avec beaucoup d’anciens où, au quotidien, on a la chance de rencontrer des joueurs qui ont porté les couleurs du club. Ce n’est pas le mieux du mieux du football, ce n’est pas non plus le pire du pire du football. C’est un système qui est comme ça, qui a le système du Montpellier Hérault et on en est ravis et heureux et tant que nous serons là, mon frère et moi, mais nous continuerons à faire ce système là.
Allez-vous pouvoir tenir longtemps ainsi, dans le football mondialisé, face à la pression des autres clubs ?
Je ne sais pas, je ne me pose pas la question, on verra demain. Chaque matin, on se lève avec l’envie d’essayer de faire des belles choses avec le club que l’on a. Mais effectivement, plus ça va aller, plus ça va être compliqué financièrement. C’est pour ça qu’on a le souhait d’avoir un nouvel outil avec le nouveau stade pour avoir plus de moyens financiers. Est-ce qu’on va y arriver ? Je ne sais pas. Tant qu’on arrivera à avancer et à prendre du plaisir, on continuera, le jour où on prendra moins de plaisir – ce qui arrive de plus en plus parce que maintenant ce ne sont que des gros groupes qui rachètent des clubs en Espagne, en Italie, en Belgique ou à Pétaouchnok – on entre dans une évolution du football qui est peut être pas mon sacro saint à moi, celui dans lequel j’ai grandi. Tant que j’arrive à m’y adapter, on continuera, quand on sera en total décalage avec mon frère, on arrêtera.
C’est ce que vous parvenez à faire aujourd’hui. Vous dites qu’au football, il n’y a pas de vérité, ça tient à la gestion humaine. C’est ce que vous faites dans votre club?
Oui, mais même dans la gestion humaine il n’y a pas de vérité. L’humain, c’est le plus qu’on essaye d’apporter, mais on essaie d’être structuré, d’avoir des moyens financiers le plus possible pour pouvoir recruter les meilleurs joueurs et avancer. La gestion humaine, c’est le petit plus qui fait qu’un club quelconque devienne un club un peu plus ambitieux et avec des résultats. Je ne sais pas si c’est la quintessence des choses, mais c’est notre fonctionnement. On essaie de fonctionner comme ça parce que si c’est pour aller côtoyer des gens au travail et où il n’y a pas de rapports humains, ça ne sert à rien.
On vous reproche souvent votre “consanguinité”, comment l’expliquez-vous ?
On est en Ligue 1. Après que ça fasse chier certains qu’on soit toujours en Ligue 1 et qu’on soit une anomalie dans le monde du football français, ou le monde européen peut être, on est là, bien là et j’espère qu’on sera encore là pour pour quelques années pour emmerder ceux qui pense que notre “consanguinité” n’est pas adaptable dans le monde du football de haut niveau. Pour nous, c’est notre système, qui nous correspond et qui nous fait avancer. Je ne dis pas que c’est le mieux, je ne dis pas que c’est super non plus, mais ce n’est pas non plus quelque chose de traumatique. Et on continuera dans ce sens, dans ce système là, parce que c’est comme ça que l’on s’y retrouve, et c’est comme ça, je pense, qu’on pourra avoir les meilleurs résultats possibles.
Vous parliez du nouveau stade. Où en est le projet ?
Il avance, il avance. On communiquera au moment où il faudra communiquer. Pour l’instant, tout n’est pas encore ficelé.
La bourde de la ministre des Sports a-t-elle eu des conséquences ?
Pour moi, le terme bourde est un peu fort, ça a plutôt grincé des dents chez moi, dans mon service de communication. Moi, personnellement, ça va très bien, ça ne me gène pas. Si la ministre l’a publié, ça prouve que le projet lui a plu et qu’elle va suivre ça avec attention. C’est toujours valorisant qu’une ministre des Sports mette en avant ton projet. Alors, c’était peut-être pas le bon timing parce qu’on a pas tout ficelé, mais ça ne m’a pas du tout dérangé, bien au contraire.
“La Lettre M” a écrit que le projet était passé de 150 millions à 250 millions d’euros. Vous confirmez ?
Ce n’est pas 150 millions, il était déjà à 200 ou 210, et il passe à 253 millions.
Vous avez dit que le stade allait générer d’autres recettes pour justement avoir plus de moyens. Comment ce nouvel équipement va vous permettre cela ?
Déjà, je pense qu’on aura beaucoup plus de monde au nouveau stade qu’à la Paillade. On aura des loges plus adaptées, des espaces de convivialité où l’on pourra faire des séminaires. On va faire plein de choses que l’on ne peut pas faire actuellement dans le stade qui n’est pas à nous. On ne peut rien faire là bas. Cela va nous amener beaucoup plus de moyens financiers. On ne va pas gagner des centaines de millions d’euros mais si on arrive à gagner entre 10 et 20 millions d’euros de plus par an, ça sera toujours ça à réinjecter dans les joueurs, dans le club et avoir une équipe plus performante.
Pour Elye Wahi, qui vient de remporter le trophée du plus beau but de Ligue 1, Der Zak estime son transfert, au minimum, “entre 25 et 30 millions d’euros”… Qu’en pensez-vous ?
Je n’en sais rien. Le coach est là pour coacher et moi je suis là pour vendre des joueurs. Chacun son truc. On verra ça en fonction et vous saurez le montant si un jour il est vendu.
C’est un joueur qui, en tout cas, est appelé à une destinée dans d’autres clubs, à l’étranger…
Je lui souhaite d’aller dans un top club après nous et continuer à progresser, à grandir et à marquer des buts. C’est un gamin plein de talents, très attachant. On a été très heureux de l’avoir récupéré à quinze ans et qu’il ait poursuivi sa formation à Montpellier. Malheureusement, c’est le sens de l’histoire que nos jeunes joueurs soient appelés à évoluer ailleurs, c’est normal. Pour l’instant il est montpelliérain, j’espère qu’il va marquer samedi [le 3 juin, il a effectivement inscrit deux buts contre Reims] et qu’il va quitter le club si, bien sûr, nous y avons, nous et lui, de l’intérêt, il n’y a pas de souci. Pour l’instant, on a le temps, le mercato n’est pas encore ouvert [il commence le 10 juin].
Vous parlez du centre de formation, vous vous investissez aussi beaucoup dans les équipes et la ligue féminine. Où en est votre projet de centre de formation à Montpellier ?
On attend le retour de la fédé, si il est approuvé, il sera effectif au 1ᵉʳ juillet. On est six clubs français à avoir postulé pour avoir un centre de formation : Lyon, Paris, Bordeaux, Fleury [91] et le Paris FC. On a encore beaucoup de paramètres à mettre en place, notamment les contrats. Enfin, ça bouge ! La fédé a mis beaucoup de temps à prendre conscience que le football féminin français allait prendre beaucoup de retard par rapport aux championnats anglais et espagnol. Mais bon, alléluia ! Enfin, il y a eu des décisions et ça bouge un peu. On a plus avancé en six mois, grâce à Jean-Michel Aulas qui a pris ça de main de maître à la fédé, que ce qu’on a pu faire depuis dix ans. Elles méritent d’avoir un championnat de plus haut niveau, elles méritent d’être plus valorisées plus. Mais bon, il y a beaucoup de paramètres à mettre en place pour les filles. Cela passe par les centres de formation comme pour les garçons, mais il faut structurer tout ça. Après cela n’empêche pas qu’on a depuis des années, dans chaque catégorie de jeunes, des équipes de filles. On essaye d’être performant autant avec les garçons qu’avec les filles. Cela va faire passer un cap d’avoir un centre de formation. Je pense que c’est un plus pour les filles, pour le futur et pour le Montpellier Hérault.
Dernier point, vous avez lancé votre fonds de dotation Espoir Orange et Rêve bleu. En quoi cela consiste exactement ? C’est vous qui le présidez ?
Oui, mais c’est pas moi qui le gère. On voulait faire une fondation mais c’est très lourd à mettre en place donc on a fait notre fonds de dotation. Ça permet d’être, comme on l’a toujours fait, un club présent dans sa ville, dans son département et dans sa région. On essaye d’aider les gens en difficulté et montrer que les footballeurs ou les footballeuses sont autant aptes que d’autres sportifs ou d’autres personnalités pour aider les gens.Cela permet diverses choses envers les hôpitaux ou les SDF, par exemple. C’est le petit côté social que l’on peut apporter et on espère que les gens sont encore plus touchés quand ça vient du monde du football. Parce que les gens pensent parfois qu’il est inaccessible, avec beaucoup d’argent et des gens qui ne regardent pas la société. Le fonds nous permet, justement, d’avoir les pieds sur terre et d’aider les gens en difficulté. C’est le minimum syndical que le club peut faire.