Portrait de l'Hérault : Hervé André-Benoit, le père du FISE, nous raconte ses débuts
Mercredi 8 mai 2024, lancement de la 27e édition du FISE. En coulisses, Hervé André-Benoit, son créateur, a accepté de nous raconter cette folle aventure, née sur les bancs de l’école.
Comment votre passion pour la glisse a-t-elle muté en projet professionnel ?
Hervé André-Benoit : Je dirais que l’histoire du FISE commence à la fin des années 70, début des années 80, lorsque je me suis lancé dans le BMX alors que j’habitais en région parisienne. Ma passion pour ces sports m’a amené à déménager à Montpellier en 1986, où je me suis complètement investi dans la planche à voile. Depuis lors, j’ai toujours nourri au fond de moi le désir d’être entrepreneur, indépendant, et de créer un projet. Cette opportunité s’est présentée alors que j’étais à Sup de Co Montpellier, aujourd’hui Montpellier Business School, où un dossier exigé en 2e année a été le point de départ de cette histoire.
Tout est allé très vite…
H.A-B : Dès ma première année à Sup de Co, j’avais fondé une association de planche à voile et lorsqu’en deuxième année, avec trois amis de l’école, nous avons eu l’opportunité de créer un projet sur une année entière, tout s’est accéléré. À l’époque, un partenariat était établi entre la Fédération Française de Planche à Voile et l’école pour faciliter l’accès des sportifs de haut niveau à l’éducation. Cette passion pour les sports et l’envie de créer un événement où je pourrais moi-même concourir en tant que rider ont été à l’origine du concept du FISE. Nous étions déjà ambitieux, un peu fou, et ça nous a conduit à concrétiser notre projet événementiel à Palavas-les-Flots, grâce au soutien de la fille du maire de Palavas, M. Jean-Jean, qui était également étudiante à l’école.
Comment s’est déroulée la 1re édition de “FISE” ?
H.A-B : Le week-end de Pâques 1997 a marqué le lancement du FISE avec une affluence exceptionnelle de 25 000 personnes dès la première édition. Ce succès initial s’est en partie attribué aux conditions météorologiques, mais également à l’engouement des gens pour les activités de plein air en bord de plage. La première édition a accueilli des figures emblématiques telles que Robby Naish, Parks Bonifay, et Alex Jumelin, qui ont contribué à sa renommée. Avec le soutien des Mexicos, un crew parisien de BMX, nous avons aussi réussi à mobiliser la communauté BMX.
Un bilan qui a été obscurci par quelques difficultés…
H.A-B : Effectivement, malgré le succès considérable en termes de fréquentation, l’événement était difficile financièrement. Quelques petites erreurs se sont glissées, et une partie importante de mes prévisions de recettes ne s’est pas concrétisée, laissant un déficit de 100 000 francs à la fin. Pour un étudiant, cela représentait la somme considérable de 15 000 euros. J’ai dû faire face à un conseil de discipline et à une situation financière difficile. Mes amis impliqués dans le projet ont décidé de me laisser gérer la situation, même si l’un d’entre eux m’a apporté un soutien financier. Mon premier partenaire a été mon père, qui m’a aidé à contracter un prêt pour rembourser mes dettes et lancer ma société.
De quelle manière avez-vous préparé la suite ?
H.A-B : Dès septembre 1997, j’ai demandé une année sabbatique pour me consacrer entièrement à cette nouvelle entreprise. Je me suis retrouvé dans ma chambre chez mes parents, avec un fax, un téléphone, et beaucoup de détermination. J’ai embauché une stagiaire qui m’a épaulé, et nous avons passé dix mois à chercher des sponsors, en participant notamment à des salons pour faire connaître notre événement. Suite à la réussite de la première édition, j’ai obtenu le soutien d’Orangina, Playstation et Adidas pour la deuxième année. Avec plus de moyens, nous avons pu organiser un événement encore plus grandiose tout en maintenant l’accès gratuit. Et c’est ainsi que l’histoire du FISE a vraiment été lancée. Etape suivante : le déménagement à Montpellier.
Pourquoi avez-vous choisi de déplacer le FISE ?
H.A-B : Parce que à Palavas tout était bloqué, principalement pour des raisons de sécurité. Nous avions mis en place des plans d’évacuation par bateau en cas de problème, ainsi qu’un héliport. Sans compter que Palavas n’est pas à proximité de la gare. C’était devenu trop compliqué. Notre chance est que Georges Freche, alors maire de Montpellier, nous avait remarqué. Il nous a ouvert les portes du domaine de Grammont, où on a pu faire tout ce qu’on voulait. Nous avons réalisé des infrastructures impressionnantes, notamment en wakeboard, avec la création de trois piscines de longueur olympique, chacune équipée d’un système de treuils, pour former ce qu’on appele un “pool gap”. Nous avons également développé le snowboard avec Mathieu Crepel, en récupérant de la glace de la patinoire que nous avons transportée dans des camions réfrigérés. Nous avons aussi créé une aire impressionnante pour le freestyle motocross. C’était une époque folle, dont on garde tous des souvenirs forts, mais ça ne pouvait pas durer. Déjà, le calendrier a poussé le FISE de mars à juin et les chaleurs n’étaient pas supportables. En plus, c’était devenu trop “Woodstock”, un festival pour les riders puristes. Nous avons perdu les familles, alors qu’une de mes premières motivations est de populariser nos sports. La mission qu’on s’est donné avec l’équipe est de rendre nos disciplines accessibles à tous, nous devons les ancrer comme des sports du XXIe siècle et non des phénomènes. Ainsi, bien que Grammont ait été une étape importante, nous avons décidé de chercher un autre terrain.
C’est ainsi qu’en 2006, vous êtes arrivés sur les berges du Lez…
H.A-B : Georges Frêche était là encore un visionnaire, et il nous a permis de nous installer sur les berges du Lez, un espace qui n’avait jamais été utilisé pour des événements et qui avait pour grande qualités d’avoir deux kilomètres de tribunes à disposition. La première édition que nous avons organiser là-bas s’est déroulée avec le “mindset” de Grammont et on a éprouvé les riverains je le reconnais. Dès la 2e année, nous avons lancé des réunions avec eux afin de mieux se coordonner, dans le respect mutuel. Rapidement, nous avons vu les familles et les poussettes revenir, ainsi que les grands-parents. Une anecdote qui me fait toujours sourire est que, un des soirs du FISE, Montpellier était en alerte car deux seniors n’étaient pas rentrés à la maison de retraite. En fait ils avaient passé la journée, puis la soirée, au FISE, avec nous, et se régalaient.
Comment avez-vous fait évoluer l’événement avec les années ?
H.A-B : L’événement s’est d’abord développé avec l’apparition de disciplines comme la trottinette, le mountain bike, le parkour, le breakdance. Car le FISE est aussi un incubateur, il donne l’occasion de donner une chance aux disciplines. Le gros exemple, c’est la trottinette, pour laquelle j’ai organisé le premier événement international multi-sports. Mais à l’époque, la trottinette était mal vue pour les riders. Alors que moi, je leur disais : “La trottinette, c’est à partir de 3 ans. Il vaut mieux qu’ils roulent sur une trottinette que de taper dans un ballon de foot, car comme ça qu’ils entrent dans notre univers.”
Il y a une dizaine d’années, on a aussi développé ce qu’on appelait le Girl Contest, parce que c’était vraiment masculin comme discipline à l’époque. On a vraiment poussé la discipline féminine, car nos sports ne sont pas réservés aux hommes, au contraire. Les filles ont leurs spécificités, leurs styles et ça pousse la discipline à la réflexion, car elles ont des orientations différentes. C’est cette complémentarité qui fait que dans chaque discipline, il y a vraiment une parité recherchée. On voit de plus en plus de filles sur les parcs et c’est une fierté de se dire qu’on y a contribué à notre échelle.
Il y a 10 ans, vous avez également entamé le dialogue avec les fédérations…
H.A-B : On s’est aperçu qu’il y avait un plafond qui se créait, qu’on n’arrivait à médiatiser et à trouver des sponsors jusqu’à une certaine limite. Donc on s’est adressé aux fédérations internationales et en parallèle, en 2014, nous avons développé un circuit mondial, le FISE World Series. On a eu des étapes à Andorre, au Canada, aux États-Unis, en Malaisie, en Chine, au Japon… Au fil de nos voyages, on propose aux fédérations de valider ces étapes aux Coupes du Monde afin d’attirer ensuite les Comités Olympiques. Et en 2018, un Comité Olympique est venu chez nous étudier le BMX. Malgré les gros soucis financiers de Tokyo 2020, il est séduit et décide de rentrer la discipline à Tokyo. A partir de là, nos passions ont intégré le mouvement olympique, portés par une dynamique différente. Il a fallu rassurer nos passionnés, leur dire qu’on allait pouvoir arder notre ADN tout en respectant les codes et ne pas dénaturer nos sports.
Le dernier virage a eu lieu cette année, avec la fin de la gratuité du FISE. Quel a été l’impact jusqu’à présent ?
H.A-B : Nos difficultés économiques nous empêchaient toute évolution, mais ce nouveau souffle va donner un autre élan. Nous sommes à peu près 10% en dessous du niveau de la billetterie par rapport aux inscriptions lorsque c’était gratuit. Et nous sommes sur un événement qui n’a pas de jauge limitée, donc la météo va jouer un rôle important ces prochains jours. Ce changement a aussi nécessité une modification de notre stratégie car avec un événement payant, il faut investir massivement en amont dans la communication. Ces dernières années, faute de budget et surtout en raison de la notoriété du festival, nous ne cherchions pas à attirer de nouveaux participants, donc nous n’avions plus de budget de communication. Nous avons donc réinvesti ce terrain, surtout sur les réseaux sociaux. C’est un événement que les Montpelliérains ont vu grandir et qui leur appartient, à nous de leur montrer ce que leurs participations financières peuvent apporter beaucoup.