Expositions — Montpellier

Montpellier : JonOne : “Ma signature, c’est toute une histoire”

La légende du graffiti JonOne pose sa griffe sur le musée d’art urbain et contemporain Parcelle473 pour une exposition inédite baptisée “New style, new vibes” du 5 juin au 13 octobre 2024.

L’artiste mondialement célèbre investit le musée Parcelle473 avec “New style, new vibes” pour laquelle il a créé des œuvres inédites. Figure du graffiti, JonOne, John Perello de son vrai nom, est né à Harlem en 1963. Il s’est fait connaître en recouvrant illégalement le métro new-yorkais de sa signature avant de l’imposer peu à peu dans le monde plus conventionnel des galeries d’art à partir de son installation à Paris, en 1987. Explorant les principes de l’action painting et de l’expressionnisme abstrait, il sature aujourd’hui ses toiles de cette signature qui a fait son nom. Un tag de rue devenu une référence de musée.


L’expo s’appelle New Style, New Vibes. C’est quoi, votre “new style” ?

C’est plus léger, mais en même temps, c’est rugged [rude], c’est strict, ça vient de loin, parce que ce sont des œuvres qui sont inspirées par mes voyages en Chine, au Brésil, dans le monde entier. C’est ce que j’essaie d’exprimer dans cette exposition, toutes ces odeurs, ces couleurs.

Comment définissez-vous votre travail ?

Dynamique, énergique, coloré, vivant, joyeux, mouvementé, moderne, jeune, frais, ouvert à différents publics. Ce n’est pas que du street-art, parce qu’il y a des gens très jeunes et très vieux dans mon public, il est très diversifié. Je pense que c’est un travail universel.

Oeuvre de JonOne © CD
Oeuvre de JonOne © CD

Qu’est-ce qui guide la composition de vos œuvres ?

Je pense que c’est mon style de vie, ma manière de vivre, comment je vois les choses. C’est amener quelque chose de différent, une nouvelle vision du monde. J’ai de la magie dans la main et la liberté pour m’exprimer. C’est ça le moteur.

Qu’est-ce qu’il reste du graffiti dans vos toiles ? Qu’est-ce qu’il reste de la rue ?

Le graffiti, pour moi, ce fut une école, une des meilleures écoles, l’école de la vie. Tu dois passer par la rue pour apprendre des choses que les écoles ne t’apprennent pas. Ce sont mes racines mais je vis avec mon temps. Je ne suis pas un artiste daté mais je m’exprime d’une manière très abstraite. Je travaille avec les lettrages, un travail lyrique et égoïste parce que j’écris mon nom, JonOne, non-stop. Tu ne peux pas être plus égoïste que ça. C’est presque mégalo mais ma signature, ça représente beaucoup. C’est toute une histoire, tout un univers, un monde qui a traversé beaucoup d’époques : New York, la période d’Afrika Bambaataa [DJ légendaire, l’un des créateurs du mouvement hip-hop et fondateur de la Zulu Nation], Harlem, mes parents immigrés, très modestes. Je viens d’un quartier où il n’y avait rien, rien, rien. Il n’y avait pas de musée, ni de galeries. C’est comme si tu étais né dans un élévateur au dixième sous-sol et que tu devais grimper l’échelle de la réussite de tout en bas pour arriver sur terre. C’est ça mon histoire. Cette bataille.

Quand vous avez commencé à taguer dans le métro de New York, qu’est-ce qui vous motivait ? Braver l’interdit ? Déposer votre signature ? Laisser votre trace dans la ville ?

Pour moi c’était comme une galerie à ciel ouvert. Je ne faisais pas ça dans un acte de rébellion contre la société mais dans une guerre contre moi-même. C’est quoi le meilleur moyen de te faire connaître ? Faire des choses dans la rue. Je suis devenu une célébrité de la rue .

Vous êtes l’un des dinosaures du mouvement graffiti. Quel regard vous portez sur lui aujourd’hui, 50-60 ans après sa naissance ?

C’est devenu tout et n’importe quoi. Il y a de bons artistes et des gens qui profitent. Mais l’important c’est que nous sommes toujours là. Moi je suis toujours là. Je suis très reconnaissant de tout ce qui se passe. Il y a beaucoup plus de gens qui s’intéressent à ça et un artiste ne peut pas se construire tout seul. Impossible. Il a besoin de gens pour le faire grandir.

Oeuvre de JonOne © CD
Oeuvre de JonOne © CD

Vous collaborez beaucoup avec de grandes marques. Quelle est la démarche ? Est-ce purement commercial ou voulez-vous, par ce biais, diffuser votre art autrement ?

Une collaboration, c’est une opportunité de sortir de son atelier et de découvrir un autre public. Une collaboration, c’est vraiment ce mot-là. Tu fais un petit peu, la personne fait un petit peu, et tout le monde essaie de se trouver dans le milieu. Mon intérêt, c’est d’élargir les gens qui connaissent mon travail. Normalement, j’aime bien travailler avec des marques qui ont un rapport avec l’art et l’artisanat. Il y a un amour derrière. Par exemple, je ne ferai jamais un show avec Coca-Cola ou McDonald’s, ça ne m’intéresse pas. J’ai travaillé une fois avec le supermarché Leclerc, j’ai fait des sacs [réutilisables]. J’ai été beaucoup critiqué pour ça alors que j’ai fait ça gratuitement, tout l’argent est allé à la fondation Abbé-Pierre.

Vous avez d’ailleurs réalisé un portrait en hommage à l’Abbé Pierre à Paris, en 2015…

J’ai toujours été sensible à la question des sans-abris, parce que d’où je viens, il n’y avait pas de futur. Mon seul futur, c’était prisonnier, drogué, sans-abri. C’était ça, mon avenir. Et j’ai eu le miracle, je ne sais pas comment, de devenir un artiste alors que cela me paraissait tellement loin.

Ça n’était pas concevable dans votre univers ?

C’était des intellectuels, des riches, des gens comme ça. Alors que cet art de la rue, ça m’a parlé. C’est une chose que je pouvais comprendre. Mais ces gens-là, ils n’arrivaient pas, et n’arrivent toujours pas aujourd’hui, à comprendre notre art. Ils nous posent toujours la question : est-ce que ton travail mérite d’être dans un musée ? Il y a des questions stupides. Parce qu’ils ne veulent pas partager les gâteaux, c’est un milieu fermé. Mais nous, nous arrivons à créer notre propre réseau, notre propre fondation. C’est ça qui est beau dans notre histoire : le self-made.

Montage de l'exposition © CD
Montage de l’exposition © CD
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