Montpellier : la capitaine Marion Torrent se livre sur sa carrière au MHSC
Capitaine du Montpellier Hérault Sport Club, défenseuse emblématique du club et latérale droite de l’équipe de France, Marion Torrent a chaussé les crampons dès le plus jeune âge. Rencontre.
Comment est né votre amour du ballon rond ?
Marion Torrent : “Je suis issue d’une famille qui aime le ballon. Mon père joue au football, mon grand frère a pratiqué à un certain niveau. Je m’y suis mise par curiosité. C’est un sport qui permet de se défouler, de courir, d’être dans la nature… des choses qui me correspondaient. Je pense que la victoire de l’équipe de France en 1998 a aussi marqué mon esprit”.
Quand êtes-vous arrivée dans votre premier club ?
Marion Torrent : “Mes parents ont décidé de quitter Châlons-en-Champagne lorsque j’avais 3 ans et nous avons emménagé dans le sud de la France, entre Aix-en-Provence et Marseille. J’ai rapidement chaussé les crampons pour rejoindre l’équipe masculine du club de Luynes. Ce club était assez réputé et de nombreux recruteurs venaient régulièrement observer le jeu des garçons. À l’époque, l’Olympique de Marseille ne recrutait pas de filles, car les places en formation étaient limitées et ils préféraient privilégier les garçons. C’est une décision que je peux concevoir, car on sait très bien qu’une fille ne pourra pas jouer au niveau professionnel. La situation ne me dérangeait pas, parce que j’étais dans un club bien classé, que l’équipe participait à des compétitions importantes et que les joueurs arrivaient à s’imposer sur les terrains”.
Rapidement, le MHSC vous a ouvert ses portes…
Marion Torrent : “Les recruteurs venus pour les garçons m’ont vu jouer et ils ont passé le mot au recruteur de l’équipe féminine de Montpellier. J’ai fait deux ou trois entraînements au Domaine de Grammont afin de montrer mes aptitudes. Un dialogue a vite débuté entre ma famille et les entraîneurs, avec l’idée que j’intègre le centre de formation des filles et la section sport-études. J’avais 12 ans et il fallait que l’école suive, c’était essentiel pour mes parents. Engagée auprès du club, je suis rapidement arrivée dans des familles d’accueil pour poursuivre la formation. C’était assez difficile, mais la situation a changé quand je suis arrivée au lycée Jean-Mermoz. C’est un établissement très tourné vers le sport et l’ambiance de l’internat était bon enfant. À 17 ans, j’ai eu la chance de disputer mes premiers matchs de Ligue des Champions. Mes bonnes performances m’ont permis de signer un contrat sportif avec le MHSC. Cette stabilité m’a permis de prendre mon premier appartement et de gagner en indépendance. Après le bac, j’ai pu continuer le football dans les meilleures conditions”.
Quel est votre plus beau souvenir de match ?
Marion Torrent : “Il y en a deux qui me viennent immédiatement en tête. Le premier est un match que nous avons joué contre le Bayern de Munich, au stade de la Mosson. Nous étions dans le stade des professionnels, avec des tribunes remplies de monde. C’était très impressionnant ! Je me souviens être sortie de cours et m’être dit : ‘ce soir, je vais jouer un match de Ligue des champions contre le Bayern en étant titulaire en défense centrale’. C’était stressant, intense, mais j’étais ravie. Ma famille et mes copains du lycée étaient venus m’encourager ce jour-là. Le fait qu’on ait gagné et mes bonnes performances étaient la cerise sur le gâteau ! Mon second souvenir marquant est lié à mon premier match en Coupe du Monde. L’engouement du public était exceptionnel ! Les joueuses n’entendaient plus rien sur le terrain”.
Et votre pire souvenir ?
Marion Torrent : “La Coupe du Monde, une fois de plus. Celui qui me vient en tête est le match qui nous a opposées aux Etats-Unis. L’émotion nous a dominées et nous avons perdu le mental, puis le match. C’était une vraie punition. Il faut se méfier, car l’adrénaline est un booster, mais il faut savoir la doser. C’est ce qui est difficile quand on est jeune, il ne faut pas se laisser déborder par les émotions”.
Comment abordez-vous la responsabilité de capitaine ?
Marion Torrent : “Le brassard, je l’accepte et j’essaie de l’honorer du mieux que je peux. Le rôle de capitaine s’accompagne de responsabilités, mais ce n’est pas un bout de tissu qui va donner l’autorité ou le niveau d’exigence à fournir. Il s’agit de valeurs, d’envie. Quand je n’étais pas capitaine, je m’investissais, j’échangeais avec l’équipe et c’est une attitude que j’ai conservée. Le brassard m’a donné une légitimité supplémentaire, mais ce n’est pas une dictature. Tout le monde a son mot à dire, le droit de s’exprimer librement, parce que nous sommes un collectif. Sur le terrain, tous les avis comptent, que les joueuses aient 18 ou 30 ans. Il n’y a que comme ça que l’on avance”.
Enfant, vous rêviez-vous capitaine ?
Marion Torrent : “Je n’y pensais pas, mais je me souviens que l’on me disait ‘si ça se trouve, tu auras le brassard quand tu seras plus grande…’ quand j’étais encore très jeune. On y est. Ma fierté est d’avoir grandi au sein de mon club. Au cours de ma carrière, j’ai porté le brassard de capitaine, joué pour l’équipe de France, gagné des titres… J’ai coché de nombreuses cases”.
En 2022, vous avez décidé de prolonger votre contrat avec le club jusqu’en 2026. Qu’est-ce qui motive cet engagement dans la durée ?
Marion Torrent : “On me fait confiance. Quand on fait de bonnes performances, on fait appel à nous. Depuis quelques années, nous avons des difficultés à retoucher la qualification en Ligue des champions et à impressionner lors de la Coupe de France, mais le travail continue et faire partie de cette équipe est toujours gratifiant. Il y a eu une période où des clubs étrangers souhaitaient que j’intègre leurs rangs, mais j’ai refusé car le coach du MHSC venait de changer. Des joueuses étaient parties de l’équipe et le club n’arrivait pas à performer. Je ne voulais pas mettre un couteau dans le dos d’un club qui me tient à cœur. Il faut savoir donner quand on a reçu. Je compte bien poursuivre cet engagement au-delà de l’équipe.”
Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?
Marion Torrent : “Que tout se passe bien, tout simplement ! C’est une chance de gagner de l’argent grâce à ma passion, j’en suis consciente, et c’est encore plus magnifique d’avoir une carrière qui dure. Cela fait déjà dix-sept ans que je chausse les crampons pour Montpellier et avec l’extension signée l’an dernier, je vais dépasser les vingt années actives dans le club.
Je me projette aujourd’hui vers l’avenir. Mon projet est de devenir coach sportive. Je me suis formée dans ce sens. Cela me permettrait de rester dans le domaine du sport. Lors de la signature de mon contrat l’an dernier, nous avons discuté de mon avenir et de la possibilité de continuer avec le MHSC, de l’autre côté du terrain. J’espère que cela se concrétisera et que je pourrai mettre ma petite pierre à l’édifice pour gagner des compétitions.”
Quels conseils avez-vous envie de partager avec les filles qui se rêvent footballeuses ?
Marion Torrent : “Je leur souhaite d’avoir une carrière aussi longue que la mienne. Elle ne sera pas parfaite, la mienne ne l’est pas non plus, mais j’espère qu’elles parviendront à s’épanouir sur le terrain. L’important est d’être bien dans sa tête et dans son corps, de ne pas oublier d’où l’on vient, parce que cela reste du football. Je leur conseille aussi de penser à l’avenir et aux bouleversements possibles, car une carrière de footballeuse, c’est ne pas savoir de quoi demain sera fait. Nous ne sommes pas à l’abri des blessures, des changements de direction ou des choix tactiques et techniques des coachs, il faut donc prévoir, continuer ses études et garder une ligne de conduite droite. Ce sont les valeurs et le travail qui permettent de gravir les échelons. C’est ce qui permet d’y croire jusqu’au bout”.