L’éco de l’Hérault — Montpellier

Montpellier : la greentech Sweep, "licorne du carbone", fait le pari de l'impact

En 2020, Rachel Delacour, avec ses associés Nicolas Raspal, Raphaël Güller et Yannick Chaze, fonde Sweep. Avec l’aide de l’IA et des données, cette start-up montpelliéraine entend donner aux entreprises les outils pour non seulement mesurer, mais aussi réduire leur empreinte carbone. Un défi ambitieux dans un monde où chaque tonne de CO₂ compte.

À peine quelques années plus tard, Sweep se distingue déjà comme un acteur majeur de la greentech, avec 332 millions de tonnes de CO₂ sous gestion. Des noms prestigieux comme L’Oréal, Lacoste et TF1  font désormais confiance à la start-up pour les accompagner dans leur transition écologique.

Et en 2024, la société a pris un tournant qui pourrait bien lui conférer le titre de “licorne européenne” : l’acquisition de Consequence, une société britannique pionnière dans l’utilisation de l’IA pour mesurer les émissions de carbone. Une avancée stratégique qui permet à Sweep d’intégrer des technologies de pointe pour aller encore plus loin dans l’optimisation de la gestion des émissions. On fait le point avec  Yannick Chaze, CTO de la greentech.

Yannick Chaze, CTO de la greentech ©LB/Hérault Tribune
Yannick Chaze, CTO de la greentech ©LB/Hérault Tribune

Vous n’avez pas encore atteint les cinq ans d’existence, et pourtant votre trajectoire semble inarrêtable. Comment expliquez-vous ce succès précoce ?

Yannick Chaze : Nous étions prêts. Dès la genèse, il était clair que nous souhaitions mettre à profit les compétences que nous avions acquises dans nos expériences précédentes – que ce soit en intelligence artificielle, en digital ou en data – pour aborder un sujet majeur. À l’époque, le carbone émergeait comme une problématique centrale, bien que les questions liées au changement climatique n’étaient pas encore aussi présentes dans le débat public qu’aujourd’hui. Nous avons donc fondé la société avec l’ambition de combiner nos expertises pour apporter des solutions. Plutôt que de prétendre résoudre tout le problème, notre approche s’est concentrée sur la manière dont nous pouvions atténuer les effets du changement climatique.

Bien sûr, notre projet a évolué. Nous n’avons pas tout mis sur la table dès le départ. Ce qui était évident pour nous, c’est que nous voulions travailler dans le digital, développer une solution SaaS et aider les entreprises à se transformer. Dès le début, nous avons ciblé les grandes entreprises et les ETI. 

Pourquoi avoir immédiatement opté pour les grands comptes ?

Y.C : Parce que la problématique du carbone est intrinsèquement liée aux réseaux : vous devez prendre en compte non seulement vos propres émissions, mais aussi celles de vos fournisseurs et de vos investissements. En nous adressant aux grands acteurs, nous savons qu’ils ont, par leur taille, un impact important, et donc un bilan carbone conséquent. L’idée était d’avoir un effet d’entraînement en touchant toute la chaîne de valeur. Ce problème est systémique et il ne peut pas être résolu par un seul acteur isolé. Nous avons voulu nous ancrer dans ces grands comptes pour maximiser l’impact.

Quels sont les différents niveaux d’intervention auprès des entreprises ? 

Y.C : Sweep centralise les données en commençant par leur mesure, étape souvent complexe car elle nécessite de collecter des informations provenant de diverses sources, parfois dispersées. La plateforme simplifie ce processus et permet de structurer ces données pour les centraliser efficacement. Ensuite, un bilan carbone dynamique est établi, pouvant être mis à jour chaque mois pour suivre l’évolution des émissions en temps réel et identifier les « hotspots », comme une usine plus émettrice qu’une autre.

Une fois cette phase réalisée, Sweep aide à définir des scénarios de décarbonation, suivre les résultats et ajuster les actions en fonction des prévisions. Grâce à l’intelligence artificielle, l’outil permet de prendre des décisions éclairées, tout en laissant à l’utilisateur la responsabilité finale des choix. En plus de la gestion, Sweep facilite la communication en créant des tableaux de bord clairs, à partager avec les équipes internes ou externes pour rendre compte des progrès réalisés.

Quel est, selon vous, l’atout indéniable de votre service ? 

Y.C : Je pense qu’il y a plusieurs éléments qui expliquent notre réussite. Tout d’abord, le positionnement de notre entreprise, bien qu’ambitieux, nous a permis d’être véritablement impactants. Nous avons outillé les entreprises sur un sujet essentiel, ce qui nous a habilité à aller chercher l’impact réel. Ensuite, nous avons su nous entourer de savoir-faire clés. En interne, nous disposons d’une forte expertise, à la fois sur les enjeux carbone et ESG (critères ‘Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance’), mais aussi en matière de data et de pilotage logiciel. Cette combinaison nous permet de traiter les données de manière pertinente lorsqu’il s’agit de concevoir des plans de décarbonation qui soient à la fois sensés, corrects et actionnables. Ce mix entre des experts carbone/ESG et des experts de la data est, à mon sens, unique. D’autre part, nous avons construit une plateforme de données qui permet de créer de la valeur autour du carbone, tout en restant extrêmement flexible.

Comment cette capacité d’adaptation vous permet-elle de rester compétitif face à des règlementations en constante évolution ?

Y.C : Une des forces majeures de la plateforme réside dans le fait qu’elle n’est pas pré-câblée. Ce qui est pré-câblé, c’est le contenu. Ainsi, la plateforme permet une flexibilité totale : on peut ingérer des données sous des formats variés, les catégoriser et les transformer selon des règles métiers spécifiques et précises, adaptées aux besoins particuliers de chaque entreprise. Cela la rend parfaitement adaptée à une problématique complexe comme celle du carbone, qui dépend fortement de données économiques et d’activité très fines et granulaires. On ne peut pas simplement créer un modèle de bilan carbone universel, y insérer des données génériques, et espérer qu’il fonctionne pour toutes les entreprises.

Cette flexibilité nous a également permis de dépasser rapidement le cadre strict du carbone, qui était notre point de départ. Aujourd’hui, nous sommes capables d’intégrer des enjeux plus larges, comme la CSRD, dans laquelle le carbone ne représente que trois des 1 200 indicateurs à suivre. En ayant conçu notre plateforme pour être adaptable et capable de supporter toute sorte de données d’activité, nous avons anticipé la complexité des grands acteurs. 

Quelles sont les transformations menées par Sweep suite à l’introduction de la CSRD ?

Y.C : La CSRD fait peur à certains, car elle impose un reporting très détaillé avec de nombreux indicateurs clés de performance (KPI). Initialement, il y a 1 200 indicateurs à suivre, ce qui peut paraître accablant. Toutefois, il existe des moyens de simplifier l’approche. Dans le cadre de notre produit, cette nouvelle exigence nous a amenés à développer des fonctionnalités spécifiques notamment la prise en compte de la double matérialité et des catégories d’impacts, risques et opportunités, qui permet de cibler les indicateurs réellement nécessaires au reporting. L’avantage de cette approche est qu’elle simplifie la collecte des données en se concentrant sur les indicateurs pertinents.

En quoi l’acquisition de Conséquence l’an dernier muscle-t-elle vos compétences ? 

Y.C : Conséquence se spécialisait dans l’utilisation des modèles de langage (LLM) et de l’intelligence artificielle générative, notamment pour catégoriser les données et sélectionner les facteurs d’émission dans leur outil. Nous avons intégré cette expertise au sein des équipes d’ingénierie de Sweep, ce qui nous permet désormais d’ajouter cette technologie avancée directement dans notre produit final. Les fonctionnalités de traitement des données et de catégorisation intelligente que je viens de vous développer sont le fruit de cette intégration.

Quels souhaits formulez-vous pour l’avenir de Sweep ?

Y.C : Ce que l’on peut souhaiter à Sweep pour l’avenir, c’est évidemment de poursuivre cet effort, cet impact. Bien sûr, cela signifie aussi que nous allons augmenter notre propre bilan, mais même si cela peut sembler contre-intuitif, c’est bon signe que des entreprises comme la nôtre voient leur bilan carbone croître. Lorsqu’un “bon élève” voit son bilan augmenter, cela témoigne d’un engagement concret pour réduire son impact et, lorsqu’elle vient en aide aux entreprises qui ont un long chemin à parcourir, cela signifie aussi que leurs impacts diminuent. 

Vous récoltez des lauriers en France comme à l’étranger, ce succès vous incite-t-il à envisager de quitter l’Hérault ?

Y.C : Non, absolument pas. Montpellier n’est pas dans notre passé, elle fait partie de notre futur. Nous y sommes profondément attachés. Nous avons des projets ambitieux ici et nous continuerons à recruter localement, ainsi que dans d’autres régions. Notre engagement est tel que nous sommes en pleine recherche de locaux plus grands pour accompagner notre développement.

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