Montpellier : la métropole délibère sur le village de transition pour les Roms
C'est un sujet sensible ces dernières semaines : le démantèlement du camp de Celleneuve et l'installation du village de transition dans le quartier de la Rauze et la Céréirède. Le conseil métropolitain a délibéré et voté ce mardi à ce sujet.
Le préfet Hugues Moutouh s’est exprimé ce matin sur le village de transition (lire notre article). Le président de la Métropole, Michaël Delafosse, a présenté le contexte de cette délibération : ” le site de Celleneuve a été identifié comme prioritaire pour l’année 2022, au regard de son ancienneté et du nombre important de personnes qu’il regroupe. La perspective de résorption des bidonvilles implique l’insertion globale de ses habitants. Celle-ci passe par l’éducation, l’insertion professionnelle, l’autonomie administrative, l’apprentissage de la langue française, et bien entendu l’insertion par le logement.“
“Pour ce faire, dans le cadre de cette stratégie, un village de transition a été identifié pour accueillir les personnes nécessitant un accompagnement pour accéder à un logement indépendant. Ce village sera composé d’habitats modulaires légers et d’équipements collectifs afin d’accueillir rapidement les 180 personnes concernées, dont 108 enfants. Le village de transition s’inscrit dans une logique de parcours résidentiel et constitue une étape, permettant dans un deuxième temps les conditions d’une insertion et de l’accès au logement.”
Michaël Delafosse a tenu à rappeler juste avant le vote : “j’espère un vote et un soutien forts pour cette mesure. Je vous rappelle qu’il s’agit de demander de l’argent pour participer à l’accompagnement social de gens, pour qui, dans leur pays, on dénie le droit d’être des êtres humains. Nous allons faire de notre mieux pour les insérer dans la société. C’est ça la règle du jeu.“
La délibération
Le texte présenté et voté (9 voix contre, 1 abstention) par le conseil métropolitain ce mardi 25 janvier demandait :
- d’approuver la réalisation d’un échange foncier sans soulte entre les parcelles cadastrées DO 39, d’une superficie non bâtie de 5 243 m², DN 45, 46, et 47, d’une surface cadastrale de 4 986 m² appartenant à la société BRL supportant les locaux administratifs et techniques de la filiale BRL – Espaces Naturels, et une emprise de 8 000 m² environ à détacher de la parcelle cadastrée OC1p, appartenant à Montpellier Méditerranée Métropole, sises ensemble sur la commune de Montpellier ;
- d’approuver le projet de protocole d’accord entre Montpellier Méditerranée Métropole et la société BRL et ses filiales, et d’en autoriser la signature ;
- de dire que la concrétisation de ces engagements va permettre à Montpellier Méditerranée Métropole d’étudier dès à présent un projet de requalification des propriétés acquises rue de la Rauze à Montpellier à l’issue de la vocation transitoire du site ;
- d’approuver le projet lié à la viabilisation et à l’aménagement du terrain ;
- de dire que les crédits sont inscrits au budget de Montpellier Méditerranée Métropole ;
- d’autoriser les demandes de subventions les plus larges et notamment la demande de subvention auprès du FEDER ;
- d’autoriser le Président de Montpellier Méditerranée Métropole, ou son représentant, à signer tout document relatif à cette affaire.
Les remarques et commentaires des élus qui se sont exprimés
Cyril Meunier, le maire de Lattes, a fait un trait d’humour sur les salades distribuées ce matin par le collectif des habitants de la Rauze et de la Céréirède. Son positionnement n’a pas changé : “nous avons raison de faire les choses, mais le territoire n’est pas adapté. J’en ai parlé au préfet, je n’ai pas l’impression qu’il m’ait entendu. Aujourd’hui, il est question d’un échange de terrain avec BRL. Je pense que le terrain à Garosud (en face de l’enseigne Grand Frais) était plus adapté à cet accueil que le quartier de la Rauze/ Céréirède, quartier qui a déjà énormément de difficultés, entre deux autoroutes, quartiers qui a accepté et subi pendant des années la station de la Céréirède, le TGV et le doublement de l’autoroute. Les habitants sont en partie des gens qui vivaient de l’agriculture qui ont été expulsés”
Selon lui, “Le choix du terrain n’est pas adapté, pas assez structuré pour recevoir 180 personnes en grande précarité. Ils ont un collectif qui n’a jamais porté aucun propos raciste, qui a toujours été dans la mesure dans les discussions, ils sont respectueux et savent se tenir. Je tiens à leur rendre hommage. Dix-huit mois pour aider ces personnes à se réinsérer, je veux bien le croire et j’espère qu’on y arrivera. A Lattes, nous avons délibéré en conseil municipal et nous avons donné 24 mois au projet. Nous avons demandé aussi dans la PPI un cheminement vert qui aille de la station de tram derrière la mairie de Montpellier jusqu’à la digue du Lez. Je pense que la Métropole le doit à ces habitants et qu’elle doit engager un peu d’argent pour revaloriser ces quartiers.”
Alenka Doulain, conseillère métropolitaine d’opposition, estime : “le dossier est très mal ficelé, la copie n’est pas bonne. Il ne faut pas choisir un terrain le plus pollué possible. Vous allez laisser vivre 108 enfants sur ce terrain ? C’est une mauvaise idée de ne pas prévenir les riverains. Les expériences menées partout en France montrent que la concertation est indispensable. On se sait toujours pas ce qui est prévu pour l’après. Vous dites commencer à peine à y travailler. Vous cochez toutes les cases pour que ce projet soit un fiasco. C’est l’urgence qui vous guide, celle du préfet et non pas de la solidarité.“
Clothilde Ollier, conseillère métropolitaine d’opposition, indique : “vous allez déplacer des familles de Celleneuve vers la Rauze, sur la zone la plus polluée de Montpellier. […] Il est plus simple de soutenir nos agriculteurs que d’en installer de nouveaux.” L’élue a ensuite lu le courrier que le collectif lui a demandé de lire lors de ce conseil, lequel reprend les arguments concernant ce terrain “bruyant, pollué et inondable”.
La conseillère Bernadette Conte-Arranz a précisé : “je comprends et je soutiens le collectif. Je voterai contre.“
Pour Max Levita, conseiller métropolitain : “c’est un dossier extrêmement ennuyeux. Vous avez pris une bonne décision concernant le bidonville de Celleneuve. L’analyse de Cyril Meunier et son conseil municipal est complète. Ce qui a d’évident, c’est que votre proposition n’est pas bonne. Vous seriez sage de ne pas vous obstiner.” Le conseiller a ensuite lu la lettre de Patricia Mirallès, députée, restée à ce jour sans réponse.
Pour Jean-Pierre Rico, le maire de Pérols, le sujet est “extrêmement difficile et délicat. 22 M€ sont investis par la Métropole pour respecter la loi Besson. 4,6M € seront investis pour les gens du voyage, nous venons de le voter. Les Roms ne sont pas inclus dans ces gens du voyage. La Métropole met les moyens de prendre le temps de faire le job. Je salue l’initiative de chercher des solutions, mais nous sommes trop dans l’urgence absolue.“
La réponse du président de la Métropole
Le président Michaël Delafosse a répondu : “j’ai eu l’occasion d’échanger avec M. le maire de Lattes. M. Levita, quand vous avez eu besoin de notre soutien, vous l’avez eu. Nous avions déjà évoqué cela en 2014. Le bidonville de Celleneuve existe depuis huit ans. Deux personnes sont décédées. Quel est le lieu parfait ? Nous sommes résolus à agir cette année. Personne n’a fait de proposition à part M. Meunier. Nous avons de suite expertisé le terrain qu’il proposait, mais il n’était pas adapté. Le sujet est dur, je demande un peu de retenue et de mesure dans les propos. Ce sont des détresses humaines que nous cherchons à solutionner. Nous devons offrir une solution digne et c’est le sens de cette délibération. Nous allons chercher de l’argent auprès de l’Europe. Ce n’est peut-être pas parfait. Il s’agit d’essayer de trouver une solution digne. Nous mobilisons 3,7 M€ de crédits pour cela.“
Voici peut-être la face cachée du transfert du Camp de Roms de Celleneuve à la Rauze ?
Dans cette opération, humainement indigne à vouloir loger, même provisoirement, une population sur un lieu aussi peu hospitalier, répond à la volonté du Président de Montpellier Métropole.
Sous l’effet d’une hypocrisie du cœur généralisée pour laquelle il s’agirait de répondre à l’esprit de solidarité et à l’intérêt général, Montpellier Métropole a voté très majoritairement pour ce transfert du Camp de Roms de Celleneuve vers la rue de la RAUZE.
En réalité :
Le territoire du Sud de Montpellier jusqu’au littoral est déjà solidaire de la plupart des Communes de la Métropole et même hors Métropole en cumulant déjà plus de 80% des installations polluantes. Un acharnement incompréhensible et indécent. Par ailleurs, la démocratie participative citoyenne est bafouée depuis plus de 50 ans sur tous les grands projets ou grandes orientations environnementales.
Dans une telle opération il faut chercher qui sont les gagnants et les perdants ?
Les Gagnants :
– La Mairie de Montpellier : qui récupère un terrain facilement « viabilisable » sur Celleneuve et en même temps elle répond aux demandes de l’Etat et du Préfet.
– BRL : qui échange un terrain géographiquement mal placé et difficile d’accès par un terrain à Garosud bien mieux desservi ou bien il le vend.
– Montpellier Métropole : qui, comme par hasard, n’a trouvé que ce terrain ? Terrain, pourtant occupé par une entreprise « BRL » donc théoriquement, non disponible !…
Le Président de Montpellier Métropole fait voter « ce lieu » sur les bases de l’hypocrisie des cœurs « esprit de solidarité, intérêt général ». Le terrain de Celleneuve est ainsi libéré et constructible.
– L’Etat, représenté par le Préfet : qui répond aux directives du gouvernement et en même temps satisfait les attentes de Montpellier Métropole.
Les perdants :
– Comme d’habitude, ce sera le territoire du Sud de Montpellier jusqu’au Littoral : depuis plus de 50 ans ce territoire est considéré comme le « territoire poubelle » à la merci de la Métropole.