Montpellier : la société à mission, "une manière agile de répondre aux urgences sociétales"
Qui suis-je ? Où vais-je ? Avec qui ? Si ces questions semblent existentielles, c’est parce qu’elles le sont. Devenir une “entreprise à mission”, c’est un peu faire la psychanalyse de sa société, de son association, de son groupe. Prendre le temps de mieux se connaître, d’aider les personnes qui comptent le plus dans son action, pour aller plus loin, avec elles et pour eux. Et depuis la loi Pacte, introduite en 2019, l’idée a fait du chemin.
Si l’intérêt d’un sujet se mesure à son audience, la soirée du 28 novembre a sacré celui des sociétés ou entreprises à mission. Salle comble, curieux debouts, stylos en main, claviers sur les genoux, à Cap Omega, les personnes venues assister à l’événement organisé par les ambassadrices de la Communauté des entreprises à mission et l’Agence de développement et des transitions étaient là pour entendre, comprendre, retenir.
Le business n’est pas oublié
Pour Alex Larue, président de l’Agence de développement et des transitions, le pragmatisme est une clé : “Si on est sur les transitions, sur la RSE, c’est bon aussi pour le business.” Selon lui, alors qu’elles ont parfois été perçues comme “des démarches bobo” ou ” secondaires”, les entreprises à mission prouvent aujourd’hui leur valeur économique. Il avance que même avec une approche cynique – “celle qui s’intéresse aux transitions pour des raisons financières” – les résultats sont là. Les entreprises engagées attirent des clients plus fidèles, des collaborateurs motivés, et des investisseurs à impact qui doublent chaque année. La raison est simple : ce modèle, “bien organisé et sincère”, crée “une cohérence interne et externe qui inspire confiance”.
Les chiffres confirment cette dynamique. Avec 1 700 entreprises à mission en France représentant un million de salariés, “ce n’est plus une expérimentation marginale mais un levier stratégique”. Comme le rappelle Aude Joly, fondatrice de Changing for Good et métronome de la soirée, “s’interroger sur sa contribution unique, c’est fondamental pour aligner business et impact.”
“La société à mission permet de comptabiliser les bons points”
D’après la dirigeante, la société à mission “permet de dessiner la case de l’innovation, et c’est un des rares moyens pour un entrepreneur d’innover non pas dans des aspects techniques, mais dans le fonctionnement organisationnel. La société à mission nous permet de dessiner la case de l’innovation. Cela nous permet d’être disruptifs et de ne pas être comme les autres de notre secteur.“
Au-delà de la conformité réglementaire, devenir une entreprise à mission demande de sortir des cadres préétablis. Le modèle repose sur quatre piliers : une raison d’être inscrite dans les statuts, des objectifs sociaux et environnementaux précis, un comité de mission indépendant et un contrôle externe. Cette démarche dépasse les labels traditionnels ou les check-lists de la RSE. “C’est une démarche profondément singulière, qui aligne stratégie et identité”, martèle-t-elle. En s’appuyant sur une raison d’être, “chaque entreprise définit sa propre trajectoire”, créant ainsi de nouvelles normes. Cette agilité séduit des acteurs de toutes tailles, des PME aux grands groupes. Cette disruption transforme aussi les territoires. Le président de l’Agence de développement et des transitions va jusqu’à comparer l’impact potentiel des entreprises à mission à celui de l’aéronautique sur Toulouse : “C’est un game changer !”. À Montpellier, l’enjeu est “d’amorcer une dynamique économique et sociale qui attire investisseurs et talents par l’exemple, non par des campagnes coûteuses”.
“Une démarche plus flexible que les labels”
Maître Amandine Rossignol, avocate spécialisée dans la RSE et les entreprises à mission, souligne quant à elle la flexibilité de ce modèle : “La RSE c’est pour répondre à une urgence. On parle d’urgence climatique, d’urgence de biodiversité et d’urgence de l’alimentation. Le sens et l’avantage de la société à mission par rapport au label, c’est la démarche d’amélioration continue.” Elle précise que “la société à mission, c’est une manière plus flexible, agile que les labels.” Pour elle, cette démarche permet un réel ajustement au fil du temps : “Quand on entend les intervenants dire : ‘On a créé, on s’est lancé sur cette mission, mais aujourd’hui, on se rend compte que trois ans après, notre mission, on peut la réécrire différemment’. Ça veut dire qu’il y a une amélioration continue.” Une agilité qu’elle voit comme indispensable à l’ère des transitions.
Cette souplesse est rendue possible grâce aux comités de mission et aux audits réguliers qui assurent un pilotage rigoureux. Pour les petites structures, ce cadre offre une boussole dans un environnement complexe. Pour les grandes, il renforce la transparence et la crédibilité. Pour les acteurs présents, ce modèle hybride – à mi-chemin entre idéal et pragmatisme – répond ainsi aux enjeux actuels tout en anticipant ceux de demain.