Montpellier, la victoire de Trump vue par les expatriés américains : “Bientôt nous aurons deux pays”

Certains sont assis, scrutant les chiffres et les graphiques qui défilent à l’écran. D’autres, bras croisés, font les cent pas, jetant des regards nerveux sur la carte des États-Unis, passée au rouge dans la nuit. Dans un coin de la salle, certains tapotent frénétiquement sur leur téléphone, vérifiant les dernières nouvelles ou partageant leurs impressions avec des amis restés aux États-Unis, refusant de croire que Donald Trump sera à nouveau à la tête de leur pays. D’autres, se sont éloignés des informations, s’autorisant quelques minutes supplémentaires avant d’accepter “une triste réalité avec laquelle il faudra désormais vivre”.

On ressent ici, dans cette salle à Montpellier, toute la pression et l’anxiété de cette nuit décisive, comme si, malgré la distance, l’avenir de l’Amérique se jouait ici-même, dans ce local surchauffé par l’attente.

Kamala Harris, actuelle vice-présidente démocrate âgée de 60 ans, s’était lancée il y a quelques mois dans la course présidentielle après le retrait de Joe Biden, et aurait pu devenir la première femme présidente des États-Unis. Finalement, il faudra attendre. Ann, originaire de Virginie-Occidentale et de Caroline du Nord, pense que l’entrée tardive de Harris dans la course a joué contre elle. “Il fallait un élan”, confie-t-elle. “Trump sait mobiliser les foules. Aujourd’hui, le résultat est brutal, on voit que le camp Trump a beaucoup appris de ses précédentes campagnes. Et on sait aussi que le pouvoir corrompt, qu’il peut prendre le dessus sur l’opinion. Trump a promis de s’occuper des Américains, et c’est ce qu’ils attendent. Ils veulent du confort, ils ne veulent plus que les États-Unis soient au chevet du monde.”

Si les résultats finaux ne sont pas encore connus, le retour de Donald Trump semble inéluctable. Celui qui s’est affiché durant la campagne comme un “candidat antisystème” promettant de “corriger le cap du navire” a séduit des millions d’Américains. Peggy, professeur à l’Université du Minnesota et expatriée à Montpellier, peine à accepter les premiers résultats et la “vague rouge” qui semble submerger son pays. “La dernière fois, c’était une complète surprise de voir Trump remporter l’élection”, dit-elle. “Là, je pensais être préparée, mais aujourd’hui, je réalise que je ne l’étais pas. Je comprends que les Républicains, qui voient l’économie comme prioritaire, votent pour lui, mais je ne comprends pas comment tout le pays peut soutenir quelqu’un qui a de telles valeurs. Il a supprimé toutes les règles de décence, il a éliminé tout filtre de bienséance. Honnêtement, je ne sais pas si les États-Unis sont prêts à élire une femme présidente. Je déteste, en tant que femme, le dire, mais je pense que ça a été un facteur important.”

Observer ce combat à distance ne fait qu’intensifier, pour ces Américains expatriés à Montpellier, l’impression d’un pays au bord de l’implosion. Jennifer, une retraitée originaire de Chicago, témoigne de sa peur de voir son pays se diviser irréversiblement. “C’est culturellement fascinant parce qu’on peut voir la différence, la division du pays, juste en regardant la carte des résultats”, explique-t-elle. “Et je crains que cela s’accentue, car les Démocrates déménagent dans les États bleus et les Républicains dans les États rouges. Bientôt, nous aurons deux pays.”