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Montpellier : le MO.CO célèbre la peinture figurative contemporaine

Avec la double exposition "Immortelle", le MO.CO et le MO.CO Panacée donnent une belle visibilité à la peinture figurative contemporaine, prouvant sa vigueur et son inventivité…

La critique est unanime pour célébrer la double exposition Immortelle qui se tient jusqu’au 4 juin au MO.CO et jusqu’au 7 mai au MO.CO Panacée. Télérama lui a consacré la couverture de son édition du 1er au 7 avril, Artpress lui a dédié un article dans son numéro d’avril… les articles pleuvent dans la presse nationale et locale pour louer cet événement qui fera date, à n’en pas douter. Il faut dire que les meilleurs ingrédients sont réunis pour rendre ce rendez-vous incontournable.

Pourtant, rien n’aurait prédit qu’elle se tiendrait un jour. En effet, les peintres nés entre les années 70 et 80, exposés au MO.CO, ont fait leurs études aux Beaux-Arts ou ailleurs à une époque où l’on disait la peinture moribonde. Vidéos, installations, art conceptuel avaient pris le pas sur la beauté du geste de peindre, que l’on trouvait désormais dépassé, ringard. Ils avaient choisi une voie que l’on disait sans avenir. Ils se sont pourtant accrochés à leur désir de peindre. Certains galeristes ont cru en eux, les collectionneurs les ont suivis, mais jusqu’à présent, on les a peu vus dans les grands rendez-vous des institutions françaises ou européennes… à l’exception peut-être de l’exposition Cher peintre du Centre Pompidou.

Numa Hambursin devant le tableau
Numa Hambursin devant le tableau “Around the moon” de Xie Lei © Virginie Moreau.

Les voilà maintenant réunis au Montpellier Contemporain (MO.CO), conscients de vivre ensemble un moment historique, le moment où, enfin, leur art est reconnu, ravis également de fêter leurs retrouvailles de si belle manière. Au MO.CO Panacée, la génération suivante présente aussi ses créations. Au total, plus de 400 œuvres créées par 122 artistes sont présentées sur les 2 lieux. “Une prouesse”, souligne Numa Hambursin, directeur du MO.CO, à l’origine de ce projet de grande ampleur. Il a confié le commissariat des expositions à la critique d’art Amélie Adamo pour l’expo du MO.CO et à la curatrice Anya Harrison pour celle du MO.CO Panacée.

On s’en doute, avec un tel nombre d’artistes, la diversité des regards, des esthétiques et des modes d’expression est certaine. Mais Amélie Adamo voit “une cohérence, un fil rouge dans tout cela : il s’agit d’une peinture humaniste, forte, sensible, à visée politique… tout sauf lisse. Elle représente le corps ou reflète le caractère hybride du monde actuel”.

Des peintres confirmés au MO.CO

Nazanin Pouyandeh
“Nu au mimosa”, par Nazanin Pouyandeh © Virginie Moreau

Au MO.CO, les visiteurs déambulent dans quatre sections évoquant successivement le désir de peinture, la mémoire, les espaces et l’intériorité. La première section évoque le travail du peintre au sein de l’atelier, et son plaisir à manier les pinceaux pour exprimer son monde intérieur. On y voit des autoportraits de peintres au travail : Abel Pradalié scrute sa toile, sa palette et un pinceau à la main, concentré ; Florence Obrecht et Axel Pahlavi se représentent mutuellement en train de créer dans un tableau exécuté à quatre mains, tandis que Nazanin Pouyandeh procède à une mise en abyme de la peinture, à travers des autoportraits, intégrant la notion de nudité dans l’œuvre. Mathieu Cherkit signe le diptyque Blatta Bombo séparant un tableau en deux, comme si l’œuvre était écartelée, pendant qu’Oda Jaune invite à voir à travers les choses dans See Through. Les peintres signifient leur statut de peintres, celui-là même qui n’était pas reconnu à leurs débuts.

Pencréach
“Paris (11 janvier 2015)”, par Stéphane Pencréach © Virginie Moreau.

La section sur la mémoire se penche notamment sur la peinture d’histoire ou de genre. Les artistes s’y confrontent à l’histoire, comme Nazanin Pouyandeh dans sa Cité céleste. Inspirée par le tragique bombardement de Kobané, elle montre des femmes en habits de fête marchant parmi les ruines. Il en résulte une tension. “Je ne peins pas des événements historiques en eux-mêmes mais j’y fais allusion ; ils font partie de l’inconscient collectif”, explique-t-elle. Le grand triptyque Paris (11 janvier 2015) signé par Stéphane Pencréac’h met en scène des hommes gisant au sol, le corps criblé de balles, ou recroquevillés, victimes des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher, alors que les dirigeants européens et la population font front commun face à la barbarie lors d’une manifestation organisée le 11 janvier suivant. Une œuvre appliquant les codes de la peinture d’histoire à un événement contemporain. Cette section comporte également des allusions à la religion. C’est le cas du tableau La Grande Tendresse, d’Axel Pahlavi, qui représente le Christ crucifié dans une ambiance caravagesque troublée par des rectangles flous qui viennent brouiller les codes. Dans Metanoia, le peintre présente une femme au sol, assistée et entourée de personnes, à la manière d’une “dormition” religieuse. Dans Jihad, Damien Deroubaix dresse un terrible constat : la religion rime dans certains endroits avec la mort.

pala guerriere cristine guinamand
pala guerriere cristine guinamand

Côté espaces et paysages, Cristine Guinamand pousse un cri d’alarme sur la disparition du monde animal et végétal dans son œuvre monumentale Perturbations I, qui reprend la thématique abordée dans le livre Perturbation de Thomas Bernhard. Explosions et fusions végétales s’y succèdent dans une palette chromatique à la fois vibrante et sombre. Un sujet d’actualité est omniprésent dans son tableau Pala Guerrière, où une sorte de magma évoquant la pollution par le plastique et le pétrole s’intègre dans un paysage de désolation.

leopold rabus
“Guirlande de saucisses dans un paysage” par Leopold Rabus © Virginie Moreau.

La notion d’étrangeté est introduite dans un paysage neigeux de Léopold Rabus, où une guirlande de saucisses et des bouteilles au premier plan évoquent un surprenant pique-nique en plein froid. Tout près, un diptyque d’Abdelkader Benchamma, intitulé Arbres – Mondes souterrains, réalisé à l’encre, fascine par le mouvement donné à la végétation. Tout comme le Vertige hyperréaliste de Thomas Lévy-Lasne, qui souligne la froideur des grands ensemble urbains, où des milliers de vies se côtoient sans jamais se lier.

Vertige
“Vertige” par Thomas Lévy-Lasne © Virginie Moreau.

La dernière section, consacrée à l’intériorité, est à certains égards plus sombre que le reste de l’exposition. Si une certaine poésie en émane, comme dans Around the moon de Xie Lei, où des personnes assises sur une branche admirent la pleine lune, la réalité de la vie, ou plutôt de la mort, est bien souvent présente aux cimaises. Le titre Chrysalide du 19 août 2022 de Lionel Sabatté semble suggérer une renaissance malgré la composition en poussière et l’évocation d’une carcasse suspendue.

La Roue tourne Audrey Nervi
“La Roue tourne” par Audrey Nervi © Virginie Moreau.

D’autres œuvres font plus directement référence à la mort, à l’image de La Roue tourne, d’Audrey Nervi, issue de sa série Dead or alive (mort ou vif), où des squelettes munis de rames font tourner la roue du temps… Et Katia Bourdarel représente dans le portrait fluctuant L’Eternité de l’instant le summum de l’intériorité, ce moment où l’on se trouve seul avec soi-même, confronté à ses démons intérieurs, à ses chagrins ou ses réflexions.

katia bourdarel
“L’Eternité de l’instant 3” par Katia Bourdarel © Virginie Moreau.

On ressort de cette exposition avec le sentiment d’avoir vu des œuvres d’excellente qualité, puissantes, signées par des peintres qui pourraient bien compter parmi les plus grands.

La jeunesse au MOCO Panacée

Au MOCO Panacée, les artistes exposés sont plus jeunes, mais non moins dénués de talent, et pour certains déjà très bien cotés. La peinture y est décomplexée, crue.

Apolonia Sokol
“La Cure”, par Apolonia Sokol © Virginie Moreau.

Apolonia Sokol propose un retable fascinant en trois parties, La Cure, exécuté en partie en résidence sur place. Côté pile s’étire une scène d’atelier. Côté face, une manifestation contre les violences policières est représentée sur l’un des volets du retable, non loin d’un autoportrait de l’artiste pleurée par deux femmes prostrées, et d’un Déjeuner sur l’herbe réinventé.

Cyrus et lodeur du lys Rayan Yasmineh
“Cyrus et l’odeur du lys” par Rayan Yasmineh © Virginie Moreau.

Rayan Yasmineh se distingue par ses portraits masculins hyperréalistes à la mode orientale mais à la touche très contemporaine. Nathanaëlle Herbelin présente des paysages et scènes urbaines, des vues aux cadrages intéressants. Parmi les autres jeunes peintres remarqués dans cette exposition, on citera notamment Jean Claracq ou Simon Martin.

Les œuvres rassemblées au MO.CO Panacée dans le cadre Immmortelle prouvent que la relève est bel et bien présente. Les artistes pourraient bien faire parler d’eux d’ici peu…

Informations pratiques

MO.CO – 13, rue de la République – Montpellier.
MO.CO Panacée – 14, rue de l’Ecole de Pharmacie – Montpellier.

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