Montpellier : le Tribunal administratif à l'audience
A l’occasion de son Audience de rentrée solennelle, le Tribunal Administratif (TA) de Montpellier a dressé un état des lieux de son activité que de nouveaux enjeux comme l’environnement font évoluer.
Tribunal administratif de Montpellier, vendredi 14 octobre 2022 © Mathieu Weisbuch
Salle comble au Tribunal administratif (TA) de Montpellier ce vendredi 14 octobre. La voix de son président Denis Besle résonne sans l’aide d’un micro. Est-ce une économie d’énergie de plus parmi les mesures de sobriété prescrites par le gouvernement que le TA applique en bon élève ? Il faut donc tendre l’oreille pour écouter les statistiques et les analyses de Denis Besle lorsqu’il entame le bilan du TA pour la période du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022.
6 735 litiges
Le nombre de requêtes reçues au TA de Montpellier se stabilise à un niveau élevé selon son président. 6 735 sur les douze derniers mois, dont 6 373 (95%) ont été jugées. Denis Besle rappelle que cette situation n’a rien d’anormale à la sortie de l’été et que le taux se redressera au cours du 1er trimestre. Mais le TA de Montpellier, comme celui de Nîmes ont été sollicités depuis plusieurs années pour alléger la charge de travail du TA de Toulouse. Celui-ci affronte d’importantes vacances de postes. Un mal que la TA de Montpellier a atténué en endossant la charge de 400 dossiers.
Les délais
Le principal souci du citoyen lambda confronté à un litige avec une administration est le délai de traitement de son contentieux. Trop court c’est expédié, trop long c’est enterré. Le TA de Montpellier ne semble pas naviguer dans ces extrémités. Le délai moyen pour un jugement toutes affaires confondues atteint 9 mois et 9 jours. En deçà de la valeur cible ou objectif de 10 mois et 15 jours exprimé par le Parlement. Un bon point donc. Si le TA de Montpellier connaît des exceptions, elles sont prévues. En effet, certains litiges demandent un délai de traitement supérieur à deux ans. Ces cas ne représentent que 3,5% des contentieux du TA de Montpellier. Là encore, la valeur cible du Parlement était supérieure (7%).
La législation s’est enrichie de ce que ses serviteurs ont nommé des “délais contraints”. Il s’agit d’un délai minimum imposé dans certains cas comme les contentieux des étrangers ou dans l’urbanisme, et qui ne doit pas dépasser dix mois. La liste des délais contraints “s’allonge” constate Denis Besle. Leur application indique les priorités des parlementaires. Une hiérarchie qui d’un autre côté pénalise les personnes dont le litige n’est pas concerné par un délai contraint comme pour un licenciement.
Avec ou sans appel
Un autre indicateur de la santé du TA de Montpellier se mesure au regard du taux de maintien des décisions en appel. Le Parlement attend un taux inférieur à 15%. Si le TA de Montpellier est à 15,8%, il est en dessous de la moyenne nationale de 18,4%. Mais, tous les tribunaux administratifs ne connaissent pas le même taux d’appel. Or il est nécessaire d’établir une corrélation entre ces chiffres. À Montpellier il est de 21% alors que la moyenne nationale est à 18,7%. Enfin, ces chiffres sont à replacer dans un contexte et que le président Denis Besle qualifie de “paradoxal”. En effet, il explique : “les matières où le taux d’appel est le plus élevé sont aussi celles où le tribunal est le plus confirmé. Inversement, les matières où il y a moins appel sont celles où il y a le plus d’annulation ou de réformation”. Notons cependant que 97% des décisions rendues par le TA de Montpellier sont définitives.
Faire appliquer une décision
Une administration qui n’applique pas un jugement constitue une hantise pour le justiciable. Or, depuis 1995, les pouvoirs d’injonction et d’astreinte pour faire respecter une décision d’un tribunal administratif ont été renforcés. Cela dit, les cas où une administration est récalcitrante à l’exécution d’une décision d’un TA sont rares assure Denis Besle. Dans la majorité des situations, le non-respect de la décision est la conséquence d’une inertie de l’administration concernée qu’un simple rappel à l’ordre du TA suffit à réveiller dans 90% des cas. Les rares fois où l’administration fait obstacle, le TA engage une procédure qui accouche de mesures de contraintes. 5 cas ont été enregistrés en 2021.
Les nouveaux sujets
De nouveaux thèmes, liés à des sujets de société apparaissent dans les contentieux : la laïcité, la gestion de crise, le numérique et le climat. En atteste, l’ordonnance du 5 octobre dernier qui a suspendu le réaménagement de la place Aristide-Briand à Sète car le chantier prévoit de déplanter des arbres existants. Deux semaines plus tôt, un arrêté du tribunal annulait un projet de rejet des eaux pluviales des Jardins de la Méditerranée à Bayssan. Le Département a été prié de procéder à une évaluation environnementale plus poussée sur son projet.
La Médiation cherche un deuxième souffle
Lorsque certains contentieux atteignent une complexité quasi paralysante, qu’on assiste à un enchevêtrement de recours, et que la-dessus se greffe une charge émotionnelle importante, le TA se tourne vers la médiation. Selon Denis Besle, l’objectif était “d’atteindre 1% d’affaires réglées par cette voie amiable”. Le TA de Montpellier a engagé 100 médiations en 2021 et près de 70 en 2022. Le président regrette “l’essoufflement” constaté dans l’engagement des administrations à recourir à la médiation, et ce malgré ses exhortations. Il déplore que les administrations opposent le plus souvent “un refus poli aux médiations proposées par le tribunal quand ce n’est pas un silence”.
Un blocage culturel qui puise dans la peur de se déjuger ou dans la crainte de s’expliquer devant sa hiérarchie semble suggérer Denis Besle. Mais le président croit toujours au potentiel de ce recours et le dit à l’attention des représentants des administrations présentes ce vendredi 14 octobre : “ne baissez pas la garde, réfléchissez à la façon dont est prise en charge la médiation dans vos services car c’est un moyen d’apaiser les conflictualités et d’assouplir les relations avec nos citoyens”.