Montpellier : l’écologie abreuve le droit administratif
Le Tribunal administratif de Montpellier a consacré une partie de son audience de rentrée vendredi 14 octobre à un exposé sur l’imprégnation des enjeux climatiques dans le droit.
Edmond Honorat au Tribunal administratif de Montpellier, vendredi 14 octobre 2022 © Mathieu Weisbuch
Les enjeux climatiques se frayent un long et lent chemin dans le droit français, européen ou international. Le juge administratif est sollicité pour un nombre croissant de contentieux qui abordent des questions nouvelles sur des terrains souvent vierges. Edmond Honorat, président de la section des travaux publics du Conseil d’État, a montré que la prise en compte des enjeux climatiques, malgré bien des obstacles, gagnait peu à peu du terrain.
Liberté fondamentale
Le droit de l’environnement se développe. Il concerne les transports, l’énergie, la fiscalité, et jusqu’à la publicité. Dix-huit ans après avoir acquis une dimension institutionnelle avec la charte de l’environnement de 2004, il pèse plus que jamais. En atteste, selon Edmond Honorat, la décision du Conseil d’Etat du 20 septembre dernier qui a consacré le “droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux pour la santé comme liberté fondamentale” a-t-il rappelé.
Le droit de l’environnement est devenu un droit global car “il irrigue toutes les branches du droit administratif comme civil” appuie Edmond Honorat. Sa particularité réside dans la nécessité qu’il a de faire appel à des disciplines scientifiques et économiques. D’où l’obligation pour la juridiction administrative “d’opérer une balance entre des intérêts généraux différents et parfois contradictoires”.
Politique/scientifique
Au regard des enjeux qui dépendent de la décision du juge administratif, celui-ci est en droit de s’interroger sur ses méthodes, ses moyens et sa légitimité dans un domaine technique autant concerné par “une dimension politique” constate Edmond Honorat, rappelant au passage que cela expliquait pourquoi le rôle du juge administratif pouvait facilement être “sujet à contestation”. Le juge doit donc s’adapter et asseoir sa crédibilité.
Comment passer des discours aux actes ? “En renforçant la portée juridique des normes applicables” annonce Edmond Honorat. Cela a d’ailleurs été fait lors qu’on a reconnu la valeur interprétative des accords de Paris en 2015. Car, à cette occasion, aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui jusque-là étaient uniquement programmatiques, il a été conféré une valeur contraignante. Les objectifs pouvaient être ignorés, ils doivent maintenant être atteints.
Rester juge
Autre pas en avant selon Edmond Honorat : “l’adaptation du juge administratif au temps”. En effet, si un juge doit contrôler la poursuite d’un objectif environnemental à atteindre à l’horizon 2030, 2040 voire 2050. Il ne peut en attendre les échéances pour juger de leur respect. D’où un nouveau type de contrôle, baptisé contrôle de trajectoire. Il permet au juge administratif de s’assurer de la trajectoire des actions que mettent en place les administrations pour atteindre leurs objectifs “de manière crédible et vérifiable”.
Le juge administratif a désormais la mission “de rendre des décisions réalistes, donc exécutables et politiquement acceptables”, déclare Edmond Honorat. Or, l’enjeu climatique le pousse, “malgré sa meilleure volonté” rappelle-t-il, à donner le sentiment “qu’il se substitue au pouvoir politique dans ces domaines où l’action publique est délicate car très complexe et contenant beaucoup de contraintes”. Le juge administratif semble engagé dans une longue voie ambitieuse et semée d’embuches. Il doit prouver que les avancées réalisées protègent son crédit auprès des citoyens et vont bien dans le sens de l’histoire.