Montpellier : les avocats ne veulent pas d’exception au secret professionnel
Les avocats de Montpellier, comme partout en France entre hier et aujourd’hui, ont exprimé leur colère en réponse à l’ultimatum lancé par le Garde de sceaux Eric Dupond-Moretti, qui attendait une position de la profession sur le texte de loi qui veut protéger, avec des exceptions, le secret professionnel.
Photo © Mathieu Weisbuch
Plus de 70 avocats se sont installés sur les marches de la cour d’appel de Montpellier mardi 16 novembre en fin de matinée, pour exprimer leur désaccord sur l’article 3 du projet de loi “Confiance dans l’institution judiciaire”. Selon eux, en introduisant des exceptions, il met à mal le secret professionnel, c’est-à-dire qu’il ne protège plus le contenu des échanges entre un avocat et ses clients.
Demande de retrait du texte
Les avocats se sont prononcés en faveur d’un retrait du texte. Ils attendent de voir si le gouvernement les entendra. Et ce choix ne les satisfait pas non plus. En effet les avocats reconnaissent les bonnes intentions du projet mais “l’article tient à affirmer un principe tout en acceptant de nombreuses exceptions” souligne Me Rémy Lévy, ancien bâtonnier de Montpellier au micro d’Hérault Tribune. Me Julie Moulin, présidente du syndicat des avocats du barreau de Montpellier ajoute qu’au moins “on sortira peut-être de cette réforme faite à la va-vite”.
Les exceptions
La loi qui cherchait à consacrer le secret professionnel a été modifiée par des exceptions pour les affaires de fraude fiscale, de corruption et de financement du terrorisme. A cet instant l’avocat conseille mais ne défend pas selon l’article 3. Or, rappelle Me Paul David, président du syndicat UJA Montpellier, “la profession d’avocat et celle de conseiller juridique ont été unifiées, et il est demandé aux avocats de privilégier le plus possible le conseil afin d’éviter les contentieux”.
Suspicion sur l’avocat
Une autre exception prévue dans un alinéa 2, prévoit que le secret professionnel ne sera pas opposable lorsque l’avocat, pendant son activité de conseil, fera “l’objet de manœuvres” pour permettre une infraction. Pour le bâtonnier de Montpellier Me Nicolas Bedel de Buzareingues, “le texte jette une suspicion sur la profession d’avocat. Désormais, il suffira d’un simple soupçon qu’un avocat a été manipulé pour qu’on soit autorisé à venir consulter tous ses échanges. Or, le secret professionnel peut en effet être levé quand on est dans le cas de la démonstration d’une infraction à laquelle un avocat aurait participé, et pas un simple soupçon sur des termes trop généraux”.
A quel prix lever le secret ?
La profession déplore que la lutte du gouvernement contre la fraude fiscale, le blanchiment et le financement du terrorisme passe par la levée du secret professionnel pour parvenir à ses fins. Pour l’avocat et président d’ACE Me François Girault, “le gouvernement essaie de compenser un manque de moyens en allant récupérer les informations dont ils ont besoin chez le justiciable. De plus, ce texte va nuire à l’attractivité de la France et va inciter les personnes ou les entreprises à aller chercher des conseils dans les pays voisins, simplement par peur de ne pas savoir si leurs échanges avec un avocat seront ou non protégés par le secret professionnel”.
La confiance du client
Les avocats considèrent le secret professionnel comme la pierre angulaire de leur profession. Sans lui, plus de confiance entre eux et leurs clients. “Quand un client vient nous voir il a besoin de savoir si ce qu’il nous dit est couvert par le secret professionnel, autrement il n’y aura plus de défense” explique Julie Moulin. Selon l’avocate, si la profession n’est pas entendue, le texte du gouvernement “trop large, peu précis et flou, créant une insécurité juridique” ne devrait pas passer l’épreuve du Conseil constitutionnel.