Montpellier : magistrats, avocats et policiers contre la réforme de la police judiciaire
Une manifestation de soutien à l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ) qui s’oppose à une réforme de son service jugée dangereuse, s’est tenue devant la préfecture de Montpellier ce lundi 17 octobre.
Manifestation de soutien à l’ANPJ contre la réforme, lundi 17 octobre à Montpellier © Mathieu Weisbuch
Une banderole contre la réforme de la police judiciaire, derrière laquelle font corps les policiers, les magistrats et les avocats. Le lieu de ce rassemblement n’a pas été choisi au hasard : la préfecture, qui incarne le pouvoir sous lequel le projet de réforme veut placer l’autorité départementale de la PJ. “Nous refusons catégoriquement que les préfets, qui sont les fonctionnaires les plus aux ordres de la République et qui sont révocables à la seconde, remplacent nos magistrats dans les enquêtes judiciaires. C’est une atteinte grave à la séparation des pouvoirs, et un risque d’atteinte à la liberté publique” a déclaré Nicolas Bedel de Buzareingues, bâtonnier de Montpellier.
A distance du politique
Une possible dépendance qui n’est pas non plus du goût de l’Union syndicale des magistrats de Montpellier (USM) qui voit dans l’organisation actuelle des garde-fous qui mettent “les policiers judiciaires à distance des partenaires locaux en préservant leur impartialité”. Or, rappelle l’USM, “la culture de la sécurité publique est celle de la proximité avec les acteurs institutionnels.” Et c’est précisément dans cette voie “très problématique pour PJ” que la réforme conduit.
Ce changement dans la hiérarchie et son échelle géographique ne passent pas. Dans la PJ, chez les avocats et les magistrats, on ne comprend pas l’entêtement du projet à circonscrire le travail des enquêteurs de la PJ aux frontières du département. Surtout lorsqu’on s’attaque à la criminalité organisée et internationale. Selon les opposants à la réforme, la PJ en arrivera à traiter les cas de délinquance dont les résultats, s’ils nourrissent plus généreusement les statistiques du ministère de l’Intérieur, ne mettent pas à mal les grands réseaux de trafic de drogue ou d’armes. Démanteler ces derniers nécessite les longues investigations de la PJ dont on veut désormais priver ses enquêteurs.
“Alarmant”
Le syndicat de la magistrature (SM) et l’USM sont vent debout contre la réforme. Certains éléments sont exploités pour tenter de la faire échouer. L’USM note que “le libre choix du service d’enquête par les magistrats, qui est inscrit dans le code de procédure pénal et qui a été rappelé par le Conseil constitutionnel, sera mis à mal car il n’y aura plus qu’un seul service avec cette réforme”. Elle appuie aussi sur les premiers résultats des territoires pilotes de cette réforme dont faisaient partie les Pyrénées orientales et l’Hérault. “Alarmant” tranche l’USM, déplorant notamment que l’autorité judiciaire se résume à un simple gestionnaire de flux, et que la justice verrait s’éloigner d’elle de précieux interlocuteurs de la PJ.
Le SM de son côté, réclame que la PJ travaille sous l’autorité de la justice et non sous celle administrative du préfet qui aurait droit de décision sur les moyens octroyés aux enquêtes. Enfin, le syndicat de la magistrature a rappelé que le temps long est un atout dans les investigations de la PJ. Certes, les résultats de ce travail des enquêteurs a besoin de temps pour irriguer les statistiques de la sécurité intérieure. Mais ses fruits sont sans commune mesure avec le règlement de la petite et moyenne délinquance vers lesquelles la réforme voudrait orienter la PJ. Ce sont donc autant d’arguments qui ont poussé les parlementaires à mettre en place 3 commissions d’information, alors que les inspections générales de l’administration, de la police et de la justice sont chargées d’un audit. Les résultats sont attendus.