Montpellier : Michaël Delafosse, « le rapport au temps est un enjeu fondamental pour tous ceux qui font de la politique. »
Le Maire de Montpellier et Président de la métropole « n’accepte pas l’idée de l’impuissance en politique. » Dans l’action, il atteste : « la résignation n'appartient pas à mon registre de sentiments. Moi j'affronte ! […] Je suis un maire au travail, »
Maire de Montpellier et Président de la métropole, Michaël Delafosse inscrit son action politique pour agir sur « l’urgence écologique, sociale et économique ». Déterminé, il affirme « avoir confiance dans l’avenir » et « ne jamais renoncer. »
Michaël Delafosse, vous avez un compte à rebours dans votre bureau à la mairie, pour rester conscient de la responsabilité qui est la vôtre jusqu’en 2026. Alors à mi-mandat, avec les jours et les mois qui filent, est-ce que vous êtes un maire heureux ?
Michaël Delafosse : Je suis un maire au travail. Ce compteur vient me rappeler le temps qui est le mien, le temps qu’il faut maîtriser, pour mettre en œuvre les engagements formulés, lors d’une longue campagne électorale. Des engagements précis : la réalisation de la Ligne 5 de tramway, la gratuité des transports, le soutien massif apporté au vélo, à l’école et des engagements sur beaucoup d’autres sujets.
Alors dans un moment où il y a une urgence écologique, sociale et économique, ce rapport au temps est un enjeu fondamental pour tous ceux qui font de la politique. La politique, c’est faire ! Et moi, je fais !
Parfois quand on est maire, on est confronté à des épreuves. En janvier, un règlement de compte lié à la drogue, malheureusement le décès abominable d’Aymen, à l’instant une dame qui menaçait de se suicider, qui était sur un toit. Il y a des moments très éprouvants.
Mais il y a aussi des moments de profondes satisfactions quand les habitants de la métropole saluent le choix de Barthélémy Toguo, quand les personnes de plus de 65 ans m’écrivent un mot gentil, parce qu’ils vivent pleinement la gratuité, et qu’ils n’utilisent plus la voiture. Je suis un maire heureux quand Montpellier remporte son IHU*, quand Montpellier fait parler d’elle par les folies architecturales, ou quand on est lauréat des ICC*.
Est-ce une légende urbaine cette injonction de Georges Frêche qui aurait dit au jeune militant socialiste Michaël : « toi petit, tu seras maire plus tard ! »
MD : [Sourire.] J’ai eu la chance très jeune, de connaître Georges Frêche qui a été l’un des maires emblématiques de Montpellier, et de militer à ses côtés. Il m’a proposé plusieurs fois d’être candidat avec lui. Et j’ai toujours refusé parce que j’avais des enjeux d’études, des enjeux professionnels, des enjeux d’engagements à l’UNEF. Mais il avait cerné mon amour, ma passion pour la ville de Montpellier. Alors de temps en temps, il se laissait aller à la cantonade avec la voix qu’on lui connaît en me prédisant des choses. Hélas, il n’est plus là pour le voir.
Je revendique cette époque-là. Je n’ai pas de frêchisme honteux, j’ai un frêchisme de conviction. Il faut toujours se battre, il faut aller conquérir l’implantation d’entreprises, d’emplois. Cette ville doit être une ville inspirante. Georges Frêche était cité en exemple pour sa politique culturelle, j’espère que l’on citera Montpellier en exemple, pour la gratuité des transports.
Fraîchement élu en juillet 2020, vous aviez déclaré : « je n’accepte pas l’idée de l’impuissance en politique ». Tout en affirmant : « à Montpellier nous devons faire plus, nous devons innover, nous devons oser, nous devons inventer ». En 2023, cette ligne de conduite est tenue ?
MD : La résignation n’appartient pas à mon registre de sentiments. Moi j’affronte ! Et quand quand j’ai vu les habitants de la Mosson, désespérés, parce que rien n’avançait sur la rénovation urbaine, je leur ai dit : en 2024, la tour d’Assas tombera. Et elle ne doit pas partir dans la banalité d’une destruction. On a mobilisé les artistes, et on a eu ces scènes incroyables, on a été inventifs. On a lancé les permis d’imaginer, on a fait différemment. Et aujourd’hui d’autres disent : « ah, mais c’est très intéressant le process que vous engagez sur la rénovation urbaine, vous impliquez les habitants, leurs paroles, leur histoire si chargée, si forte, si touchante. »
Quand on fait la gratuité des transports, tout le monde m’a dit : « mais t’es fou ? » Ou certains m’ont dit : « t’as fait ça pour te faire élire ». Non, on le fait, car c’est écrire une forme de modernité, pour être le plus en pointe dans la transition écologique.
Et quand le bailleur social et l’aménageur fusionnent pour devenir Altémed, c’est faire preuve d’audace dans les outils pour aller chercher de l’efficacité. Aujourd’hui les acteurs de l’immobilier sont invités, eux aussi, à être inventifs. J’encourage l’ensemble des acteurs de Montpellier à être inventif.
Tout le monde nous jalouse sur notre stratégie des biodéchets, sur le développement de nos ressourceries. Sur la question de l’école, des professeurs me disent : « à Montpellier, on sent qu’il y a beaucoup de projets sur l’éducation artistique ». C’est ça le mouvement, et je dis toujours que le meilleur reste à faire.
Vous avez la chance d’être majoritairement apprécié sur votre territoire, quel regard portez-vous sur la démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brévin ?
MD : Ce qui s’est passé à Saint-Brevin c’est une alerte. Comme il y a eu des alertes pour les professeurs sur la laïcité, comme il y a des alertes pour le personnel hospitalier. Nous sommes dans une société où il y a un rapport décomplexé à la violence verbale, à l’intimidation.
J’ai moi-même vécu des choses de cette nature, quand il y a eu la résorption du bidonville de Celleneuve. Quand on a fait le village de transition, qu’il y ait des riverains inquiets, c’est normal. Et je regrette de ne pas avoir su concerter suffisamment en amont. J’en tire un enseignement, mais ma détermination était de sortir les familles du bidonville.
Et puis, la Ligue du Midi mettait des banderoles de haine. À un moment, il y a mon nom qui apparaît. Mes enfants voient ça et disent : « papa, qui sont ces gens ? » Je leur réponds : ce sont des gens qui n’aiment pas les autres. Voilà, cette violence existe.
Ce qui s’est passé à Saint-Brevin, c’est une alerte parce qu’il y a un maire qui a été intimidé chez lui, menacé physiquement, et que le devoir de la République c’est de le protéger. Mais c’est aussi celui des citoyens. Parce que ce qui est dangereux à Saint-Brevin ou ailleurs, c’est qu’il y a des silences complices.
Quand un maire se fait brûler sa voiture : tout le monde doit considérer que c’est dangereux. Je pense qu’il y a des actions de protection de l’État qui sont nécessaires. Sinon, c’est toujours dans les clairs-obscurs que les drames se produisent. On ne peut pas accepter qu’un maire soit menacé comme à Saint-Brévin, comme on ne peut pas accepter qu’un professeur soit menacé parce qu’il a fait son cours ou un soignant parce qu’il exerce son métier.
Ça nous renvoie en permanence à nos silences qui deviennent des lâchetés. C’est pour cela que j’apparais très ferme dans le débat démocratique contre toutes les formes de violences. Si je m’égare, je veux m’en excuser d’emblée, par avance. Et Saint-Brévin est une véritable alerte. Bien sûr qu’il a une responsabilité du préfet, mais il y a une responsabilité de tous.
Si vous aviez à transmettre votre passion de la politique, de la gestion de la cité, de la volonté d’un avenir apaisé et en mouvement, quels conseils donneriez-vous à un jeune militant passionné comme vous l’étiez ?
MD : D’abord, je suis toujours passionné, et toujours militant. Montpellier mérite notre engagement. Aujourd’hui, tout le monde est confronté à d’immenses défis : le climat, la guerre en Europe, d’insupportables inégalités, la lutte pour la dignité humaine. Il reste beaucoup de combats à mener, il faut avoir confiance dans l’avenir et dans notre capacité à résoudre les problèmes. C’est extraordinaire de s’occuper des gens, d’inventer l’avenir avec eux. Et je dirai qu’il ne faut jamais renoncer.
*IHU : Institut Hospitalo-Universitaire
*ICC : Industries culturelles et créatives