Montpellier : Michel Moatti et Stéphane Oks, des faits divers inspirent leurs livres
Le premier, Michel Moatti vient enfin de sortir son "Rapport sur Nordahl L"., exofiction dont la première version avait été interdite. Le second, Stéphane Oks, présente "L’hiver finit toujours par arriver", son dernier roman policier, après avoir été lauréat du Prix de l’Évêché 2021. Les deux hommes ne se connaissaient pas et ont accepté d'évoquer ensemble leurs liens, leurs intérêts, leurs utilisations des faits divers.
Installés tous deux à Montpellier, ils se sont croisés sur un festival, rapidement, mais n’avaient pas vraiment fait connaissance : « c’est un métier solitaire que l’écriture, on échange mais nous ne collaborons pas » répondent-ils d’une même voix. Les deux hommes travaillent sur la base de faits divers, soit pour créer une histoire autour, soit pour l’intégrer à une histoire qu’ils ont en tête, soit pour croiser des faits divers ou encore pour en montrer une part moins médiatisée. Est-ce pour tenter de justifier l’injustifiable ? Est-ce pour observer et raconter le terrifiant mystère humain ?
L’inspiration
Stéphane Oks raconte avoir croisé la route du Grêlé : « là je me suis dit il y a quelque chose. J’ai également un roman qui est actuellement proposé au prix du Quai des Orfèvres (short liste publiée en juin prochain). L’origine de ce roman, c’est la lecture dans Paris Match d’un fait divers sur une page : l’histoire d’une rencontre extravagante entre Michel Fourniret et le Gang des postiches, qui est une histoire vraie. Ensuite, je me suis mis à bouquiner, travailler, fouiller. »
« C’est la même chose pour mon premier roman sur Jack l’Éventreur », explique Michel Moatti. « Il s’agit d’une contre-enquête sur l’affaire criminelle de Jack l’Éventreur, vieille de 130 ans. C’est un fait divers certes, mais dans mon travail de professeur de sociologie des médias, j’avais déjà une bonne base documentaire sur la presse de l’époque. À travers cette histoire criminelle, j’avais envie de parler du contexte, de l’époque, de la pauvreté, de la prostitution, de l’époque victorienne dans sa partie la plus sordide et terrifiante. » L’auteur explique avoir pu accéder à des documents d’archives lors de ses 8 déplacements à Londres, aux dossiers des enquêtes d’époque : les rapports, les scènes de crime, les autopsies. Il a mis trois ans avant d’écrire la première ligne de ce premier roman. « Cette documentation fournie dépasse le cadre de faits divers et rejoint l’enquête policière » rajoute Michel Moatti.
Michel Moatti reconnaît un point commun à tous ses livres : « Comment vit-on la disparition d’un proche ? La culpabilité, le chagrin, la douleur, peut-être en étant ou en se pensant responsable ? Faire face à une douleur brutale liée à la disparition d’un proche. Dans le cas de Lelandais, j’ai pu accéder au dossier ‘en temps réel’ ainsi qu’aux personnes qui ont vécu ce drame, dont la maman de Maëlys. Je souhaitais lui faire valider les pensées que je lui prêtais dans l’exofiction. Nous y avons passé des heures. Par exemple, il y a un moment très troublant : dans la première version du livre, une scène que j’ai imaginée, le moment où elle se rend au commissariat et découvre les photos de toutes les petites filles disparues. Que se dit-elle à ce moment précis ? J’ai pensé qu’elle se disait ‘ma petite fille est là maintenant’. Lorsque nous en avons parlé, elle m’a confirmé que c’était exactement ce qu’elle avait ressenti. Le rapport à la fiction est toujours très fragile, si on a bien travaillé le dossier, cela devient vrai. »
Leurs derniers livres et prochaines dédicaces
Rapport sur Nordahl L.
Rapport sur Nordahl L. de Michel Moatti est la nouvelle version de L’ami de la famille, ouvrage qui a été interdit il y a quatre ans par l’avocat de Nordahl Lelandais sur la question de la présomption d’innocence. L’auteur, comme son éditeur Hervé Chopin, ont refusé d’envisager de lui verser un seul centime. Ce rapport est enrichi de 40 % d’informations. Michel Moatti a suivi le procès à Grenoble, a beaucoup échangé avec Jennifer de Araujo, la maman de Maëlys, qui signe d’ailleurs la préface du livre. Quatre années de travail rigoureux livrent un rapport en profondeur, à hauteur d’émotion, qui analyse le fait divers et sa mise en lumière dans la société actuelle. C’est l’histoire des silences, des mensonges et des “peut-être” de Nordahl Lelandais.
Docteur en sociologie des médias, professeur à l’université de Montpellier et ancien journaliste, Michel Moatti s’intéresse aux grandes affaires criminelles qui sont entrées dans l’Histoire. Son premier roman, Retour à Whitechapel, la véritable histoire de Jack l’Eventreur, a rencontré un véritable succès en librairie. En 2017, il a remporté le prix polar de Cognac pour Tu n’auras pas peur.
Michel Moatti propose une rencontre dédicace le 14 avril à l’Opuscule à Montpellier et devrait être présent au FIRN à Frontignan en juin prochain.
L’hiver finit toujours par arriver
L’hiver finit toujours par arriver de Stéphane Oks, se passe en France, en pleine guerre civile, à la suite de la montée de l’islam radical : des dizaines de cités s’embrasent, se rebellent et font sécession : l’Émir va prochainement proclamer l’avènement du califat islamique de France et du Couchant et l’indépendance des territoires perdus de la République. Le gouvernement, tétanisé, reste sans réaction. Un homme s’oppose au funeste projet et se met en tête d’éliminer l’organisateur de cette partition. Pour l’atteindre, il infiltre les milieux djihadistes et part combattre au Levant. Quand il revient en France, auréolé de gloire, la résistance s’est organisée et s’apprête à se ranger derrière le mystérieux et charismatique Ridafrans, de retour, lui aussi, du Levant. L’affrontement entre les deux hommes paraît inéluctable…
Stéphane Oks détaille : « C’est une fiction prospective. Cela se passe dans dix ans. Je me suis passionné pour le Coran. Je l’ai lu et relu, j’ai lu les commentaires du Coran par des catholiques. Cela met en perspective par rapport à la vision sociétale de la religion. Cela m’a montré que les Occidentaux, les chrétiens sont incapables de voir le Coran avec d’autres yeux que les leurs. Quand on regarde quelque chose avec sa propre optique, on ne voit pas ce que voit l’autre avec son optique à lui ». Il ajoute : « les informations diffusées qui ne vont pas au fond des choses véhiculent un message inexact, que les gens entérinent et qui finit par devenir une vérité. Le terrorisme m’a bien évidemment ‘inspiré’, mais est-ce un fait divers ? ». Pour l’auteur, « aujourd’hui, on accède à tout, avec Internet, Wikipédia, Youtube, on accède à une telle masse d’informations que la documentation va changer l’histoire. Des situations tellement romanesques sont décrites qu’on ne peut pas passer à côté. »
Stephane Oks est gynécologue obstétricien à Montpellier. Son premier roman, L’enfant dans la neige avec un cartable et un fusil, met en scène une France travaillée par la question identitaire. Stéphane Oks a été lauréat en juin 2021 le prix de l’Évêché – Polars du Sud pour son roman, Lacrima Corsica, paru aux éditions Lajouanie.
Il ira à la rencontre de ses lecteurs à Marseille, Hyères et à la librairie Sauramps à Montpellier prochainement.