Santé — Montpellier

Montpellier, Octobre Rose : “Un cancer diagnostiqué à un stade précoce a un taux de guérison incroyable” 

La confrontation au diagnostic, l'angoisse de l'attente, puis le processus de soin : ces trois étapes sont trop familières aux patientes des docteurs Martha Duraes et Gauthier Rathat, engagées dans un combat contre le cancer du sein. Les chirurgiens spécialisés en sénologie à l'hôpital Arnaud de Villeneuve nous guident à travers le parcours des patients et l'accompagnement essentiel durant cette période complexe.

Comment débute le parcours du patient ?

Docteur Martha Duraes : De nos jours, grâce à la mammographie de dépistage, la plupart des patientes sont diagnostiquées à des stades très précoces, souvent sans symptômes. Le premier point d’accueil est généralement à Lapeyronie, dans le service de sénologie, où elles viennent pour une mammographie de dépistage, principalement entre 50 et 74 ans. Pour les patientes plus jeunes, notamment celles de moins de 40 ans, c’est une échographie mammaire qui est proposée en raison de la densité du tissu mammaire, rendant la mammographie moins efficace. En cas de diagnostic confirmé de cancer du sein ou de lésions précancéreuses, les radiologues orientent les patientes vers un gynécologue. 

Dans le cas où il y a des symptômes, tels qu’une masse palpable, une rougeur, une peau d’orange localisée, les patientes sont généralement référées à un chirurgien-gynécologue pour une consultation.

Quel rôle va jouer la consultation avec le gynécologue ? 

Docteur Gauthier Rathat : La plupart du temps, les patientes ont déjà reçu un diagnostic, car dès qu’une anomalie est observée à l’échographie ou à la mammographie, une biopsie est pratiquée immédiatement. Donc, il est rare que le diagnostic soit posé lors de la consultation.

Docteur Martha Duraes : Cet entretien va permettre au gynécologue de recueillir des informations à travers les radios et les scans pour affiner le diagnostic. Il explore les antécédents familiaux de cancer du sein et de l’ovaire, examine les symptômes et évalue s’il s’agit d’une atteinte locale ou de métastases à distance, en tenant compte de signes tels que la dyspnée (essoufflement) ou les maux de ventre. Ensuite, un examen clinique est réalisé pour détecter la présence d’une masse palpable.

Le cancer du sein est-il plus fréquent chez les personnes ayant des antécédents familiaux ?

Docteur Martha Duraes : Moins de 10% des cancers du sein ont une origine génétique. Mais nous prêtons attention au nombre de cas dans la famille, à l’âge des patientes ou à la présence d’un cancer du sein chez un homme, car ces signes peuvent indiquer une prédisposition génétique. Si nous suspectons une origine génétique, nous orientons les patients vers les oncogénéticiens.

Quels sont les facteurs liés aux habitudes ou à l’environnement qui peuvent accroître le risque de cancer du sein ?

Docteur Martha Duraes : Parmi les facteurs connus, la consommation d’alcool et le tabagisme sont des éléments importants. C’est pourquoi nous proposons un programme de sevrage tabagique aux patients fumeurs pris en charge chez nous et dans la plupart des centres spécialisés dans le cancer du sein. Actuellement, il y a des discussions sur l’impact des déodorants et d’autres produits similaires, mais des études plus approfondies avec des cohortes plus vastes sont nécessaires pour confirmer cela. L’environnement hormonal joue également un rôle, comme le fait de ne pas allaiter, d’avoir des grossesses tardives ou d’entrer en ménopause tardivement. Ces sont des facteurs de risque, mais il est important de noter que chaque cas est unique, ce n’est pas parce qu’on n’a pas eu d’enfant ou qu’on en a eu dix qu’on aura forcément un cancer.

On en parle moins mais quant est-il du rapport de l’homme au cancer du sein ? 

Docteur Matha Duraes : “Chez les hommes, le cancer du sein est vraiment rare, cela correspond à moins de 1% des malades. Généralement, quand ils se déplacent jusqu’à nous, c’est quand ils ont découvert une boule au niveau de leur poitrine. Comme la densité est plus faible que chez une femme, la palpation du sein permet vraiment de découvrir une masse potentielle. Cela se voit facilement. Il n’y a pas de recommandation nationale, en tout cas pour le dépistage des cancers du sein chez l’homme. On peut leur recommander de se palper plus souvent comme pour les femmes et de consulter quand ils découvrent une rougeur. Comme on ne pense pas forcément à aller voir un médecin une fois par an pour se faire palper les seins quand on est un homme, peut-être que la discussion pourrait avoir lieu dans le cadre de la médecine du travail.”

Après le questionnaire et le temps de l’analyse, une deuxième consultation se met rapidement en place… 

Docteur Gauthier Rathat : Lors de cette consultation, nous abordons le sujet de la prise en charge chirurgicale. Nous les examinons afin de décider du type de prise en charge opéatoire : Est-ce qu’il faut retirer juste un peu de glandes ? Est-ce qu’il faut retirer la totalité du sein ? Est-ce qu’il faut prélever les ganglions ? Nous essayons d’informer les patientes de manière complète, tout en évitant de les submerger d’informations, car elles sont souvent bouleversées par l’annonce initiale.

Qu’est-ce qui va influencer votre décision ? 

Docteur Matha Duraes : Le stade de la maladie. Il se divise en quatre stades. Le stade 1 concerne les tumeurs de moins de 2 cm, le stade 2 concerne celles de moins de 5 cm, le stade 3 concerne les tumeurs de plus de 5 cm, et le stade 4 se caractérise par une atteinte de la peau ou du muscle sous-jacent. Il est important de souligner que la progression du cancer varie d’une personne à l’autre. La bonne nouvelle est que grâce à la mammographie de dépistage, la plupart des cancers sont maintenant détectés aux stades 1 ou 2. Un cancer diagnostiqué à un stade précoce a un taux de guérison incroyable, c’est pour cela que nous insistons sur le dépistage. 

Avec de tels résultats, comment expliquez-vous que beaucoup de femmes ne profitent pas des campagnes de mammographie ?

Docteur Matha Duraes : Dans le département de l’Hérault, où nous sommes actifs sur ce sujet, nous avons les Journées de la santé de la Femme, une mobilisation remarquable dans le cadre d’Octobre Rose, les Mammomobiles, les initiatives de la CPAM… Tous ces efforts sont déployés, et je pense que l’absence de participation ne relève pas d’un problème de visibilité, mais plutôt de la peur. Certaines femmes hésitent à se faire diagnostiquer en raison de la crainte de l’inconnu ou de la douleur. Il est crucial de franchir le pas, de passer le cap, afin de se rassurer et de surmonter ces appréhensions.

Quelles sont les options de traitement disponibles aujourd’hui ?

Docteur Matha Duraes : Comme je l’ai mentionné, plus de 80% des cancers sont diagnostiqués à des stades très précoces. Souvent, la chirurgie est la première étape. Elle implique l’ablation de la tumeur mammaire et, dans certains cas, l’examen des ganglions lymphatiques. Si nécessaire, les ganglions sous le bras doivent également être enlevés. Le traitement localisé consiste en une tumorectomie ou une oncoplastie, que nous pratiquons fréquemment. Cependant, si la tumeur est trop volumineuse, une mastectomie complète est nécessaire. Cette intervention peut inclure une chirurgie reconstructive en fonction des traitements ultérieurs et des souhaits des patientes. En ce qui concerne les ganglions lymphatiques, deux techniques sont possibles : le ganglion sentinelle, qui permet d’identifier les premiers ganglions à l’aide d’un colorant ou d’un marqueur isotopique, ou le curage axillaire, qui consiste à retirer la plupart des ganglions sous le bras. Heureusement, cette dernière technique est beaucoup moins courante de nos jours. Le choix de la technique dépend de l’atteinte éventuelle des ganglions ou de la taille initiale de la tumeur.

Comment est pris en compte l’impact psychologique du diagnostic ?

Docteur Matha Duraes : À la fin de la consultation avec le gynécologue, une prise en charge psychologique est systématiquement proposée ici, au sein de notre service. Les patients qui le souhaitent peuvent bénéficier d’entretiens avec notre psychologue, que ce soit en personne ou via des téléconsultations. Cela s’avère particulièrement utile pour les patientes venant de loin, certaines d’entre elles viennent même de Narbonne et de Millau. Nous avons également Virginie Fardel, notre infirmière de coordination en oncologie, qui les accompagne dans leur parcours. Elle revoit avec elles le diagnostic, les différentes prises en charge proposées, le parcours de soins à venir, ainsi que le soutien psychologique qui leur est offert. Ces éléments sont essentiels car l’annonce du cancer est un choc. Souvent, les patientes nous confient qu’elles sont devenues complètement hermétiques aux informations dès qu’elles ont entendu le mot ‘cancer’. Nous avions proposé à environ une centaine de patientes de remplir un questionnaire pour évaluer ce qu’elles avaient trouvé le plus utile dans notre accompagnement. La plupart d’entre elles ont indiqué que les consultations avec l’infirmière de coordination étaient d’une grande aide. Le fait que ces entretiens aient lieu un peu plus tard, après que leurs pensées aient eu le temps de se clarifier, leur permettait d’être plus réceptives aux informations que nous leur communiquions. Et il ne faut pas oublier le travail formidable fait par les associations, qui proposent de nombreux groupes de parole et un soutien psychologique. Ici, nous collaborons notamment avec Étincelle, une association remarquable.

Quelles sont les dernières innovations en matière de traitement ou d’accompagnement ?

Docteur Martha Duraes : Au cours des dernières années, il y a eu des évolutions importantes dans les protocoles de radiothérapie, rendus plus simples avec moins de séances, particulièrement pour les personnes âgées. Nous nous concentrons également sur l’aspect esthétique, ayant un impact psychologique majeur. La reconstruction immédiate est de plus en plus pratiquée, réalisée simultanément avec la chirurgie. Le choix entre une prothèse ou un lambeau musculaire comme le grand dorsal ou un DIEP (Deep Inferior Epigastric Perforator) dépend des souhaits de la patiente et des traitements ultérieurs. Le DIEP, par exemple, préserve les tissus adipeux, offrant une meilleure qualité de vie. Parallèlement, certains médecins pratiquent le tatouage de reconstruction de l’aréole mammaire, pris en charge par l’assurance maladie dans certains cas. Nous explorons actuellement des options pour une prise en charge plus globale de la reconstruction mammaire, en collaboration avec la CPAM, bien que cela implique la création d’une association pour la gestion des fonds, ce qui est un processus complexe mais je pense que nous y arriverons.

Quelles sont les innovations mises en place à l’hôpital Arnaud de Villeneuve dans ce domaine ?

Docteur Martha Duraes : Concernant le cancer du sein spécifiquement, le Dr. Rathat a développé une nouvelle technique de mastectomie préventive chez les patients porteurs de mutations génétiques présentant un risque élevé de développer un cancer du sein. Cette méthode propose une ablation préventive de la glande tout en préservant la peau et le mamelon, suivie d’une reconstruction par prothèse ou par enveau avec des prothèses. L’innovation réside dans une cicatrice unique, dissimulée sous le bras, garantissant un résultat esthétique pratiquement invisible. De plus, nous avons créé une plateforme internet en collaboration avec la société Edop, offrant des informations vulgarisées et pédagogiques sur la chirurgie du sein, y compris des vidéos pour une meilleure compréhension visuelle. Nous évaluons actuellement l’impact visuel sur l’anxiété des patients dans le cadre d’une étude. De nos jours, la recherche se concentre non seulement sur les traitements spécifiques liés à la chirurgie et à la radiothérapie, mais également sur les soins de support, en mettant l’accent sur l’accompagnement psychologique, l’activité physique et la nutrition.

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