Montpellier, Pavillon Populaire : 1968-89, quand la photo française devint artistique
A Montpellier, le Pavillon Populaire livre un panorama de deux décennies cruciales qui marquèrent la naissance et l'essor de la photographie artistique en France, entre images iconiques et clichés inédits…
Vue de l’exposition “Métamorphose” au Pavillon Populaire © Virginie Moreau
Reportage photo : Virginie Moreau.
Après avoir été d’abord documentaire, centrée sur les reportages, puis étendue au cercle familial, la photographie fut progressivement envisagée comme un moyen d’expression artistique durant les décennies 1968-1989, en France. Le Pavillon Populaire propose une rétrospective d’envergure sur cette période qui révolutionna la photographie française. “Ce fut une période violente sur le plan intellectuel. De nombreux débats questionnaient l’intégration de la photographie ou son existence en tant qu’art à part entière”, détaille Yves Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire.
Qu’ont changé les années 70-80 pour la photo en France ?
Dans les années 70-80, l’influence de la photo américaine a été décisive sur la photo française. Les photographes français ont acquis un rôle social, ils ont montré leur empathie, notamment avec le mouvement de Mai 68. Il ne s’agissait plus uniquement de documenter une époque mais de la vivre. La photo française fit son entrée dans les musées, les photographes furent intégrés dans les galeries d’art. Ce fut la naissance de la photographie plasticienne. La photo suscita un emballement soudain. Des théoriciens comme Roland Barthes ou Susan Sontag inspirèrent les photographes.
Que voir au Pavillon Populaire ?
240 œuvres photographiques réalisées par 73 photographes sont présentées sur 2 niveaux à l’occasion de l’exposition Métamorphose, la photographie en France 1968-1989, qui se tient au Pavillon Populaire jusqu’au 15 janvier 2023. Plusieurs face-à-face, parfois inédits, se dévoilent tout au long de l’exposition. C’est notamment le cas entre des clichés de Bernard Plossu et ceux de Raymond Depardon, entre une photo d’Orlan et des images publicitaires créées par Guy Bourdin pour Charles Jourdan…
Le parcours thématique évoque entre autres la question du genre, la sexualité, la politique, l’écologie… Il débute par le glissement du reportage photo vers la subjectivité, par l’immersion dans divers milieux, avec de grands noms comme Janine Niépce, Gilles Caron, Yan Morvan (photo ci-dessous), Raymond Depardon ou encore Sebastião Salgado. Les photographes font appel à l’empathie, à la mémoire, imposent un nouveau regard.
L’espace Corps en liberté prend le relais, avec des personnages très androgynes photographiés par Bettina Rheims qui tranchent avec ceux, éthérés de Sarah Moon et ceux, hyper sexualisés, mis en scène par Guy Bourdin ou un immense autoportrait d’Orlan (photo ci-dessous) rappelant la sainte Thérèse en extase du Bernin. Des clichés de Pierre et Gilles symbolisent l’art de la mise en scène du modèle. Et les autoportraits de l’écrivain Hervé Guibert révèlent une pratique intime de la photo.
Dans la section Présence des choses, l’exposition rassemble des images d’objets banals du quotidien : intérieurs plus ou moins en désordre (Jean-Louis Garnell, François Hers), cuisine en Formica des années 70 (Florence Paradeis), légumes…
Comme pour dire quelque chose des humains qui les utilisent, les nettoient ou les consomment. On apprécie L’éponge et son image de Claude Batho.
Viv(r)e la crise livre une esthétique réaliste de la vie après la crise pétrolière de 1973. Le portrait grand format d’une grand-mère avec son petit-enfant auprès d’une centrale nucléaire (ci-dessous), signé Despatin et Gobeli, inaugure de façon magistrale cet espace dédié aux Français.
La France rurale côtoie la société de consommation dans les clichés de Guy Le Querrec, Dominique Auerbacher, la pauvreté se ressent dans les images de Marie-Paule Nègre, Sabine Weiss présente un regard humaniste sur les gens, Gilles Favier fait un tour d’Europe du chômage, et la France des banlieues se dévoile dans les photos de Patrick Zachmann.
A l’étage, les paysages contemporains se dessinent, parfois influencés par le road-trip américain. Marc Demeyer livre sa vision plastique de la campagne française, John Bato photographie les parasols de Deauville, une série célèbre autour du motif (ci-dessus).
L’Espace de l’image conclut l’exposition. Harry Gruyaert y propose des TV shots très pop (photo ci-dessous).
Dans sa série bien connue des chambres d’amour, Bernard Faucon livre un paysage intérieur poétique, Jean-Luc Moulène joue entre illusion et réalité, Françoise Chevalier surfe sur la sexualité en se mettant en scène, nue devant le miroir, pour Noir Limite, et Alain Fleisher explore le reflet du corps. Que serait Eros sans Thanatos ? L’exposition s’achève sur un diptyque de pierres tombales minimalistes d’un frère et d’une sœur par la grande Sophie Calle (ci-dessous).
————————
Les deux commissaires de l’exposition
Pour dresser un tableau complet de la photographie de l’époque, le directeur artistique du Pavillon Populaire a invité Michel Poivert, professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne, spécialisé dans l’histoire de la photographie, à assurer le commissariat de l’exposition. Celui-ci s’est entouré d’Anna Grumbach, cocommissaire de l’exposition.
———————–
Informations pratiques
Pavillon Populaire – Esplanade Charles-de-Gaulle – Montpellier – 04 67 66 13 46.
L’exposition « Métamorphose. La photographie en France, 1968-1989 », est visible jusqu’au 15 janvier 2023, du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h.
Ouvert les samedis 24 et 31 décembre 2022 de 10h à 13h et de 14h à 16h.
Fermé les dimanches 25 décembre 2022 et 1er janvier 2023.