Montpellier, photo : la pollution des mers et rivières s'affiche au Pavillon Populaire
Le photographe allemand Andreas Müller-Pohle présente, au Pavillon Populaire, trois séries de photos documentaires, donnant une vision à la fois émergée et immergée de trois zones du monde, au fil de leurs mers et rivières…
Un photographe qui s’immerge dans son sujet
Le photographe berlinois Andreas Müller-Pohle, qui a figuré à l’avant-garde de la scène photographique, est à l’origine de la fondation, en 1979, de European Photography, un magazine d’art indépendant centré sur la photographie contemporaine. Théoricien de la photo, il a mené plusieurs projets photographiques autour de l’eau, nourris par des préoccupations écologiques.
Sa méthode, appelée Split screen, consiste à placer son appareil photo dans un caisson étanche qui flotte sur l’eau, l’appareil étant mi-immergé, mi-émergé. La photo est donc séparée en deux parties, l’eau dans la partie inférieure, et le paysage extérieur dans la partie supérieure. Le photographe s’amuse d’ailleurs à comparer ce point de vue avec celui d’un poisson à 4 yeux, qui a ce type de vision.
“Quand je cadre, je ne sais jamais à l’avance comment sera la photo. Les effets sont produits par le mouvement naturel de l’eau. Je ne les contrôle pas”, indique Andreas Müller-Pohle.
Le résultat de cette mise en perspective photographique est impressionnant. Dans les zones polluées, l’eau est sombre, jaunâtre, exempte de toute vie, mais emplie de déchets. Elle paraît à la fois morte et menaçante. Au contraire, dans les zones non polluées, l’eau est claire, la végétation peut y pousser, et l’on imagine que les poissons y trouvent un écosystème favorable pour y vivre et s’y reproduire.
Trois séries différentes sont présentées au Pavillon Populaire. Il y est question de perspective, mais aussi de hasard. Aperçu…
Le projet Danube, la pollution en exergue
En 2005, Andreas Müller-Pohle a entrepris un périple “poético-documentaire”, photographiant le Danube de sa source, dans la Forêt noire, à son embouchure dans la mer Noire, traversant ainsi de nombreux pays : Allemagne, Autriche, Slovaquie, Hongrie, Croatie, Serbie, Roumanie, Bulgarie. Il en résulte une série de clichés horizontaux, pour rappeler le trajet de 2 800 kilomètres qu’il a effectué pour ce projet.
Non content de photographier les paysages aquatiques et leurs environs industrialisés ou à l’abandon, il a prélevé des échantillons d’eau et les a fait analyser. Sous chaque cliché sont indiqués les niveaux de pollution du Danube sur la zone photographiée : nitrates, phosphate, potassium, cadmium, mercure, plomb… Voilà de quoi refroidir les adeptes de la baignade les plus téméraires.
Les eaux de Hong-Kong, ou l’immersion redoutée
La deuxième série photographique présentée au Pavillon Populaire se focalise sur la mer qui entoure la mégalopole de Hong Kong, où Andreas Müller-Pohle a beaucoup vécu. La verticalité des clichés réalisés en 2008 fait volontairement écho à celle des gratte-ciel, à l’architecture omniprésente. Là-bas, la montée des eaux est un risque que redoutent les habitants.
L’enjeu était donc de représenter Hong Kong quasi submergée par les eaux, comme pour mieux alerter la population mais aussi les dirigeants sur l’urgence écologique que représente le changement climatique. Sur ses clichés, les gratte-ciel ressemblent en effet à de vulgaires bâtonnets qui semblent à deux doigts d’être engloutis par les eaux.
Lituanie : le sanctuaire de Kaunas
Enfin, le photographe allemand a photographié selon le même procédé de semi-immersion deux cours d’eau importants qui se rejoignent à Kaunas, en Lituanie : la rivière Néris et le fleuve Niémen. Leurs eaux présentent la particularité d’être claires et indemnes de toute pollution. Leur flot limpide évoque la pureté, effet amplifié par la peinture bleue apposée sur les murs du Pavillon Populaire dans cette section de l’exposition. “Les scènes de nature et les images de paysage intact sont les motifs dominants de ce projet”, indique Andreas Müller-Pohle, qui insiste sur le côté paisible de cette zone où se marient les deux cours d’eau.
Le réservoir de Kaunas est quasiment présenté comme un sanctuaire, un exemple à suivre… Car Andreas Müller-Pohle est un écologiste convaincu, et ses clichés prêchent pour la défense et la préservation de cette ressource vitale, avant qu’il ne soit trop tard.
Des vidéos basées sur le hasard
Trois vidéos d’Andreas Müller-Pohle sont diffusées au Pavillon Populaire dans le cadre de l’exposition Mers et rivières. Coasting 1 et 2 résultent d’un “jeu” qui illustre le processus de création de l’artiste. Il a laissé flotter une caméra sur l’eau et montré le processus de hasard, qui, au gré des mouvements de l’eau, offre différentes perspectives. C’est ce que Müller-Pohle nomme “l’art de l’eau”, né du hasard.
Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire, indique que “Les œuvres de Müller-Pohle ont été abondamment publiées et exposées, et font partie de nombreuses collections privées et publiques à travers le monde. En 2001, il a reçu le prix européen de la photographie de la Fondation Reind M. De Vries. Il est également l’auteur de nombreux textes théoriques sur la photographie, notamment sur le visualisme, et a été conférencier et professeur invité, entre autres, à l’Institut supérieur des beaux-arts d’Anvers, ainsi qu’au Hong Kong Design Institute. Il travaille actuellement sur une vidéo et un livre d’artiste utilisant des éléments inédits rapportés de Hong Kong, ainsi que sur un projet photo, vidéo et audio au long cours, intitulé « Studies on Traffic »”.
Informations pratiques
Pavillon Populaire, espace d’art photographique de la Ville de Montpellier – Esplanade Charles-de-Gaulle – Montpellier – Tél. 04 67 66 13 46. Entrée gratuite.
L’exposition “Andreas Müller-Pohle, mers et rivières” est visible jusqu’au 16 janvier 2022, du mardi au dimanche, de 10h à 13h et de 14h à 18h (dernière entrée 15 minutes avant la fermeture).