Montpellier : quelle est la frontière entre drague et outrage sexiste ?
La ville et le parquet du tribunal judiciaire de Montpellier partent en guerre contre le harcèlement de rue.
Le délit pour outrage sexiste existe depuis fin 2018, mais trois ans après, il reste inefficace. Pour lutter contre ce fléau, le parquet du tribunal judiciaire de Montpellier et la mairie ont lancé, le 29 juin dernier, des formations à destination des policiers municipaux et nationaux, des gendarmes et des agents des transports en commun. Cette session a été suivie d’une deuxième journée de formation début juillet et annonce une série de journées, afin de former un maximum d’agents.
Qualification des propos
81 % des femmes en France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics. Elles subissent des sifflements, des regards insistants, des insultes, sont suivies dans la rue ou dans les transports, et sont même victimes d’attouchements dans 30 % des cas. Ces agressions touchent aussi une grande partie de la communauté LGBT.
Pour attester de l’infraction, les agents devront qualifier les paroles prononcées. Les références à la beauté de la personne – du genre “T’as de beaux yeux tu sais” – seront toujours acceptés, car ils ne contiennent pas d’insultes. En revanche les références aux parties intimes (seins, fesses) ou les allusions sexuelles et autres mots salaces seront considérés comme des infractions.
Les outrages non-verbaux comme par exemple siffler, klaxonner, ou héler, seront également répréhensibles, car considérés à caractère insistant. Mimer un geste à caractère sexuel ou même intimider une personne avec des regards appuyés sont aussi des actes qualifiés d’outrage sexuels même s’ils ne sont pas verbaux. « La vidéoprotection de la Ville pourra être utilisée comme preuve » avertit le procureur.
Une formation, pourquoi ?
Cette formation, dispensée par des magistrats, vise à donner aux 140 policiers, aux gendarmes et aux agents de la TaM des outils pour constater ces infractions qui, parfois, peuvent être confondues avec une “drague lourde”. Les participants apprennent aussi à recueillir la parole et orienter “des victimes qui portent rarement plainte” précise Aurélia Bryl, substitut du procureur de la République de Montpellier. On leur rappelle aussi que le harceleur de rue est partout, en ville, mais aussi en milieu rural, comme le constate le général Jean-Valéry Lettermann, commandant des gendarmes de l’Hérault : “C’est une infraction nouvelle, donc ça démarre doucement. L’an dernier, nous avons constaté 5 infractions en zone gendarmerie sur l’ensemble du département. Et depuis le début de cette année, nous sommes déjà à 15”. La police a relevé de son côté 18 infractions l’an dernier, et déjà 12 depuis le début de l’année.
Des amendes encourues
Pour le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, il était aussi d’urgent de s’attaquer à ce problème afin de faire changer les mentalités. “Il y avait des formes de tolérance dans le passé. On expliquait que c’était normal de parler aux femmes comme cela et puis qu’au fond dire : “Sale PD”, cela s’était toujours dit. Mais il y a un moment, il faut dire stop, la question du respect de l’autre est fondamentale” affirme-t-il. Si l’infraction n’est pas constatée en flagrant délit par un agent, la victime peut toujours déposer plainte.
La sanction sera d’une amende allant de 750 € à 1 500 € selon les cas. Les juges pourront obliger les agresseurs à suivre un stage de sensibilisation à la lutte contre le sexisme et pour l’égalité hommes-femmes.