Environnement — Montpellier

Montpellier, Rob Hopkins : "j'invite à une révolution de l'imagination en matière environnementale"

Il a participé à créer la première ville en transition en Irlande, où il enseignait la permaculture, puis dans la petite ville de Totnes, en Angleterre. Le Britannique a ensuite fait des émules. Au point que l'on recense actuellement plus de 2 000 initiatives de villes en transition dans 47 pays, dont 150 en France. Rencontre avec Rob Hopkins…

Une transformation rapide de la société

La situation écologique actuelle est plus que préoccupante. En effet, “la planète a gagné 1,2° C du fait de l’activité humaine entre la création de Stonehenge et des pyramides, les peintures d’Henri Matisse… et les performances vocales de Lady Gaga”, alerte Rob Hopkins, non sans un brin d’ironie. Pourtant, il est loin de se laisser gagner par le défaitisme en matière environnementale. Plutôt que de céder à l’illusion qu’une technologie permettra de résoudre le problème du changement climatique en un clin d’œil, de se contenter de penser que la stabilité technologique sera suffisante ou de sombrer dans la crainte d’un effondrement (théorie de la collapsologie), il explore le scénario de la descente énergétique. Car une chose est certaine : un rapport de l’ONU estime que toute chance de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5° C est impossible, à moins d’opérer des changements drastiques et une transformation rapide de la société.

“Je pense l’être humain capable de se déshabituer de l’opulence, de diminuer son utilisation énergétique polluante et de gaspiller moins de ressources. Faire ce choix, c’est aussi opter pour une meilleure qualité de vie et pour la création de liens entre les humains”, explique-t-il. Il invite chaque citoyen à ne pas hésiter à émettre des propositions ridicules destinées à combattre ou inverser le changement climatique ou à s’y adapter, car selon lui, “toutes les solutions qui ne semblent pas un peu ridicules ne sont pas suffisamment ambitieuses”. Et de citer un exemple : “aux Etats-Unis, dans les années 60, les Américains se garaient juste au bord de l’eau lorsqu’ils voulaient se baigner dans la mer. Puis un jour, quelqu’un a eu l’idée que les voitures se garent plus loin du bord de l’eau, pour que les gens puissent s’asseoir ou s’allonger sur la plage. Au début, ça a semblé ridicule, puis tout le monde s’est rendu compte que c’était bien plus agréable ainsi.

“Ce que l’on n’a pas imaginé ne peut pas advenir”

Rob Hopkins préconise de se donner la liberté d’imaginer les changements que l’on pourrait mettre en œuvre en matière environnementale plutôt que de répandre le défaitisme. Il prône un militantisme enthousiaste et non pessimiste. C’est pourquoi, bien souvent, lors des conférences qu’il tient à travers le monde, il donne pour exercice au public de laisser libre cours à son imagination et de donner sa vision de sa ville en 2030 si toutes les mesures écologiques auxquelles il pense étaient en vigueur. “J’appelle ça le voyage dans le temps”, explique-t-il. C’est ainsi que certains imaginent des espaces publics et routes “débitumés” et transformés en partie en potagers, que d’autres rêvent de la création de couloirs verts pour que les animaux puissent traverser la ville en toute sécurité ou envisagent la disparition totale de la voiture au profit de transports en commun pratiques, très répandus, et non polluants. Constructions en matériaux biosourcés et monnaie locale sont aussi souvent évoqués.

Partant du principe que “ce que l’on n’a pas imaginé ne peut pas advenir”, pour reprendre les mots de Bell Hooks, Rob Hopkins redonne de l’espoir et motive les personnes qui, comme lui, ont des préoccupations environnementales. L’espoir que l’air respiré dans les villes ne tue plus à l’avenir et que le lien social renaisse entre les habitants des villes. Certaines de ses propositions peuvent sembler radicales, comme la nationalisation des banques pour financer un Green New Deal et l’utilisation de leurs locaux pour en faire des lieux de lien social et de vie, avec des potagers sur le toit, la disparition des supermarchés au profit des commerces locaux et des circuits courts, la généralisation de monnaies locales ou l’instauration du vélo en tant que moyen de mobilité normal. Mais les statistiques qu’il cite témoignent de l’urgence qu’il y a à agir face au réchauffement climatique. Ainsi, selon lui, “9 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du ciment et du béton”. D’où la nécessité de créer des bâtiments en bois issu d’arbres locaux et de “débétonner les rues”. D’autant que cette activité peut “créer un vivier d’emplois”, relève-t-il.

Un voyage imaginaire en 2030

Pour convaincre ses interlocuteurs, Rob Hopkins propose de leur raconter son voyage en 2030. Un voyage dans son imaginaire semblable à ce qu’il a envie de vivre. Ce voyage a commencé par des dessins de l’avenir tel qu’il a envie de le voir et s’est poursuivi d’initiative en initiative : à Barcelone qui a végétalisé 30 % de ses rues, à Bologne où est né le Bureau de l’imagination citoyenne en 2018, à Liège où une “ceinture aliment-terre” a été créée, en France où 82 monnaies locales sont en vigueur, à Londres où “le mouvement Extinction Rebellion a transformé en une nuit le pont de Waterloo en forêt, installant ainsi un futur désirable… avant d’être délogé par les forces de l’ordre au bout de quinze jours”. Rob Hopkins estime que l’on peut s’inspirer des nombreuses initiatives présentes dans le monde entier.

Dans son voyage imaginaire en 2030, les parkings souterrains aujourd’hui dévolus aux voitures seraient dédiés à la culture de champignons pharmaceutiques et alimentaires ainsi qu’au stationnement des vélos, l’agriculture suivrait les principes de l’agro-écologie, maintenant un degré d’humidité et les conditions pour que se développe la biodiversité, des arbres fruitiers seraient intégrés aux cultures pour éviter les sols à nu nocifs pour les animaux, les universités seraient entourées de potagers au lieu du bitume, les fonctionnaires seraient formés à développer leur imagination, les enfants grandiraient accompagnés par un système éducatif bienveillant, laissant une large part à l’imagination…

Face à “l’immobilisme ou au manque de volonté des dirigeants politiques”, Rob Hopkins souhaite “que les citoyens se réapproprient la question du changement climatique” et agissent à leur niveau. “Tout grand projet commence bien souvent à quelques personnes, qui décident de le lancer. Alors lancez-vous, ne laissez pas le pouvoir à quelqu’un d’autre”, conclut Rob Hopkins.

Rob Hopkins en conférence
Rob Hopkins en conférence

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Cette rencontre s’est déroulée en marge de la conférence “Accélérons la transition – Les solutions possibles pour faire évoluer et transformer nos villes et territoires”, organisée par le magazine Sans transition ! à l’Agro Montpellier, le mardi 4 avril 2023 à 20h00, avec le soutien notamment de la Ville et de la Métropole de Montpellier. L’après-midi, Rob Hopkins avait visité le terrain sur lequel sera implanté l’Agriparc des Bouisses en compagnie du maire Michaël Delafosse et de plusieurs élus, dont les adjoints Stéphane Jouault, Maryse Faye, et les vice-présidentes de la Métropole Isabelle Touzard ou encore Coralie Mantion. Lire l’article ICI.

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