Montpellier, tribunal de commerce : Nadine Baptiste, “la prévention doit l'emporter sur la condamnation”
Mardi 17 janvier 2023, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Montpellier, Nadine Baptiste, sa présidente, est revenue sur les principaux enjeux de la juridiction et sa nécessaire évolution.
La crise sanitaire et l’inflation pèsent sur les entreprises. Craignez-vous de voir la situation s’aggraver au sein de votre tribunal ?
Nadine Baptiste : “Ce qui se passe aujourd’hui est très préoccupant. Il y a une reprise de l’inflation, une augmentation très importante du coût des matières premières donc de l’énergie. Il faut être à l’écoute des entreprises. La période peut en effet s’avérer très difficile. Il est indispensable d’anticiper. Si l’on prend les problèmes suffisamment tôt, on arrive à redresser les entreprises, mais si on attend trop, malheureusement, c’est la catastrophe. C’est pour cela que l’on doit mettre l’accent sur la prévention”.
Vous avez fait de la prévention votre cheval de bataille…
Nadine Baptiste : “J’estime que l’anticipation est un axe qu’il faut pousser davantage. Anticiper signifie avoir le temps de discuter avec les créanciers et mettre en place un plan de financement. La liquidation judiciaire n’est pas la seule issue quand on s’adresse au tribunal. Nous savons aujourd’hui que les conciliations ont 80 % de réussite par exemple. Si les chefs d’entreprise en difficulté venaient nous voir, s’ils demandaient des conseils, un accompagnement, le sort de beaucoup de sociétés serait différent.”
Pour porter cette conviction jusqu’à la concrétisation, vous avez par ailleurs obtenu 6 juges supplémentaires. Où sont-ils attendus ?
Nadine Baptiste : “D’une part, le ressort du tribunal de commerce de Montpellier fait partie des zones où il y a le plus de créations d’entreprises. Qui dit plus d’entreprises dit plus de contentieux entre sociétés. Il faut traiter les dossiers ! Quand j’ai déposé mon dossier à la Chancellerie, j’ai fait une étude comparative par rapport aux autres tribunaux de commerce de France. 44 juges pour juger un nombre important de dossiers, c’était trop peu au vu des effectifs réellement nécessaires. Il était justifié de demander 6 juges supplémentaires et ainsi de passer à 50 juges au total. La Chancellerie a répondu positivement à ma demande.
D’autre part, le tribunal a pour ambition de développer les Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD) pour éviter des contentieux longs et préjudiciables pour les entreprises. C’est une charge supplémentaire pour les juges. De plus, nous avons commencé à faire des audiences pour le dépôt de compte, celui-ci étant une obligation. Nous souhaitons développer la prévention, aider les entreprises avant qu’elles n’arrivent en procédure collective. Cela nécessite de mettre en place des mandats ad hoc ou des conciliations. Pour toutes ces raisons, il nous fallait plus de juges.”
La prévention passe surtout par un meilleur dialogue avec les entreprises. Quelles sont les actions mises en place ?
Nadine Baptiste : “Au tribunal, nous avons déjà une équipe de juges chargée de la prévention. Concrètement, nous recevons le vendredi matin les chefs d’entreprise qui nous sollicitent ou que nous convoquons. En octobre 2022, nous avons également renforcé notre alliance avec la Chambre des métiers et de l’artisanat en signant une convention renforçant notre présence auprès des entreprises et tout particulièrement des TPE. Désormais, un juge dédié se charge de faire des permanences à la Chambre de métiers. Pour initier un dialogue sans que la peur ne domine les échanges, nous allons vers les artisans.”