Mort de la petite Amandine : "Avec tous les signaux d'alerte, on n'a pas su identifier le danger"
Le procès de Sandrine Pissarra, accusée de maltraiter sa fille Amandine jusqu'à sa mort, met en lumière les défaillances du système de protection de l'enfance. Les associations qui se sont porté partie civile espèrent que cette tragique affaire aidera à une prise de conscience.
Tous ceux qui ont pris place, depuis le 20 janvier, dans la salle de la cour d’assises de l’Hérault ont passé quatre jours à revivre l’histoire d’Amandine, cette petite fille qui “a grandi dans un foyer où la tyrannie familiale a pu s’exercer sans quasiment aucune entrave”, comme l’a dit, lors de sa plaidoirie, l’avocate de l’association Enfance et Partage, maître Emmanuelle Carretero. Décédée le 6 août 2020, Amandine était une jeune fille qui, depuis ses deux ans, était battue et torturée par sa mère, Sandrine Pissarra. Ses derniers mois de vie, l’adolescente de 13 ans a également été enfermée et affamée jusqu’à ne peser plus que 28 kilos pour 1,55 le jour de sa mort.
En agissant ainsi, la France “commet une faute”
Pourtant, depuis l’école maternelle, quatre signalements avaient été faits par l’Education nationale. Pour les trois premiers, en 2010, 2012 et 2014, un juge des enfants a été saisi. A chaque fois ce juge prononce un non lieu, en retenant que les enfants, Amandine et ses frères et soeurs, ne sont pas en danger. Le dernier, celui de 2019, a tout simplement disparu. On ne sait pas ce qu’il est devenu, il n’a donné lieu à rien. “Ce sont des problèmes systémiques qui sont révélés à chaque fois dans ces affaires, analyse maître Nathalie Bucquet, avocate d’Innocence en danger. C’est vraiment dur de se dire qu’avec tous les signaux d’alerte on n’a pas su identifier le danger.” Avec son association, la magistrate “réclame depuis des années un fichier qui centralise un certain nombre d’informations. Par exemple, si on avait une plateforme où on fait un signalement”.
Dans le cas d’Amandine, “les voisins, les camarades de classes auraient pu s’en servir. Si ces signalements convergent avec les visites médicales qui ne sont pas régulières, avec les changements d’établissements scolaires, avec le témoignage d’Amandine, ses ecchymoses, ses yeux cernés. Ca fait déjà pas mal d’éléments. On pourrait faire un algorithme qui, dans ces cas-là, alerte le Parquet. Et on aurait une intervention beaucoup plus efficace”. maître Emmanuelle Carretero ajoute : “La Convention européenne des droits de l’homme dit qu’il faut respecter la vie d’un enfant et la France en agissant ainsi, en ne créant pas de connexion entre les services sociaux et les services judiciaires, commet une faute en ne protégeant pas suffisamment les enfants”.
“C’est insupportable pour la société toute entière“
Ce n’est pas seulement le système judiciaire qui a échoué dans l’affaire de la petite Amandine. “Nous avons tous pêché quelque part, ajoute l’avocate. Que ce soit le père, l’entourage, les voisins, les amis et surtout tous les professionnels, sociaux et de santé, qui ont été en contact avec l’enfant et qui n’ont pas su détecter les signaux”. Il faut “sensibiliser les autorités judiciaires, les autorités sociales et l’opinion publique parce qu’il est important que chacun ait conscience qu’un enfant, c’est vulnérable et que c’est de notre devoir de devoir les protéger“.
Combien d’Amandine vivent actuellement dans nos villes ou dans nos campagnes ? Selon l’académie de médecine, en France, un enfant meurt de maltraitance tous les cinq jours. “Qu’il s’agissent de meurtres ou de faits comme celui-là, précise maître Nathalie Bucquet. C’est insupportable pour la société toute entière”. Dans la famille Pissarra, les frères et soeurs d’Amandine ont vécu l’enfer aussi. Les plus grands se sont sauvés de la maison dès qu’ils ont pu, à 18 ans. A la petite brune au sourire malicieux, il “aura manqué quatre ans pour se sauver elle même, relève l’avocate de l’Enfant bleu, maître Véronique Boulay. Car nous, nous avons échoué”.