Notaires : Maguelonne Escande-Cambon, "Le marché immobilier se crispe"
La présidente de la Chambre départementale des notaires de l'Hérault dresse les jalons de l'année qui débute et évoque la formation, le marché immobilier, la médiation, les réclamations, ainsi que les difficultés de recrutement au sein des études…
Maguelonne Escande-Cambon, présidente de la Chambre départementale des notaires de l’Hérault © Virginie Moreau.
Comment cette année débute-t-elle dans les études notariales ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Nous avons noté un ralentissement en octobre 2022, mais qui ne s’est pas confirmé en novembre. Fin 2022, l’activité était encore soutenue. Dans les études, en ce début d’année 2023, on enregistre une petite accalmie par rapport aux deux années précédentes, qui ont été trépidantes en termes d’activité.
Il y a un peu moins de promesses de ventes, mais cela ne veut rien dire pour la suite. Ce qui est significatif est que sur le dernier mois, moins de compromis de vente ont été reçus. Il nous est annoncé un ralentissement général, mais si l’on rapporte cela aux records que l’on a connus, il ne s’agirait que d’un retour à la normale. »
Le notariat cherche à recruter, 300 postes seraient disponibles en Occitanie. Il y a de forts besoins en clercs, notaires collaborateurs, assistantes…
Maguelonne Escande-Cambon : « Beaucoup de nouveaux notaires se sont installés ces dernières années ; ils ont recruté du personnel, qui a été réparti sur ce nouveau marché, plus étendu. Sans oublier que l’activité a explosé. Les deux phénomènes couplés ont créé une pénurie de personnel. Il faut du temps pour former des personnes à même de travailler dans les études. Nous sommes un peu à la peine. Les études accueillent de plus en plus de jeunes en alternance. Le BTS est en place depuis trois ans et l’alternance est proposée à tous les niveaux d’études.
Nous constatons également un manque de comptables. C’est pourquoi, sous l’impulsion déjà de mon prédécesseur Me Gilles GAYRAUD, nous essayons de mettre en place une formation locale de comptables. Jusqu’à présent, il n’y avait que deux pôles de formation de collaborateurs comptables. »
Comment rendre la profession plus attractive, selon vous ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Nous avons participé le 12 décembre dernier, aux côtés des avocats et des huissiers, à une journée d’information sur nos professions, qui se tenait à l’Université de Montpellier… Ce genre d’opération de sensibilisation existe depuis de nombreuses années. En lien avec la Chambre, les notaires participent régulièrement aux forums des métiers organisés dans les établissements d’enseignement de leurs communes respectives. A l’initiative de la Chambre départementale de l’Hérault, il y a également eu une rencontre avec les lycéens, sur le pôle Béziers et le pôle Montpellier. Des notaires se sont rendus dans les lycées pour expliquer la profession aux élèves et leur présenter les différents métiers du notariat (notaires mais aussi secrétaires juridiques, clercs, comptables, formalistes, …). Les informer dès le lycées est pertinent, car c’est à ce niveau que les élèves sont amenés à réfléchir et à décider de leur orientation. »
Pourriez-vous résumer vos projets pour la chambre sous votre mandature ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Vu le nombre croissant de notaires dans la Compagnie, je me suis inscrite dans un projet de fédération des notaires du département, pour que les Confrères entretiennent des liens et ne se sentent pas isolés.
Le notariat a défini sa Raison d’Être au niveau national. Il nous a été demandé de répercuter cet événement au niveau local. La Chambre des notaires a animé une journée dédiée à la Raison d’Être le jeudi 22 septembre dernier. Un millier de notaires et de collaborateurs ont ainsi été réunis dans un moment de partage sur ce qui définit l’identité notariale et la profession que nous partageons.
Je m’interroge régulièrement sur les meilleures façons de créer des moments de convergence. Selon moi, cela doit passer par la formation : plus on propose de formations, plus on fait se rencontrer les notaires et les collaborateurs.
Des formations sont organisées chaque année par le CRIDON et il y a aussi les formations de l’INFN (Institut National de Formation des Notaires). Avec le Conseil Régional des Notaires, nous voulons remettre au goût du jour l’Université du Notariat. Nous devions en effet trouver un lieu central, pour que les notaires des compagnies de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, de l’Aveyron et de l’Hérault puissent s’y retrouver. Nous avons une proposition pour Béziers en juin, la réflexion est en cours. Tous les collaborateurs, même les comptables, doivent se sentir concernés par l’université du notariat. Les formalistes et les comptables sont des métiers dont nous avons besoin dans une étude. Je suis convaincue que former permet de rassembler et de mettre en place des moments de partage.
Parmi les grandes dates de ce début d’année, il y a la présentation de la Loi de Finances en janvier, et le 31 janvier vers 19h00, la cérémonie des vœux de la Chambre des Notaires, adressés aux notaires, mais également en présence des institutionnels, des représentants des autres professions juridiques et de nos partenaires professionnels.
Quels enseignements tirez-vous de ces six premiers mois de gestion des réclamations, charge qui vous a été déléguée en tant que présidente de chambre depuis le 1er juillet 2022 ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Nous continuons ce que nous faisions, par délégation cette fois du Conseil régional. Ainsi, depuis le 1er juillet 2022, 111 courriers ont été reçus. Sur ce total, une réponse circonstanciée a été apportée à 62 dossiers, qui ont été classés. La plupart du temps, il ressort qu’il s’agit d’un manque de communication. Dans ces cas-là, le notaire a repris contact et expliqué la situation. Les autres dossiers sont en cours d’instruction.
Les demandeurs se plaignent à 90 % que le notaire ne leur réponde pas. Il s’agit bien souvent de dossiers de succession bloqués dans lesquels les ayant-droit ne s’entendent pas ; le notaire n’est pas en cause dans ces situations. C’est dans ce type de dossiers que la médiation pourrait entrer en jeu…
Dans le cadre de la réforme de la discipline, l’un des changements est qu’à défaut de réponse du notaire, il peut y avoir des sanctions. Mais les notaires répondent en général très rapidement à leur instance, car la profession est disciplinée. »
Justement, vous venez d’évoquer brièvement la médiation. Où en est la structure dédiée, créée en juin 2022 ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Sud Médianot commence à se mettre en place. Selon moi, la médiation a toute sa place pour alléger la justice, qui est exsangue. Le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti parle de créer 10 000 emplois dans la justice. Très bien ! Les juges ont besoin de personnes qualifiées pour les aider. La médiation pourrait éviter l’engorgement des tribunaux… »
Comment appréhendez-vous le marché immobilier actuel, crispé par l’augmentation des taux d’intérêt, qui cause des difficultés d’obtention d’emprunts par les ménages héraultais ?
Maguelonne Escande-Cambon : « On n’en ressent pas encore l’impact car les taux d’intérêt restent globalement faibles. Ils sont actuellement majoritairement en dessous de 3 %, en fonction de la durée de remboursement. Là où il y a problème, c’est vis-à-vis des refus de prêts liés au taux d’usure et non pas au taux d’endettement des ménages. Le taux d’usure va remonter. Autre problème, il y a encore beaucoup d’acheteurs potentiels, et de moins en moins de biens à vendre. Les agences se plaignent de ne pas avoir assez de biens sur le marché. La conséquence est que le marché se crispe. »
Du 27 au 29 septembre 2023 se tiendra le congrès des notaires à Deauville, autour du logement. En quoi les notaires peuvent-ils accompagner les problématiques actuelles dans ce domaine ?
Maguelonne Escande-Cambon : « Concernant le manque de logements disponibles, nous pouvons conseiller nos clients. Dans l’Hérault, nous avons signé une charte sur l’habitat indigne afin d’alerter et d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux pour remettre leurs logements sur le marché.
Certains propriétaires savent qu’ils doivent faire des travaux avant de louer leur bien, mais ils craignent que cela leur coûte trop cher, donc ils sont dans l’attentisme. Les notaires communiquent donc de plus en plus au sujet des aides disponibles sur le site Internet France Rénov. Ma Prime Rénov est l’une des aides, mais il y en a d’autres listées sur ce site. Les propriétaires sont incités à rénover par des subventions.
D’autres propriétaires craignent les dégradations et les loyers impayés, donc ils rechignent à louer leur bien. Il faut les comprendre : la lenteur de la justice n’aide pas. Protéger les locataires, c’est bien, mais pas si ça se retourne contre les propriétaires. Il faut trouver un équilibre. »
Combien de notaires sont installés dans le département de l’Hérault ?
Maguelonne Escande-Cambon : « 342 notaires sont installés dans l’Hérault au jour d’aujourd’hui ; il y a cinq ans, nous étions 200. Cela fait une grosse augmentation à absorber, mais l’absorption se passe bien. Il faut dire que le marché a été porteur, ce qui a permis à chacun de trouver sa place. Mais que se serait-il passé si le marché ne s’était pas aussi bien porté ? Dans les années à venir, nous verrons si tout ceci est cohérent ou pas. »
Quel est le profil actuel du notaire héraultais ?
Maguelonne Escande-Cambon : « La moyenne d’âge des notaires héraultais était de 45 ans en mai 2022. Aujourd’hui, sur 342 notaires, il y a 150 hommes pour 192 femmes, donc 44 % d’hommes et 56 % de femmes. On le voit, la profession est donc plutôt jeune et féminisée. »