Nouveau centre de rétention administrative à Béziers : entre opportunité et controverse
En octobre 2023, le gouvernement français annonçait la construction d’un nouveau centre de rétention administrative (CRA) à Béziers, un projet qui suscite toujours autant d’espoirs que de critiques.
Prévu pour être opérationnel dans 2 à 3 ans, ce CRA s’inscrit dans le cadre du « plan CRA », porté par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dont l’objectif était de doubler les capacités d’accueil des centres en France pour atteindre 3 000 places. Sur son compte X, Bruno Retailleau a indiqué, ce 10 janvier, avoir reçu au ministère le maire de Béziers, Robert Ménard. Cette rencontre a été l’occasion d’aborder de nombreux sujets dont l’immigration. Le ministre de l’Intérieur a exprimé sa gratitude envers le maire de Béziers en le remercient vivement d’avoir donné son accord pour la construction d’un CRA car “la maîtrise de l’immigration est l’affaire de tous”.
J’ai reçu au Ministère de l’intérieur le maire de Béziers, Monsieur Robert Menard. L’occasion de parler sécurité, laïcité ou immigration. Je le remercie vivement d’avoir donné son accord pour la construction d’un CRA. La maîtrise de l’immigration est l’affaire de tous. pic.twitter.com/1ebX50XwWN
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) January 10, 2025
“Expulser les personnes qui n’ont rien à faire en France“
Le futur CRA de Béziers sera situé sur un terrain de cinq hectares au nord-ouest de la ville, au Gasquinoy, face au centre pénitentiaire. Cette situation géographique a été pensée pour faciliter le transfert des détenus étrangers, soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). La structure pourra accueillir jusqu’à 140 hommes en situation irrégulière, et environ 200 policiers seront mobilisés pour assurer son fonctionnement.
Le coût total du projet est estimé à 40 millions d’euros, entièrement financés par l’État, qui a racheté le terrain à la ville de Béziers. Robert Ménard, maire de la ville, s’est montré enthousiaste : « Je suis ravi. Je ne cesse d’expliquer qu’il faut expulser les personnes qui n’ont rien à faire en France. »
Une réponse à une problématique nationale
Les CRA sont des lieux où sont retenus les étrangers en situation irrégulière, en attente de leur éloignement du territoire. Selon le ministère de l’Intérieur, ces centres ciblent en priorité les personnes considérées comme des menaces pour l’ordre public, lesquelles représenteraient 90 % des placements. À Béziers, ce CRA viendra s’ajouter aux trois déjà existants en Occitanie, situés à Sète, Nîmes et Perpignan. Le préfet a précisé, au cours d’un déjeuner de presse jeudi 9 janvier à Montpellier que le marché de conception du futur centre de Béziers était lancé pour faire face au manque de places dans les CRA. “Il est arrivé qu’on envoie des OQTF jusqu’à Metz.” Celui de Béziers, 140 places, devrait ouvrir en 2027. “Un avantage incontestable pour reconduire les étrangers en situation irrégulière“, s’est félicité le préfet, heureux du volontarisme dont a fait preuve le maire de Béziers, Robert Ménard, pour trouver le terrain adéquat. “Nous ne serons pas les seuls à l’utiliser, il servira toute la région“, a précisé le préfet.
« l’État rajoute du désordre là où il y en a déjà »
Cependant, ce projet est loin de faire l’unanimité. L’été dernier, un collectif anti CRA composé de membres de la Cimade, de la Ligue des droits de l’homme, de l’Evab, du Syndicat solidaire, du NPA, du parti communiste, ou encore des citoyens ont exprimé leur opposition. Lors d’une manifestation, des pancartes dénonçaient un gaspillage financier de 40 millions d’euros.
Jean-Philippe Turpin, directeur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Béziers (CADA) tenu par La Cimade, a vivement exprimé ses réserves concernant la construction d’un CRA dans la ville. Selon lui, cette infrastructure ne répond pas aux priorités actuelles, tant au niveau national que local. « L’argument numéro un, c’est de se demander si un centre de rétention est vraiment nécessaire aujourd’hui. Vu la situation nationale et les faibles taux de reconduite à la frontière, est-ce que c’est vraiment de l’argent bien dépensé ? De notre point de vue, ce n’est pas du tout, mais vraiment pas du tout, une priorité en termes de financement. Cela revient à jeter de l’argent par les fenêtres. » Il a également mis en avant le contexte social de Béziers, où selon lui la précarité est particulièrement marquée. Il souligne qu’une récente enquête a identifié un quartier de la ville comme l’un des plus pauvres de France, ce qui devrait inciter à une utilisation plus ciblée des ressources publiques. « Il y a beaucoup de précarité à Béziers. Encore une fois, s’il y a des besoins, ce n’est pas un centre de rétention qui doit être prioritaire. L’État, en ajoutant cette infrastructure, semble simplement rajouter du désordre là où il y en a déjà. »
Un accord derrière le projet ?
Le directeur du CADA évoque la possibilité d’un accord tacite entre le maire de Béziers, Robert Ménard, et l’ancien préfet Hugues Moutouh. « On a le sentiment qu’il y a eu une sorte de deal. Quelque chose comme : ‘Tu soutiens ma vision de la France blanche chrétienne, et en échange, je t’offre un terrain pour le centre de rétention.’ C’est mon analyse, peut-être un peu caricaturale, mais ce sentiment persiste. » Jean-Philippe Turpin insisté également sur l’impact direct de cette infrastructure sur les riverains. Il pointe les nuisances potentielles pour les habitants des maisons situées à proximité immédiate du futur CRA, notamment en raison des bruits nocturnes, parfois amplifiés par l’utilisation de drones. « Il faut vraiment informer les gens de ce projet. Ceux qui habitent en face font déjà face à de nombreuses difficultés, et ce centre risque de les aggraver encore. »
Un projet tout de même sur les rails
Malgré ces oppositions, les autorités locales poursuivent les démarches administratives. Une réunion récente, sous l’égide du préfet a été organisée avec les différentes parties prenantes pour planifier la mise en œuvre du projet. Le maire de Béziers, Robert Ménard, a récemment réitéré son espoir de voir le CRA opérationnel à l’horizon 2027-2028